lundi 19 novembre 2007

Le temps des saisons

C'est la saison de la grande fatigue. Koffi Cadjehoun vous donne rendez-vous bientôt avec un nouveau blog, dont l'adresse sera annoncée ici même. D'ici là, bonne lecture des notes qui parcourent les trois temps d'Au Tour du réel. A bientôt!

dimanche 18 novembre 2007

Postkantisme

L'ontologie classique représentait l'Etre comme l'explication à tout ce qui est et qui n'apparaît pas immédiatement, soit tous les niveaux de réalité - plus leur lien. L'ontologie postkantienne se réclame des sophistes et de Nietzsche pour entériner le renversement nihiliste : le morcèlement du réel est expliqué par la superposition indéfinie des niveaux de réel. Quant à la pensée du néant, elle montre que le lien s'opère entre les indéfinis niveaux, que l'infini est le lien qui empêche justement le morcèlement indéfini dû à l'ontologie classique de l'apparence.

jeudi 15 novembre 2007

Paradoxologie

Pourquoi trouve-t-on la fatigue, l'épuisement et/ou la destruction dans la superpuissance et la démesure? C'est que le réel est le champ clos de la finitude, le monde de l'homme. Si le monde est fini, forcément les ressources de l'apparence immédiate s'épuisent rapidement et viennent à manquer. Le paradoxe, c'est que le désir est d'autant plus absolu dans l'Hyperréel que le domaine ontologique est défini comme limité.

mardi 13 novembre 2007

Hypersouffrance

Pourquoi la domination suppose-t-elle la souffrance? Pourquoi le plaisir passe-t-il par la souffrance, par la domination dans l'Hyperréel? La souffrance consiste à ressentir la douleur ou à l'infliger, c'est-à-dire à l'ordonner. Dans l'expérience de la souffrance (infligée ou reçue), le dépassement et l'intensité sont logiques car elles renvoient à l'expérience de l'ordonnation. Celui qui ordonne, dans les deux sens du terme, prend la tunique et le rôle du démiurge. Le plaisir tient à cette attribution de la puissance divine. L'individu dans l'Hyperréel contacte l'ordonnation divine.

lundi 12 novembre 2007

Réunion

Dopage/représentation/pornographie/cinéma/télévision : même combat.

Dominez, Domine

Dans le monde du fini, le but de la singularité (de l'individu) est de dominer l'ensemble du champ fini. Du chant du cygne. Dans le champ qualitatif, cette domination de l'individu est illusoire. L'individu est lui-même sans fondement. Il ne peut prétendre dominer un camp qu'il ne maîtrise pas. Au contraire, dans le champ du fini, l'intensité comme domination et destruction de l'autre et de soi est conséquente. L'intensité vaut autant pour le dominé que le dominateur. Le but est d'atteindre à cette puissance qui est considérée comme comique car permettant d'atteindre à la domination du réel entendue comme Hyperréel, champ clos et fini.

samedi 10 novembre 2007

La domination du Même

Dans le monde du Même, l'énergie est quantifiable, en tant que seule la différence est en mesure d'apporter de l'inquantifiable en provenance du néant. Il s'agit de dominer et de prendre le plaisir dans l'intensité de la force comme énergie violente. Le fondement de l'Hyperréel est fini car objectif : c'est l'individu. La domination n'est destructrice que si elle est quantifiable, délimitée, définie. Dans le monde fini de l'Hyperréel, le sens de la finitude aboutit à la domination et l'intensité. Comme Ovidie avait raison, dans sa grande folie et son égarement permanent!

Extension/réduction

L'extension du sensible suppose que le sensible soit magnifié, qu'il soit poussé au-delà de ses limites et de ses retranchements, pour acquérir la stature de l'Etre. Le Sensible a ainsi pour critère l'intensité, puisque la puissance sensible suppose que cette puissance soit ramenée à du quantifiable objectivisé. L'intensité va vers la réduction et la souffrance, puisque l'intensité de la répétition, c'est la - pure souffrance.

mardi 6 novembre 2007

Répétitions de la différence

L'expulsion de la différence dans la représentation conduit à son évolution dans le réel en pure répétition/violence. Autrement dit : la représentation/fantasme sert d'ordinaire à transformer la violence en différence, à aménager la pure répétition en différence. La représentation sert d'usine de recyclage et de transformation de la violence. Dans le réel, l'existence de la violence pure a besoin de la médiation de la représentation pour devenir création - pour l'homme. L'homme utilise sa faculté de représentation pour agencer la pure répétition en d'autres formes. Le fantasme est réagencement, donc réagencement fantasmatique, ordonnation fantasmatique de la violence pure. Du coup, la violence pure passe par la représentation et ressort recyclée dans le réel à l'état de différence - utilisable pour l'homme à l'état de culture. Raison pour laquelle la pornographie est le lieu de la violence, en ce que la médiation de la représentation est remplacée par l'éviction du réel au profit de l'Hyperréel. Qu'est-ce que l'Hyperréel? La pornographie en offre un avant-goût sidérant. Et c'est en quoi ce que nous dénommons avec pertinence médias n'est jamais que le réceptacle et l'annonce de ce que sera ce monde où la violence n'est pas transformée en différence. La médiation, désormais, se passe de l'art et propose la domination en lieu et place de la transformation.

vendredi 2 novembre 2007

Surchauffe et casse

Pourquoi repousser les limites conduit-il à la destruction? Le Surhomme est le fait de nier l'Etre pour le remplacer par l'apparence. C'est le syndrome du moteur surchauffé. La réduction accouche de la destruction, car l'augmentation de la répétition conduit au remplacement de la différence par la répétition abolutisée. La réduction expulse la différence de l'Hyperréel/apparence absolutisée. Le réel dénié compense sa négation dans l'ultrapositivité hyperréelle par le refus de la différence. D'où la conversion de la différence en système de destruction pure comme ordonnation minimale. La seule différence qui subsiste tient à la perversité de la mutation. L'homme en - Surhomme.

dimanche 28 octobre 2007

La tyrannie du direct

L'accélération du rythme de la vie, l'hégémonie de l'événementiel s'expliquent par le besoin de combler la réduction de l'apparence par la surabondance de l'ordre sensible. D'où le caractère trépidant du direct et des informations.

vendredi 26 octobre 2007

Chaos

Sans le principe du fantasme, le réel est menacé par le chaos.

Réglementarisme

Le terme de réglementarisme est merveilleux. Le vocable qui prétend définir et revendiquer la libération et la vraie liberté se dénomme réglementarisme. Pourtant, réglementer, c'est légiférer. Autrement dit, le système qui dérégule revendique le réglementarisme. Le système qui légifère et entérine la possibilité de vendre ou de louer son corps n'est libération que dans la mesure où il limite. Décidément, la liberté ne se dépêtre pas de la limite. Curieuse manière que de prétendre apporter la libération en nommant ce processus réglementarisme. Curieuse et paradoxale manière. Car la profondeur du paradoxe tient à la limite qu'instaure le réglementarisme. Le réglementarisme revient à instaurer la règle de l'Hyperréel. Comme son nom l'indique, le réglementarisme légifère, légitime et limite - quoi au juste? L'absence de limites comme reconnaissance de la limite n'est autre que la transposition de la limite à l'Hyperréel. La libération de la limite comme suppression idéale de la limite signale que la limite, pour être nulle part, est partout. Système même de l'archétype le plus proche de l'anéantissement. Voilà qui a au moins le mérite d'être clair.

(L)Imitation

Le fantasme est le moyen pour l'homme de (dé)limiter sa puissance.

Fantasthme

Quand le fantasme se réalise, le réel se fait fantasme.

jeudi 25 octobre 2007

Sweet fantasme

J'écoute Robbe-Grillet dans Ce soir ou jamais. Robbe-Grillet s'élève vigoureusement contre les censeurs moralistes qui prétendent interdire les fantasmes les plus inavouables, en tout cas les régenter et les censurer. Robbe-Grillet aborde notamment les rapports de l'écriture et de l'imaginaire et explique que le propre du fantasme étant de ne pas se réaliser, le rôle du fantasme est d'agir comme un filtre, une catharsis contre le passage à l'acte. C'est sans doute une thèse grossière, mais je serais assez d'accord avec cet écrivain fort moyen (et fort ennuyeux surtout) s'il précisait peut-être que le fantasme est si complexe qu'il ne saurait se limiter à une catharsis de pure défense, ce qu'Aristote ne stipule au demeurant jamais. Il est certain que la censure de l'expression littéraire correspond à un moralisme obvie, à condition qu'une petite précision, capitale, soit apportée : dire prémunit d'agir si et seulement si l'esthétique qui sous-tend l'entreprise littéraire et/ou fantasmatique affirme la séparation de la représentation et de la réalisation. Car une chose est d'énoncer que la littérature est aussi le règne de la pure liberté (et que la perversion imaginaire n'est pas de la perversion, par définition), une autre est de rappeler que le propre d'une certaine autofiction, ou d'écrits autobiographiques ambigus, est de gommer la différence essentielle entre représentation et réel. Je pense à tous ces journaux dont le propre est de glorifier la pédophilie ou de narrer par le menu des expériences sexuelles engageant des personnes réelles. Alors, certes, la relation de ces expériences est très souvent hyperbolique, mais il n'empêche. Le dérapage se situe précisément à cet endroit, dans le lieu de la confusion qui se prétend aussi défense et apologie de la liberté échevelée et absolue. Est-ce parce qu'il oublie ce détail que Robbe-Grillet passe à côté de l'essentiel? En tout cas, si la littérature n'a pas pour fin, ni ambition, de prévenir les actions perverses (et criminelles), elle vaut mieux que le vrai moralisme de l'époque : non d'empêcher l'expression quelle qu'elle soit, mais de défendre le principe de la liberté sans limite.

lundi 22 octobre 2007

Il faut souffrir pour être pot

Curieux penchant que le penchant pour la souffrance. Curieux, quoique plus répandu qu'on ne pense. Je ne vise pas seulement les adeptes du sado-masochisme au sens strict ou de leurs imitateurs édulcorés. Je constate que les valeurs pornographiques sont tout à fait répandues et qu'elles prônent le culte de la souffrance comme quête du plaisir. Ce n'est bien entendu pas le hasard qui aboutit à cette apologie. L'esprit du système a d'autant plus interdit la pornographie qu'il en organisait la célébration insidieuse et métastasée. De quelle souffrance parle-t-on? La souffrance n'est certes pas le fait exclusif de la pornographie, tant s'en faut. Loin d'être une création de la pornographie, ce serait plutôt la pornographie qui serait sa créature torve et difforme. Au départ, l'existence sait que la souffrance est sa compagne intime et indicible. La souffrance est d'ordinaire couplée à la différence en ce qu'elle permet une transformation de la violence en énergie positive pour l'homme. Lorsqu'elle possède ce statut, la souffrance sert la perpétuation de l'existence. La souffrance devient destruction pure, soit apologie du plaisir en souffrance, quand elle est séparée de la différence. Le dopage permet la transformation de la souffrance en acceptation de sa réalité positive - quand l'atavique transformation supposait l'évolution de la destruction vers la création. La représentation pornographique résulte précisément de ce télescopage (dans tous les sens du terme, et plutôt dans ses termes violents) entre le réel et la représentation. Dans tous les cas, la souffrance n'est plus l'objet d'une réelle médiation, elle est nue, bref elle est crue. Plus une star du X est nue, plus elle attise la souffrance. Qui l'eût cru?

vendredi 19 octobre 2007

Hypernotes

Quelques notes sur l'Hyperréel :

- rendre l'apparence immédiate absolu réel;
- fonder l'Hyperréel sur le mensonge de la Surpuissance et du Surhomme en tant qu'éloge de l'ordre sensible représenté comme l'absolu;
- cacher la destruction que suppose la réduction ontologique;
- l'inversion du fond/forme dans l'Hyperréel/réel;
- l'Etre s'incarne dans le sensible;
- l'apparence est niée au profit d'une ontologie uniciste.

