vendredi 31 août 2007

Des connes

Dans sa fameuse chanson, Brassens explique : "Le temps ne fait rien à l'affaire/ Quand on est con, on est con". Il n'est pas anodin que la bêtise soit dénommée con. Selon le TLF, le con est le "sexe (organes génitaux externes) de la femme". On peut citer quelques expressions : "Grand, petit, sale con; une bande de cons; avoir l'air d'un con; être le roi des cons." "Tu es encore plus con que tu n'en as l'air", est-il lancé dans Sartre (La Mort dans l'âme). Mais aussi : "Je le trouvais con comme la lune" (Céline, Mort à crédit). Pourquoi la bêtise est-elle couramment taxée de conne? Est-ce seulement du fait d'un machisme et d'une misogynie sans nom? Misogynie, je ne sais. Après tout, la femme n'est pas un con. Ramener la femme à son sexe est réducteur. C'est bien le mécanisme de la bêtise qui réduit. Traiter le bête de con est proprement con. La référence au sexe de la femme s'explique en ce que le sexe de la femme est "pris comme symbole de l'impuissance et de la passivité". Que pourrait être l'impuissance ontologique? Le fait de concevoir que le réel est l'ordre. C'est aussi le privilège ambigu du con que d'accoucher (dans tous les sens du terme) d'un certain ordre, d'une certaine forme de vie. Du con sort le petit d'homme. Comme le déclame Michelet, (Journal) : "C'est non seulement le propagateur de la nature, mais le conciliateur, le vrai fond de la vie sociale pour l'homme". Par sa sexualité, la femme est bien placée pour savoir que l'ordre procède du désordre et, en même temps, son statut biologique (pour l'instant) la contraint, quelle que soit son intelligence, à dénier le désordre au profit d'une reconnaissance exclusive et conne de l'ordre (reconnaissance compensatrice peut-être). Traiter la bêtise de conne, voilà qui fait désordre! Le piège à cons est "l'attrape-nigaud." "Ne fais pas le con", lance-t-on à celui qui déraisonne. Autrement dit : tu te montreras raisonnable le jour où tu cesseras de contrefaire le con, de t'arrêter à un certain ordre de choses. Instituer de l'ordre suppose la reconnaissance essentielle du désordre. Fuir la bêtise suppose que le con ne soit que l'ordre brut abritant autre chose de (fort) mystérieux. S'arrêter au con comme donné sexuel féminin est réducteur. Le tout-ordre fait désordre. La réduction ontologique consiste à ne distinguer que de l'ordre. Trop d'ordre tue l'ordre. De ce point de vue, le célèbre tableau de Courbet L'Origine du monde est sans aucun doute (et que Julien m'excuse), aussi bien que les scènes pornographiques, d'une redoutable connerie s'ils sont pris au pied de la lettre. Trop réducteurs pour former un peu d'ordre. Comme la pornographie, à ma connaissance, n'est jamais que du sexe brut, du sexe pour le sexe, un empilement massif et (vit) indigeste de sexe, le tableau de Courbet recèle une valeur artistique si sa représentation (on y revient) ne se borne pas à montrer un sexe féminin (peut-être au sortir d'un rapport sexuel), mais autre chose du réel derrière l'apparence, quelque chose comme du désordre derrière l'ordre ou le fait que tout ordre procède du désordre. Au sens propre, la représentation conne, passive, impuissante est bien celle de ces (faux) réalisateurs de films de cul qui prennent à ce point leurs spectateurs mâles pour des cons (s'ils savaient!) qu'ils entreprennent de leur montrer du réel une couilonnade qui n'a de réel que le nom ou la semblance.