Au final, cette conclusion : les sportifs mentent, les pornographes mentent... J'ajouterais : les élites mentent par attraction ontologique, à l'insu de leur plein gré - comme dirait l'autre. Pour eux, l'Hyperréel est parfait, le réel est un fantasme. Rien d'étonnant au final que ces tristes sires, ces engeances de mort, ces systèmes de nihilisme ambulants nous entraînent insensiblement vers l'accélération de la destruction. Autrement dit : l'ordre se délite et augmente la cadence de sa violence en croyant remédier au désordre quand il accélère encore le processus mortifère. Le sens mène-t-il vers l'impasse? Quand une porte est fermée, maintes autres sont ouvertes!

dimanche 14 octobre 2007

Au diable ne plaise

On comprend que le nihiliste accorde une si grande valeur au plaisir. Car faire du plaisir le sens de son existence revient en fait à rapprocher de façon profonde le sens et les sens. Plus exactement : à énoncer que le sens s'obtient par l'action des sens. Le plaisir n'est-il pas le sens que l'on déduit des sens? Or les sens ne donnent sens que dans la mesure où ils induisent dans l'exercice de définition un supplément de réalité qui transcende la définition elle-même. Tout objet fini, et l'on dit bien objet de définition, et non sujet, contient le principe de sa transformation/perpétuation, en ce que ce principe est dépassé de toutes parts par l'élément de perpétuation. Les sens donnent sens dans la mesure où ils ne délimitent que temporairement, où ils ne savent que trop que la délimitation contient et implique son dépassement. Faire des sens le critère du jugement moral (j'ai du plaisir=c'est bien) n'exprime pas seulement la tartufferie du moralisme qui ne veut pas dire son nom; c'est aussi opérer la réduction ontologique par excellence, qui affirme sans ambages (ou toute honte bue) que le plaisir est la fin de l'activité et que l'activité n'est jamais que de servir le plaisir. Au nom d'Aristote, j'ose donc ce rappel insistant : le plaisir sanctionne tout rapport avec la différence/destruction, que celle-ci penche du côté de la perpétuation ou de l'anéantissement. Comment établir la distinction entre le plaisir qui perpétue et le plaisir qui, pair, paie/tue? C'est assez simple : le plaisir qui suit les sens et indique le sens est au service de la perpétuation (différence/destruction); le plaisir trahit les sens et le sens quand il se pose en essence de l'existence et en finalité du sens. On ne vit pas pour jouir, on jouit pour vivre. C'est la notable différence avec l'appétit gustatif et le principe de digestion - et c'est en quoi Molière avait si bien raison.

samedi 13 octobre 2007

Pré carré

La poursuite de l'intensité et de la puissance telle qu'elle se signale chez l'homme prétendant au Surhomme explique sa revendication et son apologie par les thuriféraires et les esclaves du système de l'Hyperréel. La définition de la puissance ramène invinciblement au pré carré de l'intensité. Qu'est-ce qu'évoque le pré carré sinon la clôture, et même l'évidence de la limitation comme habitude et coutume trop éprouvée? L'intensité s'éprouve dans la délimitation, dans la clôture de l'espace fini. La jouissance de l'actrice porno, qu'elle revendique comme une preuve de sa supériorité ontologique, vient de la domination que, même dominée, elle exerce sur le réel. Les partisans du système dominant réussissant ce tour de force qui consiste à définir le réel, l'intensité qu'il tire de cette faculté de définition, dans l'immédiat et l'apparent clinquant, en tant que ce qui se limite à l'ordre et se définit selon l'ordre dans la mesure où l'ordre équivaudrait à l'absence de limites. L'ordre, c'est la dérégulation, slogan trop connu des ultralibéraux. La meilleure définition est encore l'absence de définition. Derrière cette résolution perverse, perverse en ce que la résolution résout d'autant plus qu'elle ne résout rien du tout, l'Actrice porno en tant qu'archétype ontologique (Ovidie, Katsuni et Compagnie) ressent les bénéfices de cette limitation sans se rendre compte qu'elle contracte le pacte faustien par excellence et qu'elle vend son existence pour prix d'un peu de représentation et de certitude. Le plaisir de l'intensité? Le plaisir de la certitude. Le plaisir des sens n'est jamais que le plaisir de la définition. D'ailleurs, la plus pertinente définition de la puissance que je connaisse tient justement à l'exercice de la définition. La puissance réside dans l'art de la définition. Délimitez - et vous jouirez. La plus grande intensité s'obtient quand l'affirmation de la libération comme absence de limites coïncide avec la limitation du réel à l'ordre pur. Les entraves de la limitation se ressentent quand le réel est présenté comme purement constitué d'ordre. Homogène, le réel n'a pas besoin d'être délimité. Le plaisir signale seulement cette reconnaissance de l'ordre et de l'ordonnation. C'est dire que l'intensité du plaisir dissimule en son sein un piège redoutable : le fait de croire que l'abolition des différences conduit au Souverain Bien en ce que celui-ci peut être défini et procède de l'ordre. Sans la différence, le Même est mortifère en ce qu'il exprime la dépréciation, puis l'anéantissement. Le danger du plaisir, c'est qu'il signale indifféremment toute distinction du Même. Or le Même destructeur ressemble à s'y méprendre à l'autre Même, son alter ego, celui qui contient la différence, c'est-à-dire celui qui ne sait que trop la vérité : le Même est dans l'autre. C'est ce qu'il faudra expliquer à la Compagnie des Ovidie&Katsuni, qui sont les victimes de la tromperie ontologique (et universelle) par excellence. En confondant au nom du plaisir le Même destructeur et le Même de l'autre, elles ne se rendent pas compte qu'une certaine jouissance mène à la ruine. Précisons quand même : une jouissance mensongère, en ce que se effets sont largement exagérés, n'en déplaise aux longues descriptions que Sade produit comme une méthode Coué inefficace et purement volontariste. Ce n'est pas en invoquant la définition de ses voeux que la définition survient. Au début était le Verbe...

vendredi 12 octobre 2007

Sur home

Quelle est la meilleure définition du Surhomme que je connaisse? C'est celui de la maîtrise de la violence. Le Surhomme est cet être qui prétend dominer dans la mesure où il domestiquerait la violence. Raison pour laquelle le mythe de la Prostituée Sacrée se révèle d'une grande profondeur. Dans les temples où certaines vestales se livraient à la commercialisation de leur corps au nom de leur sacralisation, la prostitution était sacrée dans la mesure où l'acte de se prostituer renvoyait à la profondeur ontologique en touchant la destruction et en osant maîtriser cette violence, aussi aveugle et pure soit-elle. Raison aussi pour laquelle les incarnations et avatars modernes du mythe de la Prostituée Sacrée ne se trouvent nullement auprès de ces pathétiques statues, souvent exotiques, qui parsèment les grandes villes occidentales à l'état de fragments dispersés et d'objets promis à la casse aveuglée. Non, les vrais avatars ne sont autres que les sportifs professionnels et les acteurs de la pornographie. Leur surhumanité tient au fait qu'ils assument la domination de la violence et qu'ils prétendent de ce fait accéder au statut de dieux en mesure de réguler le flot du réel. Qu'est-ce qu'un Surhomme? N'en déplaise aux fabricants de mythes, qui ont l'objectivité des publicitaires, c'est un sous-homme. Soit un individu qui opte pour la solution de la facilité et de la décadence face à la violence. Laisser entendre qu'on peut domestiquer la violence, c'est renvoyer aux calendes grecques la vraie grandeur humaine, qui consiste à apprivoiser la violence pour la transformer en énergie positive (dans sa perspective). Verdict : qui fait le Surhomme fait le bête.

mercredi 10 octobre 2007

Libations et sommations

Axel Kahn dans une émission de télévision annonce que la victoire footballistique de 1998 dope (je m'excuse pour le choix malencontreux du terme) la consommation. Dans ce terme de consommation, il entend aussi bien les achats économiques, les dépenses ou la croissance que la reproduction sexuelle - le fait d'engendrer des enfants. L'assimilation de la consommation à la reproduction est pourtant sujette à contestation et explique de nombreuses dérives dans la compréhension de l'acte de consommer. Que je sache, l'acte de consommer diffère grandement de l'acte de reproduire. Ravaler la sexualité à la consommation, c'est après tout rapporter cette même sexualité à la digestion. Or il est une différence notable entre les deux processus. Quand l'un (le même) transforme puis intègre, l'autre (c'est le cas de le dire) crée du singulier, de l'original et de la différence. Quand l'un permet au singulier de répéter un tant soit peu ses tribulations, l'autre permet la perpétuation du même. Confondre ainsi la consommation et la reproduction, c'est expliquer que la caractéristique principale de l'ordonnation tient à la réduction ontologique. Si la consommation sert l'objectivation, l'ordonnation suppose aussi la reconnaissance de la différence et de la - reproduction.

dimanche 7 octobre 2007

Feat bull

A la télévision passe un documentaire sur les OGM. Pour une raison dont j'ignore tout, le reportage en vient à traiter le sujet des taureaux reproducteurs. Les meilleurs spécimens, étalons bodybuildés, sont utilisés par leurs éleveurs comme d'inépuisables reproducteurs afin de perpétuer les plus beaux spécimens de leur race bovine. Le sens de meilleur est ici admirable! La ruse qu'utilisent les éleveurs pour encourager les étalons est hilarante : ils leur présentent une vache à monter et, au moment où le géniteur s'apprête à délivrer sa semence, ils la recueillent dans une poche imitant le vagin de la vache. Il ne faut pas éclater de rire car l'expression monter prend ici tout son sens. L'expression de taureau aussi. Je ne suis pas certain que la personnification soit la meilleure figure de style pour expliquer l'emploi valorisant du terme par les mâles humains souhaitant mettre en avant, sinon leur instinct, du moins leur virilité insatiable. Car le taureau est un formidable monteur dans le sens où il commence par désirer en imitant avant d'être détourné de son acte de reproduction et de différence par les coutumes de l'élevage intensif. Quelle est la séduction à l'oeuvre chez le taureau et chez l'homme? A peu près la même me semble-t-il. Non dans les moyens immédiats (encore que...); mais dans le dessein invisible que poursuit la séduction de porter au-delà du but explicite qu'elle s'assigne. Il est évident en effet que la valorisation de la virilité chez l'homme, parallèle de la virilité brute du taureau, aboutit in fine à la reproduction de l'espèce. C'est dire que la séduction perçue comme le jeu valorisant l'individualité et ressortissant de la singularité n'est mystérieux que dans le sens où l'individu sert l'espèce et poursuit le but de la reproduction du réel au moment où il estime le plus servir sa cause personnelle et son égoïsme viscérale. C'est ainsi : le plus balourd des taureaux, le plus invétéré des dragueurs est avant tout un grand serviteur de la cause. Reste à savoir laquelle - certainement pas la sienne.