Piège en eau claire

Le piège de la bêtise consiste à jouer sur le même terrain que l'intelligence, celui de la pensée, de la production de sens, de l'élaboration d'ordre. Chercher du sens procède autant de l'intelligence que de la bêtise. La différence est ténue, quasi inexprimable puisque la différence tient au domaine de l'asensé, échappe à l'univers du sens : l'intelligence établit de l'ordre en ce qu'elle crée le sens sur l'ombre du chaos. L'intelligence parvient à créer de l'ordre à partir du désordre. La bêtise répète de l'ordre en rapportant le réel à cet ordre. De ce point de vue, la bêtise est mesquine et étriquée. Elle parvient toujours à une réduction ontologique. C'est le statut qui diffère entre la bêtise et l'intelligence. Par la suite, la bêtise suit les mêmes chemins et le même processus que l'intelligence. Pour se guérir de la bêtise, il faudrait au bête lutter contre son esprit de plomb qui est son adhésion au sérieux. Un peu de dérision, et la bêtise sortirait de son confort. Mais c'est le propre de la bêtise que d'être incurable parce qu'elle est confort. Plût au Ciel que la bêtise cuise et nuise au bête! Malheureusement, l'imbécile heureux ne relève pas de l'oxymore. La bêtise donne trop de sens à la vie, trop de certitude, trop d'assurance. La bêtise est bien assurance tous risques, et il faut reconnaître que la supercherie est inexpugnable si elle protège du risque majeure de l'existence, la reconnaissance de l'incertitude. La bêtise par définition sait, tandis que l'intelligence ne sait pas. Différence profonde entre Bouvard (et Pécuchet), Deleuze (et Guattari) ou le mandarin d'université d'une part; Socrate (et Platon), Montaigne (et La Boëtie) ou le balayeur qui a compris les dangers de vivre pour travailler.

Super physis

La formule célèbre de Nietzsche : "Les Grecs étaient superficiels [...] à force de profondeur !" ne trouve son comptant que si on sait l'entendre. Si vivre selon la première apparence revient à vivre en prêtant à l'ontologie les caractères de la première apparence étendus à l'ensemble du réel, cette démarche relèverait de la démesure (ubris), mais aussi de la - bêtise. Nietzsche le premier confie : "Oh, les Grecs ! Ils s’y entendaient à vivre ! Pour cela il est indispensable de s’en tenir courageusement à la surface [...], d’adorer l’apparence, de croire [...] à tout l’Olympe de l’apparence !" S'en tenir à la surface suppose du courage dans la mesure où la surface cache le mystère du réel. Les Grecs selon Nietzsche simplifiaient en conscience le réel pour s'en tenir à ses caractéristiques connues (et reconnues). L'approximation relevait du code d'entente ou de bonne conduite. Ce fameux code qui définit l'intelligence. Coluche est intelligent en ce qu'il mime l'adhésion à ses propos. De même prête-t-il nécessairement les mêmes facultés à ses spectateurs, sans quoi ceux-ci ne riraient guère ou sans comprendre - par pur mimétisme. Le Grec est intelligent dans la mesure où il sait que son pari ontologique ne correspond pas au réel, mais à une façon morale de voir le réel : comment y vivre du mieux possible, etc. Au pied de la lettre, le pari du Grec serait d'un stupidité sans nom. Malheureusement, j'ai bien peur que Nietzsche, le grand Nietzsche, ait mis son génie au service d'une ontologie inconséquente, où le renvoi du christianisme aux calendes grecques s'accompagne de propositions pires encore. Qu'il serait temps d'y revenir!

Bêtisier

Le bête estime que le monde est stable, que l'ordre prémunit la Terre de tourner.

Déconnade

"Cannes, c'est un concentré de la vie."
Frédéric Mitterrand, chez Fogiel, T'empêches tout le monde de dormir, 31 mai 2007, à propos de la parution de son livre Le festival de Cannes.

On remarquera que Frédéric Mitterrand est une sommité de l'ordre, par ses fonctions et sa naissance, et que l'apologie de Cannes qu'il dresse ne passe que dans la mesure où le festival de Cannes, son strass et ses paillettes, est un concentré de l'Hyperréel.