Le grand Jacques

Je vois à la télévision l'énième apparition (pour un album commun, je crois) du couple médiatico-français Françoise Hardy et Jacques Dutronc. Hardy se souvient que Dutronc, du temps de sa splendeur, était un père absent et un époux volage. Voilà qui n'a pas empêché Dutronc d'accéder à la paternité. Et je me dis que cette débauche d'énergie, de ruses et de temps qui définit la séduction, cet esclavage à ses passions (au sens balzacien du terme), sert paradoxalement la séduction. Le séducteur est cet obsessionnel de la répétition au service exclusif, quoique aveugle, de la séduction. Autrement dit, intuition schopenhauerienne en contradiction avec la théorie du maître en pessimisme : le séducteur, à l'insu de son plein gré et pour sa bénédiction, est au service de la différence.

vendredi 5 octobre 2007

Le bide du vide

"Maintenant qu't'es soulagé
Qu'tu t'es vidé les poches"


Ces très sagaces paroles, issues d'une chanson explicite de Lemay, Va rejoindre ta femme, expriment assez le lien entre l'argent et le mythe de la possession. Pour limiter le sentiment de puissance quand il se commue en individuation, il faut que la domination soit déchiffrée par l'évaluation du chiffre ou de la quantité. En même temps, le dominateur est dépeint comme un être en proie à une gêne pesante. Cette domination n'est pas celle qu'on croit. "Vider les poches", on attendait avant tout vider les couilles, et il est vrai que les poches renvoient à la polysémie du terme. Pourtant, les poches désignent davantage les deux membranes du pantalon, par conséquent extérieures au corps. Cette extériorité traduit-elle un désir d'externalisation du geste, l'argent servant surtout à purifier le corps de sa plongée dans l'abysse? L'abysse? Mais quel abîme? Se pourrait-il ici que l'objet (l'argent) renvoie à l'objectivation? En ce cas, l'échange est aussi palpable qu'inattendu. L'argent achète un objet, plus particulièrement l'objet du désir. Elle ne parvient qu'à exprimer la réduction ontologique, dont le symbole si pratique de la monnaie, des billets, du compte (est bon) prétend mesurer la valeur, indiquer la valeur, fournir la valeur. Au final, la valeur trop quantifiée, trop mesurable est la valeur du voleur. L'achat d'un sexe, la quantification de son objectivation pécuniaire à des critères toujours stupéfiants, est un leurre, un ratage dont le premier à mesurer l'arnaque est le client. Pourtant, il perdure dans son imposture, parce qu'il a trop besoin d'évaluer avec satisfaction et que ce n'est pas auprès de la péripatéticienne dont il est le client sexuel qu'il trouvera matière à cerner son impasse. La personne prostituée, femme, homme ou transsexuel, est trop ordonnée dans sa réification pour sortir de l'absolu de l'objet.

mercredi 3 octobre 2007

Les chemins du plaisir : ante-scriptum 3

Au final, le grand mérite d'Enthoven aura été de tenter l'hypothèque de l'équilibre dans son choix d'invités. Marzano et Arcan vs. Ovidie, Iacub et Ogien : pour une fois, l'apologie de la pornographie était contrebalancée par la critique dans son vrai sens étymologique. Et j'ajouterai également que pour celui qui a pris la peine de suivre les cinq interventions de la semaine, les deux critiques pèsent plus lourd que toutes les apologies superficielles. Oui, quand j'entends Arcan, je sais et je sens que les valeurs de la pornographie ne sont pas destinées à s'installer, parce que, par définition, la pornographie signale la crise et la survenue du nihilisme. Malheureusement, je crains qu'Enthoven ait plus fait assaut de nihilisme que d'esprit critique en ne malmenant guère ses invités dans leurs mensonges respectifs et concordants. Sans doute est-ce le propre d'une mode de laisser croire que la trivialité et la superficialité ressortissent de la profondeur. Cependant, on aurait été en droit d'attendre d'Enthoven qu'il signale :
1) l'étymologie de pornographie;
2) qu'il fournisse quelques chiffres concomitants, notamment sur les liens entre pornographie et toxicomanie; pornographie et violences, notamment sexuelles; pornographie et pègres se livrant à des activités de proxénétisme.
On m'accordera sans peine, je pense, que ce n'est pas Ovidie qui est la mieux placée pour aborder ces sujets essentiels et que leur occultation tient plus à leur omniprésence ineffaçable et inexpiable qu'à leur caractère mineur. Bien entendu, le cadavre qu'on cherche par tous les moyens à cacher finit par ressortir, au pire moment et avec usure. Quel est le cadavre que terre la pornographie, au point que l'on s'évertue à la celer en n'abordant que les aspects qui taisent soigneusement la vérité et permettent de demeurer dans un demi habile juste milieu? Pornographie : dessine-moi une prostituée...

Les chemins du plaisir : ante-scriptum 2

Je reproduis in extenso la chanson dont Enthoven cite deux extraits lors de son entretien avec Arcan.

Va rejoindre ta femme.

Va rejoindre ta femme, maintenant
Que t'as eu ton plaisir
Que j'ai eu mon argent
Allez, j'vais pas t'retenir

Je sors de ton camion
T'as eu ton aventure
Remonte ton pantalon
Rattache ta ceinture

Puis boucle l'autre ceinture
Puis sois prudent, petit con
Et boucle-la, bien sûr
Rendu à la maison

Va rejoindre ton monde, maintenant
Qu't'as maté ma poitrine
En te contrefichant
De ma mauvaise mine

Va prendre ta douche, monsieur
Va faire le beau, le propre
J'imagine que c'est mieux
Que de faire la salope

T'es en retard, mon vieux
Va rejoindre ta femme, dépêche
J'suis convaincue qu'tu veux
Que ta salade soit fraîche

Mon cul, ça, tu t'en fous
Allez, pourvu qu'tu puisses
Me fouiller tout partout
Et me gifler les cuisses

Pourvu que j'obéisse
Pendant ces longues minutes
Le temps que ça finisse
Le temps de faire la pute

Va rejoindre ta douce, maintenant
Que t'as craché tes sous
Va donc te mettre à genoux
Jouer avec tes enfants

Moi, quand j'me mets à genoux
Je joue avec des grands
Je n'm'amuse pas beaucoup
Mais je fais bien semblant

Va donc rejoindre tes proches
Maintenant qu't'es soulagé
Qu'tu t'es vidé les poches
Et que tu m'donnes congé

Allez, j'm'en vais tout de suite
Je vais t'laisser reprendre
Ton petit train-train, fais vite
Ta famille va t'attendre

Toi, quand tu réalises
Ton plus récent fantasme
Tu t'déculpabilises
En brandissant tes piastres

Et tu retournes, tranquille
A ta petite vie rangée
Là-bas, dans l'ouest de l'île
Derrière tes peupliers

Quand tu pars en camping
A la pêche à la truite
Lorsque tu lances ta ligne
Moi, j'en renifle dix-huit

Mais tu t'en fous, bien sûr
Tu fais d'mal à personne
Même que l'argent qu'tu m'donnes
Me fera une bonne piqûre

Et je serai bien, comme toi
Lorsque tu t'assoiras
Devant le bon repas
Qu'elle te servira... !

Pardon si j'te méprise
Mais tu me le rends bien
Retourne à ton église
Et dis à Dieu qu'j'm'en viens..."


Paroles et Musique : Lynda Lemay, Les lettres rouges (2002).

Les chemins du plaisir : ante-scriptum

Arcan : - Moi, je déteste pas les prostitués, mais je déteste le phénomène de la prostitution... Je méprise ce phénomène. Jamais je vais encenser un discours qui va exalter, ou je vais inviter les millions de prostitués à sortir dans les rues pour... Je trouve euh... Non, je ne pense pas.(...)
Enthoven : - Vous dites : "Dieu qui était mort avait vidé ses créatures de leur capacité à adorer autre chose qu'elles-mêmes..." (...)
- Non, mais ça veut dire que... Quand Dieu existait, l'ego était disons déplacé dans un être autre que soi, alors que là maintenant...
- Un être sans corps, surtout!
- Oui, où Dieu devient le corps, en fait, si on veut. Dieu s'est déplacé dans le corps propre, le corps biologique, donc le corps biologique doit survivre éternellement dans notre fantasme, euh, et la chirurgie plastique, ou par exemple la volonté de se garder jeune, même pour les hommes, est une espèce de poursuite de ce fantasme d'éternité-là et le fantasme aussi d'être au centre du monde, alors qu'avant c'est Dieu qui avait la fonction d'incarner cette éternité et ce centre du monde-là, si on veut."

Les chemins du plaisir : conclusion (last time)

Arcan : - C'est par rapport au regard incestueux du père, c'est par rapport au fait que la mère, justement, la mère qui vieillit n'a plus le désir du père. Donc le père...
Enthoven : - Vous parlez du père et de la mère, vous dites : "L'un baisant les autres, l'autre mourant de ne pas être baisée".
- C'est ça, donc euh c'est bien d'être prostituée, mais à 40-45 ans, 50 ans, on devient proxénète, parce qu'il faut comprendre que c'est un domaine où vieillir finalement empêche d'exercer le métier. Ca il faut le savoir! Puis, oui, moi par exemple, si je vieillis, si j'étais prostituée, si je vieillis et si j'ai un copain, tout à coup, je me marie et je me rends compte que mon mari fréquente les prostitué(e)s, plusieurs fois par semaine, est-ce que je vais trouver ça aussi euh fantastique que le métier de prostitution?

Les chemins du plaisir : conclusion (one more time)

Arcan : "Oui, ça l'est un choix! C'est tout à fait un choix, mais c'est pas parce que c'est un choix que c'est un choix qui est intégralement euh, comment dire, merveilleux, ou acceptable. Je pense que si on est le moindrement lucide, on ne peut que s'apercevoir que, même si on prétend le contraire, aujourd'hui même si y'a beaucoup de prostitué(e)s qui revendiquent leurs droits, qui disent : "Ouais, c'est un métier comme, on est fiers, tout ça", dans la nature de la prostitution, y'a une soumission, et c'est cette soumission-là qui rend ça détestable... On peut pas penser que la soumission, c'est quelque chose qui peut être libérant, et c'est surtout un domaine, comme je le disais, la subversion est impossible! Et sans subversion, y'a pas d'art, pas de création, y'a rien de nouveau qui peut se créer! On ne peut rien apporter d'autre que le stéréotype, que la répétition de quelque chose qui est là depuis le début des temps!"

Les chemins du plaisir : conclusion (ter)

Arcan : "Je sais pas comment dire. C'est que... La prostitution évolue dans l'histoire. C'est que... Par exemple, à Montréal, y'a des femmes qui ont pas nécessairement de problèmes d'argent, qui ont pas nécessairement de problèmes de drogues, et qui vont se prostituer tout de même, et c'est très dangereux parce que c'est énormément d'argent pour finalement peu d'efforts et y'a tellement de mes amies finalement qui à 22 ans, 25 ans, 30 ans sont restées là et elles mènent un train de vie de luxe, mais elles n'ont rien fait d'autre et c'est terrible pour elles, parce que elles sont vides! Elles ont rien à raconter d'autre que ça, elles ne peuvent plus rentrer finalement dans une vie de femme qui se réalise professionnellement, qui se réalise autrement que par susciter le désir des hommes et c'est vrai que c'est très désenchantant..."

Les chemins du plaisir : conclusion (bis)

Arcan : "Quand on se prostitue, le mépris est nécessaire pour se garder intact, ça je vous le promets."

Les chemins du plaisir : conclusion

Enthoven cite Arcan et soudain tout commentaire devient oiseux. Chapeau, l'artiste.
"Ce n'est pas moi qu'on prend, ni même ma fente, mais l'idée qu'on se fait de ce qu'est une femme. C'est une idée qu'on prend, ça n'est plus un être."

Les chemins du plaisir 144

Le minimalisme en philosophie est l'expression de la réduction ontologique.

Les chemins du plaisir 143

"Après le sexe, la lassitude". Cette parole bien connue, que dispense notamment Enthoven, est l'antienne que résume avec un brin de malice l'adage latin : "Triste est omne animal post coitum, praeter mulierem gallumque." Au juste, je ne sais pourquoi la femme et le coq se trouveraient exemptés de cette tristesse ou de cette lassitude, mais le sentiment évoque l'impression d'indéfinie répétition guettant toute chose quand celle-ci se trouve dans le cercle de l'ordre et de la répétition morcelée et séparée de la différence. C'est en tant qu'organisme éminemment ordonné que l'homme ressent cette lassitude, qui, pourtant, ne prend pas en considération la différence et la perpétuation qu'elle implique. Car il est certain que la sexualité envisagée sous le seul aspect de son accomplissement agit comme l'exact et terriblement ironique antidote à tout accomplissement. Je ne donnerai pour seul exemple que le spectacle navrant de films pornographiques, après lesquels on serait tenté de parler de bêtise, si le risque d'incriminer les bêtes dans cette galère ne nous contraignait pas à davantage de prudence et à parler d'abord de nihilisme. Soit d'incompréhension du réel. Autrement dit : que l'on soit des formes ordonnées (et particulièrement complexes), fort bien; mais des ordres morcelés et absurdes, certainement pas. Entende qui pourra!