On remarquera aussi que l'entreprise esthétique de Frédéric Mitterrand, au pied de la lettre, se défend tout à fait. Effectivement, le réalisme projette de dire le réel, tout le réel. Décrire Cannes pourrait se révéler d'un grand intérêt. Soit dit en passant, cet intérêt supposerait quand même l'effort de distanciation dont Frédéric Mitterrand est incapable, trop grand bourgeois pour devenir le Proust cannois. La bêtise esthétique de Mitterand consiste donc à prendre au pied de la lettre son réalisme, comme la médiocrité des Goncourt consistait à appliquer le manifeste naturaliste, ce dont Zola s'est bien gardé. Pas seulement. La bêtise de Mitterrand Frédéric (car Tonton était plus pervers que typiquement bête) consiste à croire dans la possibilité d'un ordre (je n'ai pas dit d'une île), l'ordre de Cannes, le milieu harmonieux du cinéma, la reconnaissance d'un hyperordre, au sens où il est permis de parler d'hyperréel.

jeudi 30 août 2007

Le Belge et le bête

S'il est vrai que la bêtise s'oppose à l'intelligence et s'allie au sérieux le plus incoulable, je me demande si ce n'est pas le rapport à la représentation qui conditionne la bêtise. Le mauvais humour, en tant que faux humour (vraie bêtise), rétablit l'ordre qu'il fait mine de dénoncer. Cet humour mérite d'être taxé de bêtise dans la mesure où il feint seulement d'instaurer la distanciation avec la représentation immédiate et simpliste de l'existence, quand l'humour permettrait justement la distanciation critique et le rétablissement de la complexité (grosso modo, rien n'est plus complexe d'expliquer le simple, puisque l'évidence est le néant). En somme, être bête, c'est prendre des vessies pour des lanternes dans la mesure où l'on croit que le réel coïncide avec l'apparence première (où l'on constate que l'extension abusive de l'ordre à l'ensemble du réel procède d'un vice de fond plus que de forme). Etre drôle, dans tous les sens du terme, c'est non seulement savoir que les vessies n'éclairent rien du tout, mais que les lanternes brillent du soleil noir de la mélancolie. Autrement dit : on rit de sentir que la majeure part du réel, si j'ose dire, ne ressortit pas de l'ordre, mais du néant (autre variante de la thèse bien connue de Bergson). L'humour, le vrai, signale la positivité paradoxale du néant. Pour preuve, cette citation extraite du sketch que Coluche consacre aux Belges et que je reproduis suite à la quatrième émission des Nouveaux chemins de la connaissance, de loin la meilleure, puisque Enthoven a eu la bonne idée de convoquer Brel en lieu et place d'un vrai triste sire, j'ai nommé Deleuze. Unique florilège (désolé) : "Si j'ai l'occasion, j'aimerais mieux mourir de mon vivant". Le propre du comique chez le Belge de service, c'est d'adhérer intimement à ses propos aberrants. Ces mêmes propos, tenus par un homme normalement constitué (intelligent et bête), tiendraient du second degré. La bêtise prend l'empire de l'ordre pour argent comptant, sans se rendre compte que cette créance abusive aboutit vite à des délires du style "mourir de son vivant". La bêtise serait-elle ce désir qui délire pour croire que l'objet du sens s'applique à l'ensemble du réel, que l'ordre est le réel? On remarquera au passage que la bêtise du Belge de Coluche s'applique à la mort, plus précisément au refus de la mort, refus parfaitement conséquent puisque le refus de la mort va de pair avec la généralisation du sens et la croyance en l'omniprésence et l'omnipotence de l'ordre. On notera que le rire est un sentiment et que le sentiment est plus habilité que la raison à décrire ce qui est réel la première représentation passée. Le propre du rire est de se manifester quand l'ordre vient à manquer et que le réel subsiste. Le rire signale le mystère du réel quand l'ordre signale la première couche du réel. Le rire se déclenche de façon irrépressible au contact d'une parole qui adhère à l'omnipotence de l'ordre. En même temps, le rire signale les limites du sens, puisque rire est étranger à la parole et s'explique de façon malaisée. Le rire est ce sentiment qui signale sans l'expliquer que le réel défie le sens, alors que la bêtise croit candidement que l'ordre est tout, que le néant n'existe pas et que la vie est la mort.

On tourne!