Les chemins du plaisir 142

Selon Platon, le désir est productif en ce qu'il apaise le manque et la souffrance. Cette célèbre définition platonicienne se heurte à l'idée que le désir se suffirait à lui-même. Effectivement, si le donné se résume à l'ordre présent, on voit mal pourquoi une telle définition ne pourrait pas être produite. Effectivement, on comprend pourquoi aussi le désir qui s'achemine vers ce genre de représentation ne peut sombrer que dans la déliquescence ou la folie. Nietzsche, si tu nous entends... En attendant, cette complétude du désir nie la structure du réel dans sa finitude. Le fini absolu : définition (aberrante) du désir qui se suffit à lui-même. Car la structure du désir épouse le réel, en ce qu'elle est le signe le plus évident, chez le vivant, que le réel se perpétue dans l'incomplétude de chacun de se parties. La souffrance est le signe de l'incomplétude en perpétuelle perpétuation. On comprend que les pervers guignent au final cette souffrance comme le bienfait le plus proche de l'orgasme. La complétude de leur désir désespérément incomplet se situe selon eux dans l'acceptation de la souffrance et dans son exacerbation. Parole de nihiliste : je prends le désir tel qu'il est, lucidement; je l'observe dans ses oeuvres et son incomplétude; et je parviens à la conclusion que le seul moyen dans l'ordre de tendre à la complétude revient à magnifier la souffrance. La réduction ontologique explique le renversement du sens. Selon le métaphysicien classique, si l'incomplétude est bonne, alors la complétude est le danger et l'aberration. D'où le renversement nihiliste et pervers, typique du raisonnement sadien : si la complétude est bonne, alors l'incomplétude est moraliste et la souffrance le Bien Suprême. La folie nihiliste s'ancre justement dans l'équation réel=objet. L'intégration de la souffrance au désir, intégration inévitable, bon gré, mal gré, suppose que l'ordre soit appréhendé comme l'horizon indépassable (la limite repue) du donné et que le devenir soit nié.

Les chemins du plaisir 141

La production des formes, que l'homme dénomme comme production, tient à l'échange et à l'altérité. Autrement dit, le fondement de la différence ne réside dans aucune forme. En termes humains : au sien de nulle individualité. Le fondement, si l'on veut, est inter-individuel, inter-formel, inter-singularité. Autrement dit : l'objectivité ne peut conduire qu'à l'objet - et l'objet : tout, sauf la possibilité d'un fondement.

mardi 2 octobre 2007

Les chemins du plaisir 140

Curieuse démarche que celle du minimalisme dont se recommande Ogien. Cette réduction se réclame de l'objectivité dans la mesure où le minimalisme prétend réduire le sens à sa stricte vérité et écarter les fantasmagories de l'illusion. Vraiment, curieux postulat, qui consiste à avancer que le sens crée des valeurs pour la plupart inutile, mais qu'il est en mesure de retrouver le sens véritable au milieu du sens inutile - à profusion. Cette démarche suffit à souligner l'arrogance de cette démarche qui prétend d'autant plus faire peau neuve qu'elle imite avec banalité la quête morale, ontologique et philosophique de toujours (depuis les brontosaures?) : déceler le vrai derrière le faux. Autrement dit, séparer le bon grain de l'ivraie. Finalement, la démarche philosophique est intrinsèquement morale en ce qu'elle pose la délimitation. Et le minimalisme comme la limite minimale envisageable n'est jamais que la vieille quête morale qu'on prétend renouveler. On remarquera que le minimalisme se présente comme un ordre moral minimal en ce qu'il avoue par lui-même que la pure absence de limites n'est pas de l'ordre du possible. La pure absence s'incarne nécessairement dans un ordre. D'où : l'ordre minimal comme sous-entendu du minimalisme en tant que Bien Suprême. Le rétablissement du besoin de certitude, du besoin de limites, du besoin de clarté objective s'obtient par le seul moyen qui permet d'échapper à l'interprétation. Le minimalisme guette la lettre et fuit l'esprit. Les plus belles définitions produites par Spinoza ou Kant ne sont applicables qu'après mûres réflexions et exercice du jugement. Le minimalisme produit dans la pratique l'action indubitable. La seule envisageable. Car la définition se confond avec la certitude quand elle suit la démarche de la réduction. Nous y sommes. Le minimaliste veut tellement édicter une délimitation qu'il ne se rend pas compte que la seule délimitation certaine et intangible conduira à l'anéantissement. La seule délimitation qui échappe à l'arbitraire et à l'interprétation, ses deux garde-fous, la limite de la limite, réside dans l'affranchissement de la limite. Sans limite, le monde de l'homme ne conduit pas à la liberté; il mène à la destruction pure. Plus le modèle s'approche de cette destruction immatérielle (parce que pure), plus sa quête de vérité rime avec perversité. A la fin, la vérité ne s'atteint pourtant pas, puisque la vérité utopique (ou pure) est immatérielle.

Les chemins du plaisir 139

Ogien est fascinant : il prétend d'autant plus supprimer la morale qu'il ne cesse de se situer sur le terrain de la morale, en tant qu'adversaire de la morale, avec un slogan : trouver des fondements minimaux - à la morale. Le pornographe prétend changer les coordonnées du problème. Sans la morale, Ogien serait perdu. Ogien aurait-il adoré vivre à une époque où lutter contre la morale relevait du genre subversif? Qu'Ogien prenne garde à ne pas détruire sa matrice : sans son adversaire favori, il serait perdu, puisque la pornographie est comme le coucou, qui vit aux dépens d'un système! Le minimalisme m'évoque la prétention d'objectivité, qui assaille Ogien, au point qu'elle le travaille sans cesse et sans relâche. L'objectivité? Il faut en fait entendre ici l'objectivation. Plus un pornographe, ou un partisan de l'Hyperréel, se réclame de l'objectivité, plus il est dans un processus de réification (substitut de l'ordonnation complexe). Le minimalisme est aux fondements ce que l'objectivité est à l'objectivation. L'exigence de minimalité postule que le sens aurait tendance à créer la plupart de ses valeurs de manière artificielle et exagérée. L'objectivité consisterait à ne garder que les éléments certains. La vérité tiendrait dans la réduction. Le minimalisme consiste, pour en dire le minimum, à rétrécir le reél afin qu'il corresponde aux bornes étriquées des définitions. Opération bas les masques! le minimalisme poursuit le même but que l'objectivité. Si être objectif, c'est être minimaliste, alors la morale de la réduction se résumerait à considérer que moins il y a de sens, plus ce dernier a de valeur.

lundi 1 octobre 2007

Les chemins du plaisir 138

Quel est le statut ontologique de la douleur? Le plaisir se manifeste chaque fois que le réel donne le sentiment de se perpétuer. D'où le plaisir dans la douleur. La douleur appartient à la perpétuation, à ceci près qu'elle ne mène pas à la création, mais à l'anéantissement. La douleur comme sentiment aigu de la destruction n'est jamais que le dévoiement de la différence quand la destruction est appréhendée de manière totalisante et totalitaire. Rien de plus prévisible que le plaisir se manifeste aussi dans la destruction pure, puisque le sentiment de puissance, qui définit le plaisir, va de pair avec la souffrance comme partie nécessaires de la différence. Le plaisir est dans l'ordonnation. L'ordre et le désordre ne font qu'un. Le principe de l'ordonnation implique que la formation de l'ordre débouche sur sa déformation finale et de sa transformation perpétuelle. Les formes sont en perpétuel mouvement. Déformation : démontage; soit un des vocables les plus récurrents du vocabulaire pornographique. Dans le film X, on démonte à tout va, comme on dézingue dans les films policiers ou dans le genre mafieux. Ce champ lexical du démontage est remarquable. Le plaisir est dans le démontage, à partir du moment où en démontant, on touche, c'est le cas de le dire, à l'ordonnation ou à l'incarnation. En outre, le démontage, surtout quand il est compulsif, outre qu'il renvoie au stéréotype pur, est la déformation caricaturale de la destruction intégrée au processus d'ordonnation. Le plaisir n'est nullement un critère d'évaluation ou d'action pour la permanence, mais un puissant révélateur de al profondeur ontologique. Il se déclenche tout autant pour des manifestations de perpétuation effective du réel que pour des impressions trompeuses, qui reprennent une partie en la présentant comme le tout. Au final, le plaisir est un critère de perpétuation ontologique, qui se déclenche tout aussi bien pour des détournements, qui sont des impasses parce qu'elles offrent le miroir du tout en n'exprimant pourtant que la partie.

Les chemins du plaisir 137

On s'étonne qu'il existe du plaisir dans toutes les activités et dans toutes les manières de pratiquer ces activités. Qu'il y ait du plaisir dans la destruction, la soumission, la violence, c'est normal, puisque la destruction signale la représentation troquée de l'Hyperréel, le sensible privé de son addition ontologique, abusivement généralisé... Le plaisir se manifeste dès qu'on touche au réel en profondeur. La destruction est une manifestation fort profonde du réel. Il reste à en cerner les véritables contours, au lieu de la présenter comme la panacée parfaite qui donne son sens au réel en inversant les coordonnées morales usuelles. La destruction possède son attrait du fait qu'elle propose une alternative fallacieuse à l'imperfection du réel. Qu'il n'existe aucune situation de perfection dans le réel implique plusieurs commentaires, dont j'abrège la lucidité par deux notes :
1) l'attrait de la destruction tient à son caractère d'utopie et de perfection.
2) toute situation d'agencement ordonné étant imparfaite, elle présente des avantages et des inconvénients. Cette constatation n'implique pas que tous les agencements se valent, le meilleur comme le pire. Après tout, la démocratie est définie comme le moins pire des systèmes. La meilleure des situations possède par définition ses inconvénients - la pire, ses avantages. Raison pour laquelle il est certain que le nihilisme comme système dont augure la représentation esthétique pornographique possède ses avantages indubitables et ses critiques pertinentes. Faut-il pour autant cautionner cette dérive ultratotalitaire au nom du fait que la liberté ne trouverait pas son compte dans la démocratie finie, mais dans la libération absolue et antidémocratique? Le pire système, fondé sur la destruction pure, nie la différence et aboutit à l'anéantissement; c'est le même agencement qui pourtant garantit de la seule définition ontologique possible (et fausse). La meilleure est la moins satisfaisante : elle consiste à reconnaître la destruction et à l'intégrer dans l'ordonnation créatrice. Par conséquent, l'agencement qui garantit la pérennité est nécessairement a-normatif pour être en perpétuelle permanence. Le propre du regard lucide revient, pour assurer la pérennité et éloigner le spectre de l'anéantissement, à lier le mythe de la perfection à l'utopie de la (dé)limitation.

Les chemins du plaisir 136

L'utopie de la Perfection made in Hyperréel intente le procès de l'imperfection telle que nous la relaie nos sentiments. Les sentiments sont de puissants médias, qui nous fournissent de précieuses et fiables informations sur le réel. Les sentiments sont tellement fiables que l'homme est toujours là. L'Hyperréel reconstruit la Perfection au nom de la déconstruction du réel. L'Hyperréel détruit les sentiments pour revendiquer la suprématie de l'objet. Au final, la réification détruit, quand le sentiment perpétue - définition de l'infini et de la nécessité. Toute construction présente ses avantages. Le totalitarisme a bien entendu des avantages que la démocratie ne possède pas. La destruction pure aussi, par rapport au principe de réalité... Pourtant, il semblerait que la Perfection morcèle le réel, quand l'imperfection unifie et perpétue le morcèlement apparemment indépassable. Le totalitarisme sexuel a d'autant plus de facilité à pointer du doigt les inconvénients du démocratisme sexuel qu'il se réclame de l'utopie de la Perfection.

Les chemins du plaisir 135

La vision de la violence comme création, du plaisir soumis (c'est le cas de le dire) à la destruction : le nihilisme rapporte la réalisation à l'incarnation stéréotypée de la seule violence, de la pure destruction, sans considérer que la destruction n'est qu'un aspect du réel, mais n'est pas le réel. Il y manque, plutôt que la différence, la répétition, en tant que la représentation stéréotypée que produit la pornographie n'est jamais que la prétention de la répétition désossée de sa possibilité de permanence - sans la différence. La vraie répétition, c'est la considération de la différence. La vraie répétition : la différence. Le réel réduit à la destruction nihiliste : l'apologie de la destruction.

dimanche 30 septembre 2007

Les chemins du plaisir 134

Le charme de la séduction ne laisse pas de détonner, au point qu'on s'étonne toujours du succès invétéré de jeux de séduction pourtant longuement éprouvés. Souvent on s'en gausse; parfois, on s'en indigne. Comment esprits crédules peuvent ne pas s'apercevoir que ces agapes reposent sur le paraître mensonger et le faux grossier? Evidemment, on invoquera que le désir n'est pas la raison ou que le coeur a ses raisons que la raison ignore. Sauf que la raison n'est jamais qu'une faculté d'analyse, non d'action. Si le désir obéissait à des règles incohérentes, voilà belle lurette que l'homme aurait disparu de la surface de son globe endolori. S'il est encore là, et bien là, c'est que sa boussole intérieure le meut vers des ordres plus consistants que les sables justement dénommés mouvants. Le sable mouvant correspond justement pour l'homme à cette incapacité de se reposer sur un quelconque principe tangible et certain. Rien n'est plus mouvant que le réel et, en même temps, l'homme a d'autant plus besoin de reprendre pied qu'il a l'impression que le sol se dérobe. La séduction joue le rôle du fondement introuvable dans ce dérobement permanent qu'est l'identité ontologique, l'identité de toute chose, en fait. C'est pourquoi je trouve que l'association de la séduction au mensonge et à l'apparence frelatée est hâtive. Car si le jeu de la séduction fonctionne depuis que les hommes sont les hommes, et que les vivants sont les vivants (je n'ose un tonitruant : depuis que les dinosaures existent), c'est que La Palisse n'est pas le seul homme à avoir éprouvé du vertige face au démon de la tautologie (formule, je le précise avec véhémence et solennité, que je viens de forger de toutes pièces et qui ne saurait tenir en rien de la pensée de Clément Rosset). Justement, le vertige nous signale que séduire, c'est apporter un fondement dans la relation inter-individuelle, un fondement en ce que l'équilibre, même précaire, préfigure au don de l'altérité en tant que générateur des formes indéfinies de la reproduction ontologique. La séduction indique que le fondement ne se situe pas dans la singularité, mais dans la transmission. La séduction - non le séducteur. Car ce dernier est plus au service de ses passions et chimères, qu'il croit servir au profit de son individualité, dans le moment où il s'en éloigne le plus. A son corps défendant. Telle pourrait être la devise éclairée d'un séducteur qui se leurre. De tout séducteur. Quant à la séduction, malgré les mensonges et souffrances qu'elle encourage pourtant, elle a le mérite insigne de témoigner que l'échange suppose certes une phase d'objectivation, mais que celle-ci n'est ni complète, ni définitive (postulat arbitraire et brutal de l'esthétique pornographique). Au contraire, l'ordonnation suppose un excès de réel qui n'est pas de l'ordre de l'être, mais qui appartient en propre à cette partie du réel qui justement explique que la tentation de la réification (comme processus ontologique d'ordre totalisant et totalitaire) repose sur une hypothèse de représentation fausse, outrée, partiale. Surreprésentée. Si la réification permet d'expliquer plus aisément le mystère de l'incarnation, sa singularité et sa différence perpétuelle et indéfinie, toute forme n'est jamais réductible à sa manifestation sensible, sans quoi le langage serait en mesure de produire une définition en soi des innombrables parties qui composent le réel (à défaut du réel lui-même). On n'en est pas là, et s'il est vrai que toute recherche métaphysique mène à l'Ordre métaphysique et/ou à l'objet hyperphysique, c'est que le supplément de réel n'est pas un supplément d'être. Néant, quand tu nous tiens, suivez mon regard... Je succombe, je rends les armes, bref : je suis séduit!

Les chemins du plaisir 133

Slogan de la pornographie : puisque nous n'avons pas trouvé de limites intangibles, nous ordonnons le règne du Chaos.

Les chemins du plaisir 132

Le mythe de la pornographie revient bien à instituer la perfection par une proclamation arbitraire d'intention puérile et destructrice. L'institution de la pornographie aboutit de façon remarquable à instituer le règne de la Perfection pour destituer le jeu classique de la séduction. Ne nous trompons pas sur l'étymologie de séduction et sur l'ouvrage superficiel livré par Baudrillard sur le sujet. "Attirer vers, attirer à soi, exercer une traction, soulever, amener en haut, séparer, retirer, soustraire, tenter, enlever à la dérobée", toutes ces traduction de subducere ne sauraient se limiter à la représentation de la séduction comme mensonge et art de la tromperie. Cet art n'est jamais que le dévoiement (et le jeu pervers) d'un art véritable qui consiste plutôt à jouer sur l'imperfection intangible du donné pour lui donner l'apparence de la perfection humaine. Avant de se faire passer pour ce qu'il n'est pas, le séducteur est celui qui se réclame de la possibilité d'améliorer ce qui est, je veux dire : d'aménager et d'agencer le réel aux normes de fonctionnement de l'homme. La séduction est ce long et subtil processus par lequel l'être humain affirme haut et fort la possibilité de sortir du déterminisme étriqué et simpliste, par la possibilité qui lui est offerte d'influencer le donné qui le concerne (directement et indirectement). Où l'on voit que cette condamnation du déterminisme simpliste ne restaure nullement le libre-arbitre pur et simple. Il se pourrait même que ce que nous appelons de notre point de vue liberté s'intègre à des mécanismes visant l'ensemble du réel et de ce fait échappant à notre entendement. La liberté serait-elle déterminisme mal compris? En tout cas, la séduction est un jeu d'une telle subtilité que son efficacité opératoire échappe heureusement aux analyses conscientes et préalables qui ont pu, ou pourraient, en être données. Par contre, ce n'est certainement pas un hasard si la séduction est aussi absente des débats pornographiques. Il est des absences criantes, tellement criantes qu'elles ont valeur d'aveux. Si la pornographie biffe ainsi d'un trait de caméra les méandres souvent incompréhensibles de la séduction, c'est qu'elle ne pressent que trop que son coup de force contre le réel, son coup d'état contre l'ordre véritable, revient à instaurer arbitrairement la Perfection mythifiée en lieu et place de la séduction. L'effort véritable, la complexité des sentiments et des comportements sont ainsi remplacés par le totalitarisme de l'Hyperréel, où la représentation permet d'instaurer le réel tel que l'homme le désire et tel que, précisément, il ne saurait être. La pornographie mérite d'être taxée d'esthétique du ressentiment en ce qu'elle révèle le principal grief que l'homme dans son inconséquence adresse au réel : d'avoir créé un monde imparfait par rapport à ses attentes. Ce en quoi on pourrait objecter que la séduction est la plus belle des réponses apportées à ce dépit largement exagéré. Ce en quoi, aussi, le mot de Héraclite mérite la place qui lui revient : "Il n'en vaudrait pas mieux pour les hommes qu'arrivât ce qu'ils souhaitent."

samedi 29 septembre 2007

Les chemins du plaisir 131

Curieux, ce constat implacable : le féminisme est l'enfant du christianisme, qui, comme ces enfants qui refusent leur héritage, prétendent répudier ce père encombrant et omnipotent. La laïcité aussi sombre dans le snobisme par excellence, qui consiste à camoufler ses origines véritables, souvent en prétendant s'en enorgueillir, ce qui rend le problème aussi cocasse qu'insoluble. Demandez à Marcel Proust. D'ici à ce que vous rencontriez le plus hypocondriaque des asthmatiques, permettez que nous rappelions une autre vérité fondamentale que le grand Marcel ne connaissait que trop, pour l'expérimenter à son corps défendant : que plus il y a de violence, moins il y a de liberté (de consentement pour parler comme les postmodernes). C'est au nom de cet adage que les féministes historiques et conséquents (je mets au masculin car je vois mal pourquoi un féministe conséquent serait automatiquement une femme) ont exigé la liberté pour les femmes. Qu'est-ce que la liberté pour ces militants? C'est rappeler que la différence féminine, qu'on essaie de nous gommer au prix d'une arnaque aussi grossière qu'ébaubie, est digne de respect et que la situation de faiblesse des femmes, notamment physique, mais également dans une certaine mesure psychologique, ne signifie pas leur infériorité en tant que personnes. Jamais une féministe conséquente n'a prétendu que les femmes couraient aussi vite que les hommes pour exiger la liberté des femmes. L'égalitarisme sexuel qu'on essaie de nous vendre ne remplacera pas la difficile réflexion sur la différence et sur les richesses qu'accompagne cette différence. Ce n'est pas parce que la femme est différente de l'homme qu'elle lui est inférieure, tant s'en faut, et ne pas reconnaître de richesse chez la femme au prétexte de sa différence sexuelle est une erreur qui nuit en premier lieu à l'homme aveuglé par son machisme ou sa misogynie. J'observerai en passant que cette richesse et cette différence ne signifient nullement que la femme soit un être étranger à l'homme, si bien que la pensée de la différence en matière de différence sexuelle doit éviter deux écueils essentialisants majeurs : créer une essence de la femme différente de l'essence de l'homme (première aberration); façonner au nom de l'identité profonde entre l'homme et la femme un refus de la différence sexuelle requalifié en égalitarisme et discours du Même. C'est dire que si l'homme n'est pas la femme (discours de l'Hyperréel), l'homme et la femme appartiennent cependant à la même race. Nous y sommes. Car le féminisme a tendance à se dévoyer dans la mesure où il essaie de sortir de cette aporie par l'énoncé de formes pures. Ainsi de l'islamisme énonçant le féminisme islamique comme séparation sexuelle au nom de la différence (la femme est douce; l'homme est courageux, par exemple - distinction essentialiste ridicule). Ainsi dans l'extrême inverse de ces discours actuels qui prétendent faire reposer la différence sexuelle sur une construction sociale. Que les brillantes théoriciennes de cette mode infra-métaphysique baissent leur culotte et elles vérifieront aisément en quoi on ne résout pas un problème ardu par la négation du problème ou des solutions simplistes. Ainsi agit le féminisme dévoyé et le dévoiement est à mon avis constitutif du féminisme en ce que ce dernier a tendance à céder à certains démons pour résoudre le problème de la différence sexuelle. Le principal travers dans lequel donnent ces (fausses) féministes, qui pour le coup sont presque toujours des femmes, consiste à prendre la place de ceux qu'elles critiquent d'autant plus qu'elles admirent la domination historique de l'homme (domination bien plus ambiguë qu'on le dit et assez similaire aux relations du maître et de l'esclave telles que Hegel les analyse). Dans ce cas, le féminisme n'est jamais que l'expression d'un machisme inversé et stérile. Outre ce mimétisme concurrentiel et destructeur (notamment : pour l'identité sexuelle), le grand danger est d'ordre ontologique : le féminisme dévoyé participe au monde de l'indistinction et de l'indifférenciation, résurgence de l'Hyperréel comme refus des différences - et de la différence. Il est parfaitement conséquent, quoique redoutablement pervers, que les réglementaristes du sexe (de la pornographie ou de la prostitution) cachent sous la légitimation de la cause féministe leur véritable moteur : l'intérêt mercantile. Il est parfaitement conséquent aussi (et toujours aussi pervers) qu'un mouvement de libération ait tendance à s'emmêler les pieds (ou les pinceaux) entre l'exigence (dans tous les sens du terme) de liberté véritable et les velléités aberrantes (prévisibles) de libération inconditionnelle, prétextes à tous les abus totalitaires.

Les chemins du plaisir 130

L'altérité comme lien entre singularités émane de la différence.

Les chemins du plaisir 129

La prise de pouvoir de la représentation n'a évincé le réel qu'au prix d'un jeu blanc ou d'une opération de magie blanche. Le coup est bien connu des prestidigitateurs à tendance charlatanesque : face à un problème, clamez que le problème a disparu pour laisser entendre à sa résolution. Or ce n'est pas parce qu'on avance que le problème du réel a été remplacé par la perfection de l'Hyperréel que l'on édicte la vérité. Tant s'en faut. Par contre, les problèmes ressurgissent avec usure dans la mesure où l'idéologie du Même claironne à leur résolution définitive.
1) Effectivement, dans la représentation pure, on peut annoncer avec des gloussements de satisfaction que la différence sexuelle résulte de la pure construction sociale. Dans le réel pourtant, la différence sexuelle n'est pas amovible. Le fondement social explique d'autant mieux les problèmes ontologiques qu'il les aggrave en prétendant les résoudre.
2) La substitution du réel par la représentation aboutit à la plus grande des violences, qui se manifeste par la négation pure et simple de la violence. Il suffit de mater un bon film de cul pour assister à la glorification de la violence au nom de son éradication et de sa domination.
3) Dans le réel, le vrai problème consiste à affronter la différence, non à y substituer arbitrairement la représentation. Le vrai problème demeure plus en jachère que jamais.

Les chemins du plaisir 128

Quelques remarques corolaires sur la pornographie :

1) Le mythe de la pornographie est d'instituer la perfection arbitraire et de remplacer la séduction au nom de la perfection hyperréelle.
2) La pornographie repose sur l'utopie et l'idéologie par excellence : instaurer le règne de la Perfection, étant entendu que le mensonge anthropomorphique est patent. C'est bien de perfection humaine qu'il s'agit, à ceci près que la perfection est présentée comme ontologique, universelle et divine.
3) Qui parle d'interdire la pornographie, à part quelques bouffons issus de l'autre moralisme, le classique? Il suffit d'en montrer l'éclairage véritable pour discréditer la démarche totalitaire menée au nom fallacieux de la liberté.
4) Contrairement à une idée reçue, la pornographie nuit plus à l'image des mâles que des femmes, du fait qu'elle remplace le réel par la représentation et qu'elle interdit ainsi la médiation du fantasme. D'ailleurs, si tel n'était pas le cas, on ne trouverait pas autant de féministes dans la cause de la pornographie, dans l'exacte mesure où ces féministes dévoyée trahissent le véritable mouvement féministe, comme elles trahissent le parti de la liberté au nom de la liberté. A ma connaissance, je ne sache pas que le parti pornographie ait accouché d'un mouvement masculiniste. C'est qu'il n'en a pas besoin, contrairement à son infiltration et sa déformation de la cause féministe.

Les chemins du plaisir 127

C'est bien connu, la pornographie se situe sur le même terrain que la morale. Avec une arnaque constante : laisser entendre que l'ennemi de la pornographie serait la morale (remarquez à quel point le terme acquiert une connotation vague, inquiétante et indéfinissable!). Oui, la pornographie est une caricature de la morale. Oui, la pornographie est une arnaque en ce qu'elle plagie outrageusement le moralisme essentialiste en prétendant l'éradiquer comme son ennemi intime. Que l'on juge du moralisme tel qu'il descend de Platon (le simple fait qu'il descend de Platon devrait inciter les stipendiaires hystériques du moralisme à plus de retenue face à la profondeur) :
- Bien=Etre=Ordre.
Et maintenant l'équivalence que l'on pourrait qualifier de sadienne et dont on notera l'incohérence logique et ontologique :
- Violence=Etre=Ordre=Bien
L'addition de la violence au triptyque original va de pair avec le jeu sur la limite. La violence prétend d'autant plus abolir la limite qu'elle fait de l'abolition de la limite la limite par excellence de l'ontologie sadienne. Le refus de la limite comme limitation incohérente explique assez l'incohérence actuelle de l'organisation humaine. Quant à l'apologie de la destruction pornographique, elle signale à quel point cette incohérence va de pair avec l'éviction de la limitation intériorité/extériorité au profit de l'uniformité et de l'homogénéité prétendues. L'intériorité édictée comme totalité n'est jamais que l'expression de l'infériorité.

Les chemins du plaisir 126

La pornographie suscite l'intérêt dans la mesure où elle témoigne d'une part essentielle du réel. Les réglementaristes ont beau jeu d'expliquer pompeusement que l'interdire reviendrait à nier une part du réel. Comme si le donné était intangible! Ce qu'exprime la pornographie n'est jamais que le symptôme de l'agencement contemporain de la modernité. La pornographie pose le problème des rapports entre violence, agencement de la violence, énergie et position face au Même. Si la violence est donnée ontologique et intangible, tout dépend de ce que l'homme fait de la violence. Agencer la violence est la mission par essence de la culture. La pornographie exprime l'agencement nihiliste dans la sexualité. La sexualité est le domaine de prédilection de l'agencement de la violence. Ce qui est dangereux pour l'homme, c'est de séparer la violence au nom de l'agencement même, comme si la mission de l'agencement tenait à la séparation de la violence, et non à son aménagement. La distinction de la violence comme séparation est bien une délimitation, mais une délimitation au sens où la limite signifie a séparation radicale et irrévocable. La violence est élue comme destruction pure dans la mesure où son agencement est réputé fatum irréfragable et indépassable. La partie devient le tout en ce que la réduction ontologique réduit pour mieux universaliser, étendre de manière totale et totalitaire. La limite comme séparation révèle que l'arbitraire de la réduction est cohérent avec son extension abusive et que la limite est niée dans la mesure où elle est contradictoire avec l'homogénéisation induite par le Même. La séparation de la violence, son érection pornographique en destruction pure suppose la distinction paroxystique de la distinction présentée comme refus de la distinction, de la limitation poussée dans ses retranchements d'uniformisation totalitaire; Plus la violence morcèle, plus elle prétend à l'uniformité; plus la violence morcèle, plus elle réfute la différence au nom de la répétition; plus la violence morcèle et plus le morcèlement éructe pour exprimer l'absolutisme du Même. Au final, le statut de la violence passe d'un possible et nécessaire aménagement dans le donné à un morcèlement présenté comme constitutif et inévitable. L'adhésion de l'époque à la pornographie consiste à valider cet inévitable au nom du Même et du refus du morcèlement, dans le moment où cet acte revient à valider et aggraver le morcèlement

Les chemins du plaisir 125

La pornographie suscite autant d'intérêt parce qu'elle exprime la sexualité morcelée, le réel morcelé. Si le lien était opéré entre les morcèlements, la pornographie ne serait qu'une excroissance marginale de la perversion, soit une manière de rendre positive la violence en tant que destruction - une aberration aussi étonnante que détonante.

Les chemins du plaisir 124

Pourquoi le réglementarisme du dopage ne peut être affirmé explicitement et sincèrement que dans le scandale et l'inacceptable alors que le réglementarisme sexuel subit de telles ambigüités? Le dopage aux USA, soit en terre d'élection de l'ultralibéralisme, prospère sur le non-dit ou le mensonge. Et pour cause : la revendication de la vie comme affirmation exacerbée et outrée (outrancière) du Surhomme, de l'idéologie du Surhomme et de son utopie, implique que le désir mortifère ne soit pas exacerbé. Le modèle du sportif dopé est trop mortifère quand on connaît le destin d'un footballeur américain pour qu'il puisse durablement aboutir à son apologie. Prostitution et pornographie sont ambigus car le sexe oscille entre la vie et la mort. L'ambiguïté tient à l'énigme de la reproduction, qui oscille entre répétition et différence. Donner la vie, c'est donner la mort. Cette ambiguïté, il faut l'accepter, entériner le paradoxe selon lequel la vie est plus forte que la mort, contre l'évidence rationnelle bornée et aveugle. La destruction est admissible en matière sexuelle parce que al destruction y côtoie la création et l'inacceptable, la création comme le scandale absolu, la différence comme acceptation insoutenable de la disparition, et pas de n'importe quelle disparition, de la disparition familière, singulière, de sa propre disparition. Le sexe, pour valoriser la vie, a besoin de valoriser la mort, quand le sport peut se contenter de valoriser la vie outrée et pure. Pour valoriser le sexe, on a vite fait de valoriser la mort pure et formalisée, bien entendu au nom de la vie et au nom de cette proximité exacerbée et inacceptable.

Les chemins du plaisir 123

L'engouement pour la pornographie n'est de finalité mercantile que si on s'avise que c'est la société de la réduction ontologique, la promotion culturelle de la réduction, qui favorise l'essor de la pornographie. Le débat entre réglementarisme et prohibitionnisme, les deux extrêmes, n'est envisageable que dans la perspective mercantile de la réduction. Dans une société où la réduction serait une aberration, la pornographie serait sans intérêt notable.

Les chemins du plaisir 122

Le problème de la modernité passe par sa gestion du postkantisme, de l'héritage kantien travesti en nietzschéisme triomphant, d'autant plus triomphant qu'il exprime le désespoir de l'impasse et de l'abîme. Au bord du gouffre, le nihiliste vacille parce qu'il confond fantasme et réel. C'est un héritage paradoxal et ironique que la révolution kantienne soit certainement à l'origine de la légitimation de l'Hyperréel.

Les chemins du plaisir 121

La sexualité de la liberté absolue est le fantasme totalitaire qui ne fonctionne pas dans les autres domaines de la vie, et qui fonctionne dans le sexe parce qu'il est le déploiement évident du fantasme (et de la négation du fantasme).

vendredi 28 septembre 2007

Les chemins du plaisir 120

La surenchère pornographique, unanimement reconnue, y compris parmi les partisans initiaux et libertaires de la pornographie, qui aujourd'hui s'effarouchent des gonzos, les idéologues de la libération monstrueuse, est tout à fait prévisible dans l'esprit du Même. Elle n'est qu'un symptôme du Même, soit de l'esprit qui refuse la différence au nom de l'uniformisation. Pour le Même, la différence est perçue comme l'ennemi qui rend paradoxal le réel et empêche de penser l'infini comme éternité uniforme. L'uniforme est le difforme. Qu'est-ce que le monstrueux? Le refus de la différence pousse à la réfutation de la créativité pour faire en sorte que la présence ne sombre pas dans la dépréciation qualitative. L'uniformisation suppose la dépréciation négative, comme la négation de l'énigme de la création, et qui veut que le donné contienne un donné dont al surabondance excède déjà les forces en présence. L'explication au devenir, c'est que le présent contient la surabondance qui permet à la présence de poursuivre. C'est le mystère de la différence que de concevoir le devenir comme la surabondance présente. Cette négation de la surabondance qualitative aboutit à la pure répétition, comme expression négative du refus de la surabondance et l'uniformisation comme dépréciation qualitative du donné. Dans la différence comme enrichissement qualitatif constant, la qualitatif suppose que le présent contienne la surabondance qui permette d'aboutir à la succession de la répétition. La répétition comme enchaînement de pur mimétisme engendre logiquement le passage du qualitatif au quantitatif. Ce quantitatif explique que le donné contient moins que la succession qui va lui succéder, alors que le qualitatif contient un surplus qui ne réside pas dans l'ordre. Le qualitatif, c'est l'affirmation que le donné ne se limite pas, dans tous les sens du terme, à de l'ordre. La considération d'une omnipotence de l'ordre comme projection du sensible aboutit à la dépréciation quantitative. L'imitation déprécié constamment le donné. La surenchère quantitative est la réponse désespérée à ce besoin de compenser la négation de la différence par l'affirmation de la violence. L'affirmation de la violence est la conséquence nécessaire de la dépréciation quantitative. Inutile d'ajouter que la surenchère quantitative manque son but de façon prévisible et que la surenchère conduit à toujours plus de destruction et à l'accélération de la destruction au nom de la perfection et de l'uniformisation.

Les chemins du plaisir 119

Fascination pour la violence : les apologies de la violence au nom du fait que la violence n'est pas si grave, qu'on s'en remet toujours, indique la contiguïté violence/création. Mais la destruction exclut la création, quand la création inclut la destruction. Même paradoxe pour différence et répétition?

Les chemins du plaisir 118

L'explication à la fascination envers la violence tient au rôle de la violence dans le processus d'ordonnation. La violence participe au processus de délimitation, de singularisation, de formalisation du réel en tant que finitude. Raison de la confusion entre la violence et la création. La fascination active ou passive envers la violence s'explique massivement par sa contiguïté avec le processus de création à l'oeuvre à chaque instant dans le réel. Advenir, certes, c'est en passer par la violence; en tant que la violence, c'est in fine la différence et l'énergie. Je crois que le meilleur moyen de démystifier la violence, en tant que préjugé engendrant autant l'admiration que la fascination apeurée, c'est de comprendre que la violence n'est jamais que l'énergie négative - pour l'homme. La différence entre la violence intégrée au réel et la violence pure, utopie fantasmatique et formelle, c'est que la violence intégrée ressortit de la différence réelle; tandis que la violence pure, qui n'existe pas positivement, renvoie en fait au processus de réification qui ne dit pas son nom, à la destruction absolue en tant que répétition privée de la différence; la réduction ontologique à l'immédiateté première.

Les chemins du plaisir 117

Les apôtres de l'Hyperréel ne cesse de railler l'absence de normes pour en conclure à l'inexistence de la norme en tant que telle et appeler à la libération absolue. Ce faisant, ils ne se rendent pas compte qu'ils établissent la forme pure du moralisme, qui tient à la limite pure en tant qu'absence pure de limites. Dans le même registre de paradoxes susceptibles d'éclairer sur la duperie constitutive de l'Hyperréel : tandis que l'impossibilité d'établir la norme est le propre du réel, le propre de l'Hyperréel est de normer. Raison pour laquelle l'Hyperréel adresse le reproche justifié au réel de se trouver dans l'incapacité d'édicter le moindre principe de limitation. Et pour cause : le seul principe à la limitation, seul l'Hyperréel peut le produire. Résumons l'argumentation tortueuse de l'Hyperréel : il condamne l'absence de normativité dans la mesure où :
1) il est le seul à en disposer;
2) l'absence de normativité est la normativité par excellence, la forme parfaite et pure de normativité...
Si l'absence de normativité, la libération absolue, sont la seule forme envisageable de normativité, il s'en suit que la seule norme qui puisse tenir le critère de la perfection ontologique est la destruction pure. La seule normativité conséquente passe par la violence. Pour que la perfection advienne, rien de telle que la destruction. Dans le rien, la limite la plus sûre. Il reste à préciser que ce type de destruction, si elle évoque la violence présente au coeur de l'ordonnation, en diffère notablement en ce qu'elle est forme pure de violence, et non violence comme énergie créatrice perçue par l'homme dans un reflet anthropomorphique. La vraie violence ressortit en fait de l'énergie. La violence pure n'est norme intangible que dans la mesure où elle émane de l'utopie et de l'Hyperréel...

Les chemins du plaisir 116

La prédominance de l'image d'Épinal cinématographique provient du stéréotype du Surhomme tel que l'Hyperréel de Hollywood le façonne jusqu'au fascinant. Qui ne se rend pas compte de l'adéquation Hyperréel/Même/ultralibéralisme? Derrière cette sainte trilogie, qui précipiterait l'homme vers sa perte si l'homme ne possédait tant de ressources, il serait temps de considérer que les attaques sempiternelles et désormais stéréotypées contre le moralisme et la morale proviennent justement de leurs causes les plus inattendues. La lutte contre la morale telle qu'elle est professée n'est le refus de la limite qu'en tant qu'elle est la logique conséquence du postkantisme. Eh oui, celui que les nietzschéens considèrent non sans raison comme un indécrottable maître de morale a initié aussi l'argument métaphysique ou ontologique qui sert de référence aux actuels thuriféraires de la morale en tant que jeu sur la limite. La pseudo révolution copernicienne consiste bien à entériner une velléité humaine, qui consiste, pour contrer l'incertitude ontologique qui mine tout rapport de réel, de conférer à la représentation (comme faculté humaine coupée et indépendante du réel) supériorité et lettres de noblesse sur le réel. Au final, ce n'est pas seulement que le réel se retrouve bizarrement assujetti à la faculté de représentation humaine (le terme désignant le tout assujetti à l'une de ses parties infimes, quelle cohérence!). Il arrive même que le réel se trouve nié, soit au nom de son étroite dépendance de la représentation, dans un effet de renversement des plus bizarres (le tout devient la partie, la partie le tout); soit au nom du relativisme le plus ahurissant. Argument principal du relativisme : l'objectivité n'existe pas, tout se vaut, ce qui revient exactement à rétablir l'objectivation par défaut, l'absence de valeurs ne s'obtenant jamais que par la réduction ontologique. Le moins des paradoxes dans cet héritage kantien des plus frankensteiniens n'est certainement pas que ceux qui en descendent le plus certainement sont les postmodernes, en tant que postkantiens n'ayant eu de cesse de se réclamer de Nietzsche et de son héritage pour perpétrer leur attentat blasphématoire contre la pensée. Que Kant ait fait un enfant dégénéré et monstrueux avec Nietzsche constitue le genre de scoop qui pourrait intéresser Deleuze (accessoirement aussi, expliquer la folie de Nieztsche quand il réalisa quelle serait sa postérité véritable, une fois l'écume de l'enthousiasme passée).

jeudi 27 septembre 2007

Les chemins du plaisir 115

La limite est omniprésente en pornographie en ce que la pornographie interroge la limite. Le combat que s'arroge la pornographie contre la morale, alors qu'elle est l'expression du moralisme le plus dévoyé, renvoie à l'impossibilité d'édicter un principe de limitation et à la tentative, intéressée, d'arguer de l'impossibilité pour établir la limite de la violence. Pourtant, cette limite est la moins pérenne. Le principe de la limite revient surtout et déjà à poser la limite. Le principe de limitation consiste à incarner la différence, en instaurant l'extériorité comme ce qui ne relève pas du domaine de l'homme. Autant le dire de suite, le débat portant sur la bonne limite qu'entretient la pornographie pour nier la limitation autre que la sienne est vain. Il n'y a pas d'autre limite qu'empirique. Autrement dit : il n'est de principe que dans la mesure où le principe instaure la limitation. Quant aux cordonnées de cette entreprise, elles varient en fonction des agencements et des tâtonnements. Montaigne te Pascal ne savaient que trop ce fait, que l'ordre s'établit sans se réclamer d'un principe, puisque le principe n'est autre que le néant. Le pornographe doit être certainement borné pour ne pas se rendre compte que si le principe n'a toujours pas été découvert par Platon (découverte qui aurait été bien tardive), c'est qu'il n'existe pas littéralement, à l'instar du diable. Son existence symbolique lui confère cependant plus de force. Plus on cherche le principe, moins on cherche la délimitation pérenne. Le propre de la limite, c'est d'être pertinente dans la mesure où elle respecte le changement. La limite qui ordonne et accepte son évolution est une limite qui prospère sans se soucier de ses contours. Quand la limite commence à s'essouffler, elle se retourne, elle se pose, elle plastronne sur soi-même, bref, elle réclame d'autant plus le principe du principe qu'elle ne sent que trop sa fin prochaine. Quand la limite revendique le principe de son principe, c'est qu'elle réfute la vie et le changement. Elle s'atrophie, elle se chagrine de sa peau flasque et fade, elle sait qu'elle est de l'ordre le plus fragile, de l'ordre inférieur, l'ordre le plus près de l'anéantissement, au ras des pâquerettes. L'ordre qui refuse sa destruction et son évolution est d'une limite bien ténue, peu forte. Comme dans le nationalisme en politique, qui signale surtout la pauvreté de l'identité nationale revendiquée, l'exacerbation de la question de la limite prouve l'identité frelatée de l'ordre ainsi défendu à corps et à cris.

Destruction time

Entendu à la télévision : "Bush achève son mandat." Effectivement!

Les chemins du plaisir 114

Veut-on un indice irréfutable de l'esprit de mort qui anime la pornographie? Il suffit d'interroger la représentation de la vie dans la pornographie. Peindre la prostituée constitue tout un programme. Car s'il est bien un sujet qui entre en rapport fort avec la vie, c'est bien le sexe. Je rappelle aux oreilles des distraits que la fonction première de la sexualité chez le vivant est de procréer et que c'est snobisme que de penser extirper l'homme de son appartenance biologique (bien entendu, il ne s'agit pas de prétendre que la sexualité se résume à la procréation, mais c'est un autre sujet). Il est extraordinaire, remarquable et parfaitement conséquent que la procréation soit absente des débats pornographiques (également prostitutionnels). La fin la plus évidente de la sexualité est occultée de la représentation pornographique en ce qu'elle introduit le changement, la différence comme les antithèses à l'Hyperréel. La réalité de la sexualité s'oppose à la représentation de la sexualité comme reconstruction du réel en fonction du fantasme du Même. Dans le X, tout est anonyme - d'où le sobriquet. Le X évite la singularité afin de mieux promouvoir l'uniformité. L'esprit de mort de la pornographie : le titre sonne bien, mais il serait plus juste encore si l'on y ajoutait : l'esprit de perfection. Là se tapit le mensonge, là se tapit la laideur, là se tapit la violence pure. Car la vie se nourrit de la violence, quand la pornographie s'arrête à son seuil difforme.

Les chemins du plaisir 113

"Produisez une limite ou nous réclamons la libération, l'absence de limites et d'interdits!". Tel est le cri du coeur qui jaillit des entrailles d'un pornographe. Pas seulement. C'est la trouvaille du nihilisme que de prendre acte de l'incapacité de fonder un quelconque principe viable pour exiger son abrogation définitive. Les pornographes ne savent que trop l'absence de principes qui légitimerait la délimitation et ils profitent de cette fragilité pour en déduire son caractère illusoire. "Si la limite ne repose sur aucun principe, c'est qu'elle est arbitraire!" Pourtant, nos maîtres-libérateurs, qui éructent plus qu'ils ne chantent, sont les premiers à rétablir la limite qu'ils prétendent supprimer, parce qu'ils ne savent que trop que la limite est nécessaire à l'action et au désir humains. Ordonner, c'est limiter. Comment se mouvoir dans le fini sans limites? Je me demande si l'exigence d'abrogation des limites ne repose pas en définitive sur le fantasme d'une alchimie néo-mystique qui permettrait d'atteindre à l'infini par l'illimitation. Un peu comme le mystique se rapproche de Dieu par le jeûne et le dénuement, le pornographe se libérerait des entraves du fini pour atteindre les rivages enivrants de l'infini. Après tout, le langage de Bentley approche de la mystique à tendance gnostique, à ceci près que notre sainte en puissance se réclame des dérives sectaires de la pornographie. Le charlatanisme pornographique consiste précisément à laisser entendre que l'illimitation aboutit à l'infini. Autrement dit : la destruction du fini débouche sur l'accession à l'infini. Qu'est-ce qu'un anus, sinon l'une des portes d'entrée et de sortie du corps perçu comme forme singulière et limitée? Se faire défoncer le cul, pour reprendre une expression particulièrement vulgaire (et violente), quoique réaliste, correspond point par point à cet idéal de délimitation et de définitudisation. Bentley cherche d'autant plus sa limite qu'elle est en quête de délimitation. Le titre de sa confession annonce d'ailleurs la couleur. La reddition, qu'est-ce d'autre que se rendre devant la seule limite qu'on reconnaît tout de même quand on professe de réfuter toutes les limites? Bentley se couche devant la sodomie comme acte de destruction qui la structure, de violence qui la limite. Ce n'est ni chercher le scandale, ni excuser le viol que d'affirmer que le violeur en violant pose sa limite. Quant au fond de l'affaire, il est d'importance : le mensonge et la mauvaise foi de la pornographie en particulier, du nihilisme en général consistent à prétendre que la définitudisation permet d'accéder à l'absolu (qu'il soit orgasmique ou cosmique). En réalité, le processus est un acte de supercherie lamentable en ce que le propre de l'absolu est de s'incarner dans le fini, dans quelque ordre que ce soit. Hors de l'ordre, point de salut! La pornographie obéit à l'ordre de la violence pure, qui, aussi près de l'anéantissement soit-il, n'en demeure pas moins un ordre (à court terme). Autrement dit : la leçon à l'impéritie de la pornographie, c'est que l'on ne sort d'un ordre que pour passer à un autre. Pour le meilleur et pour le pire, on ne sort pas de l'ordre.

Les chemins du plaisir 112

La pornographie est une opération d'ordre alchimique si le plomb et l'or désignent deux réalités chimiques et métaphoriques antagonistes. Si le plomb est l'inverse de l'or, alors l'antienne pornographique consiste à adhérer à la mentalité alchimique. Du mal, je créerai le bien, du néant, le réel. Malheureusement, la réalité pornographique est une impasse proche de l'aberration alchimiste. De la même manière qu'aucun expérimentateur n'est parvenu à extraire de l'or du plomb, aucun pornographe ne réussira, bien que d'aucuns s'y soient essayés à maintes reprises, à sortir de l'art et de la vie d'une esthétique qui mérite son appellation funeste s'il est vrai que l'occurrence de la mort renvoie bien plutôt à l'anéantissement.

mercredi 26 septembre 2007

Les chemins du plaisir 111

A y réfléchir, puisque cette parole me revient, lorsqu'Ovidie rapproche, dans la quête pornographique, l'intensité du combat, elle explique grosso modo que la création s'obtient par la destruction, soit que la différence s'obtient par la répétition. Autrement dit : la stérilité permet d'accoucher de l'enfantement. La pornographie est bien la création de l'art en ce qu'elle prétend changer le réel pour le faire correspondre au Même. La vieille rengaine se veut d'autant plus antimorale qu'elle repose sur un postulat moral aberrant : le mal n'est pas mal car du mal s'obtient le bien. En termes ontologiques : l'absence est bien la présence. L'aveuglement d'Ovidie vient de cette attente porche de l'alchimie désespérée : faire quelque chose, dans tous les sens du terme, en pariant que le néant accouche du réel. Confronté à cette gageure impossible, le projet pornographique se trouve contraint in fine, pour différer son échec, de surenchérir dans le néant pour donner l'illusion du réel. En langage de l'ordre : recourir à toujours plus de destruction pour établir la création, dans un geste de défi impossible, qui aboutit à aggraver la catastrophe à chaque fois qu'on prétend la différer.

Les chemins du plaisir 110

Je me souviens sur un plateau de télévision, où les invités étaient en majorité des zélotes de la cause pornographique, que le post-soixante-huitard Frédéric Joignot lança, au nom de la libération sexuelle et pornographique, l'anathème d'un bon père de famille contre les gonzos qui inondent le marché de l'Internet à l'heure actuelle. Que libération et pornographie puissent être aux antipodes de conciliants oxymores n'est pas encore entré dans les mentalités. La vraie libération sexuelle attendra qu'on accepte d'envisager la violence qui réside dans le sexe comme l'un des rares bastions que la démocratie ne dispute pas au totalitarisme. Et pour cause : la démocratie, qui fuit plus qu'elle n'affronte pas le problème ontologique de la violence, a intérêt à encourager cet échappatoire à court terme. A long terme, c'est de ce nid de Gorgones que le totalitarisme à tendance libératrice verra le jour... Mais ceci est une autre affaire. Joignot est un journaliste-philosophe. Redoutable espèce, en ce que l'événementiel est intégré au niveau de la métaphysique de la représentation et que l'exercice philosophique consiste à penser le sens à partir de l'événement. Un journaliste-philosophe est un penseur dont le fondement tient à l'almanach événementiel. Il est tout à fait logique que cet apôtre de la surface repue, de l'apparence immédiate et de la réduction ontologique (réduction démentielle de l'événementiel), trouve son comptant (et s'en contente) dans la pornographie. Outre qu'être pour la pornographie vous fait passer dans certains milieux branchés pour un homme de gauche, qui, s'il a le portefeuille à droite, serra sa bite du bon côté, celui de la libération et des bons sentiments (traduction des bons sentiments chez le post-soixante-huitard : l'absence de sentiments), la pornographie épouse intimement, si je puis dire, ou libre-échangistement, les contours de la métaphysique et de la morale de l'événementiel. Or, donc, en effet, notre Joignot de la Couronne X s'insurgea en moraliste effarouché, d'autant plus effarouché et moraliste qu'il pourfendait le moralisme depuis une heure (et une vie), du fait que le gonzo avait dépassé les bornes. Autrement dit : un pornophile (comme il existe des nécrophiles?), qui avait milité toute sa vie pour se libérer des carcans, prenait conscience (la paternité aidant?) édictait des limites avec la vigueur outrée du moraliste stipendié. Le plus patenté des pornophiles est le plus grand des moralistes en ce que lui-même apporte sa limite. Plus la violence est forte, plus la limite est stricte. Le pornographe conséquent est le plus grand des moralistes. Le principe de limitation comporte la trace de la violence. Ordonner, c'est (aussi) violenter. Joignot en apportait la preuve irréfutable. Le plus grand partisan de la pornographie ne faisait jamais que déplacer la limite, en plaidant comme de juste que c'est la liberté qu'il accroît dans le processus de libération, alors que c'est la limite de la violence qui est interrogée et que la libération exprime la libération de la violence. Poser le problème de la limite revient à mal poser le problème : comme le principe formel et théorique de la limite est introuvable, puisque la forme est le principe et que le principe en tant qu'invariant consiste à varier, c'est que la question de la limite n'a de sens, de valeur et de fondement que si elle est adossée à la question de la violence. Au fond, la liberté se pose comme sculpture de la violence, soit comme éducation à la culture. Le problème de la limite qu'interroge Joignot et qu'il rétablit par un "ça suffit" aussi savoureux que tonitruant ne sert pas à grand chose s'il revient à justifier le moralisme tant moqué. Par contre, ce geste donne à penser s'il permet de déplacer les coordonnées du problème et de s'aviser que le critère de départage réside dans la pérennité de la culture, dans la pérennité de la société humaine. La mode de la pornographie ravit peut-être les partisans de la libération démagogique façon pseudo 68; elle est contraire à la pérennité de l'homme, de sa sexualité et de son rang dans le réel.

Les chemins du plaisir 109

L'importance de la pornographie dans les démocraties actuelles mérite certainement l'analyse, à condition que la violence qu'elle charrie ne soit pas occultée. L'argument des réglementaristes consiste à exercer un profit sur le dos de la violence, en estimant au mieux que la violence peut être dominée par l'homme - au pis, que la destruction n'est pas une si mauvaise chose qu'elle n'y paraît, en tout cas qu'on s'en fout. Quoi que prétendent les esprits de mauvaise foi qui ont intérêt à ce que la violence soit déniée, cette dernière n'est certainement pas un résidu dans l'agencement du monde. Lorsque l'on nie le refoulé, la négation profite au refoulé pour orchestrer son retour en force. C'est exactement ce qui se passe dans le domaine de la pornographie. Plus une époque perd ses repères et manque de valeur, plus sa tentation consiste à retourner vers le sexe pur et à l'interroger pour chercher du sens. Le sexe est sans doute le lieu privilégié de la création et c'est pourquoi, quand le sens ne comprend plus le réel, quand la différence devient un gros mot devant lequel on éloigne les enfants, des fois qu'ils attrapent le mal du pays, la tentation consiste à réduire le sens, la création et la différence à la destruction pure. L'ordre le plus satisfaisant, le plus simpliste aussi, est celui qui se situe le plus près de l'abîme. L'importance de la pornographie ne tient pas à sa qualité esthétique (elle est nulle!), mais au rapport primordial que le sens entretient avec le sexe. Autrement dit, le baromètre de la pornographie indique que quand la pornographie est à la mode, cet effet ne signifie nullement que la sexualité se libère et que le moralisme fanatique régresse; tout au contraire, que les fondements du sens tanguent dangereusement et que le sens n'est plus en mesure de produire du sens à partir du sexe. La régression du sens vers le sexe, sa réduction affligeante au nihilisme et aux valeurs de l'anéantissement suggèrent que le sexe n'est nullement la fin ou l'esprit qu'exprime la pornographie. C'est la crise du sens qui instaure le flux pornographique, et il suffira que le sens prospère de nouveau pour que le reflux pornographique s'opère de nouveau. Sans doute existe-t-il un moralisme étriqué qui professe l'interdit comme attitude face au monde; mais la vraie critique de la pornographie ne procède nullement du refus du réel ou du sexe. Il consiste à rappeler que la violence n'est jamais que l'émanation de la création ou de la différence et que la violence pure, celle qui s'approche du néant, ne prospère qu'à l'ombre de l'absence de sens. C'est dire à quel point la violence n'est pas une fatalité pour l'homme. Dans le cas de la pornographie, elle est une fatalité dans la mesure où l'on accepte le déferlement de la violence brute et qu'on fait mine d'affronter le problème en prétendant que l'on domine d'autant plus la violence qu'on la laisse s'exacerber. Dans le cas de l'art et de la culture, la violence se sculpte, s'éduque, se transforme au point qu'on lui confère des allures humaines et qu'elle recouvre, tel le vilain canard de la fable, ses allures créatrices et solaires. La violence n'est pas une fatalité, à condition que l'homme dispose de fondements assez puissants pour en édifier les minarets chatoyants et les dômes rutilants. C'est quand l'architecture retrouvera son faste que la pornographie perdra comme par enchantement son prestige. Plus personne n'en vantera les mérites pour se donner des airs intéressants et les quelques détraqués (attendrissants) qui s'y risqueront se verront tancer au nom du bon sens. Un jour, proche, le pornographe sera considéré comme l'obscurantiste qui affirme que la Terre est plate. Dire que c'est en terre démocratique que la pornographie a prospéré!

Les chemins du plaisir 108

Enthoven : - Est-ce que la pornographie n'est pas, comment dire, la façon qu'on aurait de faire avaler la pilule, si j'ose dire, serait de le sauver par l'esthétique, par l'art?
Ogien : - Mais pourquoi faudrait-il le sauver? Qu'est-ce que ça a de tellement immoral? C'est, c'est... La question n'est pas tellement qu'on apprécie les oeuvres de Picasso, mais pourquoi on est tellement révolté par celles qui ont moins de qualités artistiques, c'est d'ailleurs...
Enthoven : - C'est d'ailleurs l'objet de votre livre, Ruwen Ogien, et on sent que ça vous révolte!"


1) La question contient un amalgame typiquement nihiliste : si le divorce entre la pornographie et la morale, même la meilleure, semble consommé, il serait temps d'expliquer que ce divorce l'est a fortiori avec l'art. L'esthétique pornographique mérite d'être appelée anti-artistique dans la mesure où elle procède d'une réduction du réel, du sens vers le sexe comme objet, quand l'art approfondit (l'évidence, notamment).
2) La question du salut entraîne l'ire d'Ogien, qui manque tellement d'arguments qu'il en perd ses mots et se réfugie dans des maux plus grands encore. Après la légitimation de la violence au nom de la lutte contre le moralisme, la colère! Pourtant, notre analyste en chef de la pornographie en tient une couche avec la morale. On ignore ce que la morale lui a fait, mais il tient à son propos un discours à peu près aussi nuancé que le Hamas sur les Israéliens ou Houellebecq sur les musulmans (qui ne sont pas tous arabes, tant s'en faut). Il va falloir expliquer à Ogien :
a) que révolte n'est pas le terme exact pour qualifier les critiques cohérentes qui s'inquiètent de la mode pornographique et de son infiltration dans les valeurs de la représentation de masse.
b) que lorsqu'on parle d'art, il serait quand même bon de posséder quelque bonne foi, je n'ose dire quelque objectivité. Parce que "moins de qualités artistiques" pour qualifier l'esthétique pornographique, c'est se moquer du monde. La pornographie ne possède aucune qualité artistique. Aucune!
Si révolte il doit y avoir, ce n'est donc pas d'un point de vue moral qu'elle doit survenir, mais d'un point de vue esthétique. Soit dit en passant, cette révolte mérite de se résumer à un bon fou rire, tant le spectacle d'un film X ressortit du comique et de la caricature (puis de l'ennui stéréotypé). Quant à la détestation morale que nourrit et entretient Ogien, je la comprends moins comme une critique de la morale de l'autre siècle, tendance lutte contre l'Infâme, que comme l'opposition frontale à la morale en tant que délimitation et pouvoir de limitation. La vindicte d'Ogien s'explique moins par son indignation devant certains abus que par la résistance que présente la morale conséquente. Le propre de la morale revient en effet à s'opposer à la stratégie d'infiltration (d'entrisme, diraient les trotskystes) dont Ogien est l'analyste-représentant distingué (bien que sa diction ne soit pas distincte). La morale-limitation est le rempart contre les revendications de libération totalitaire, qui claironnent haut et fort qu'on fait ce qu'on veut tant qu'on ne nuit pas à autrui pour mieux instiller, derrière la façade cohérente de cette définition négative, la réduction du réel à l'objet morcelé.
Le Comte est fait comme un maroilles fermier aux fines herbes et c'est pourquoi nous mettrons un terme à nos commentaires sur son intervention remarquable de nihilisme destructeur et moraliste...