"L'inintelligence s'en tient, si l'on veut, à un constat de non-compréhension: elle ne réussit pas à capter un certain nombre de messages. Elle reste coite, silencieuse. Aucun rapport avec la sottise qui reçoit et émet un nombre infini de messages. La sottise est de nature interventionniste : elle ne consiste pas à mal ou à ne pas déchiffrer, mais à continuellement émettre. Elle parle, elle n'a de cesse d'en "rajouter". L'intelligence subit, la sottise agit: elle garde toujours l'initiative. L'inintelligence est en retrait, se dérobe à un message auquel elle n'entend rien; la sottise, elle, va toujours de l'avant. L'inintelligence n'est qu'un refus, ou plutôt une impossibilité de participation; la sottise se manifeste, au contraire, par un perpétuel engagement. L'inintelligence ferme des portes : elle signale l'interdiction de certaines voies d'accès à telle ou telle connaissance, rétrécissant ainsi le champ de l'expérience. La sottise ouvre à tout : faisant de n'importe quoi un objet d'attention et d'engagement possible, elle fournit de l'occupation pour la vie."
Clément Rosset, Le Réel et son double, p.145-146.

En extension

Nabe affronte, en septembre 2003, sur le plateau de Tout le monde en parle, Beigbeder, l'ancien conseiller en communication de Robert Hue pour l'investiture aux présidentielles de 2002 et pour le compte du PCF (!). Est-ce parce que Beigbeder a débattu avec Revel sur le plateau de RD-RG, toujours sous la férule d'Ardisson, qu'il s'est soudain converti à l'atlantisme? En tout cas, il est venu défendre son infect Windows on the world, brouet impertinent qui prétend se mettre dans la tête des terroristes du 11 Septembre.
NABE : Tu ne peux pas mêler ta superficialité aux gravats du World Trade Center (...) Un ami, c'est quelqu'un qui doit te dire la vérité, enfin en tout cas sa vérité, et moi je ne fais pas partie de ces types qui te tressent des louanges et des éloges par intérêt ou par complaisance ou pour différentes raisons... éditoriales!"
Tandis que Beigbeder, mortifié, demeure muet comme une carpe, Ardisson, qui se sent visé, intervient en coupant Nabe.
"Non, non, moi c'est pas par complaisance ni par amitié! Moi j'aime beaucoup le livre de Frédéric, moi.
NABE : Bien sûr..."

Nabe poursuivra en expliquant à Beigbeder pétrifié que son apologie de l'Amérique est extrêmement déplacée. Passons pour ne pas vomir et remarquons en passant que l'intervention d'Ardisson peut être qualifiée de bête dans la mesure où elle porte les stigmates de la reconnaissance de son époque et du sceau de la compétence.

Alleluia!

Il arrive, miracle tragique, que la maladie, en vous extirpant des griffes acérées de la folie, vous préserve des limbes de la bêtise.

La bête et le bête

Voulez-vous reconnaître le bête, distinguer le bête de la bête? La bêtise consiste pour un homme à faire le bête en réfutant l'empire du désordre et en instituant la généralisation abusive et l'extension hâtive de l'ordre. Pour le bête, tout n'est qu'ordre, quand, pour la bête, son ordre est tout. Raison pour laquelle le vrai bête, le bête positif est une créature forcément intelligente : le bête brave produit des simplifications touchantes ou des erreurs réconfortantes malgré tout. On nourrit toujours quelque gratitude envers l'imbécile manifeste et patenté de vous témoigner d'un soupçon de perspicacité. Le bête simpliste est naïf en ce que son extension ordonnée procède de quelque manière d'un certain tumulte désordonné. Pour parvenir à une élaboration conséquente du Tout-Ordre, comme il en est du tout-à-l'égout ou du tout-cuit, il faut nécessairement que l'intelligence vienne en aide à la bêtise. Sans recours à l'intelligence, point de bêtise qui tienne la route. Le bête innocent produit des stupidités qui ne tardent pas à être démystifiées. Le bête conséquent est doublement et durablement dangereux en ce qu'il se réclame de l'intelligence, fait assaut, preuve et parade d'intelligence. La bêtise réside dans le sein de l'intelligence, non que l'intelligence soit bête, mais que la bêtise quémande l'intelligence. Si la vraie bêtise prend autant de temps pour être discréditée, c'est qu'elle s'appuie sur de solides raisons et se maintient contre les oppositions grâce à ses quartiers de noblesse. Le seul moyen peut-être de démasquer la bêtise, c'est son sérieux. La bêtise se prend au sérieux. Le bête professe l'intelligence dans la mesure où il en est dépourvu et se pique de traits saillants dans la mesure où l'humour lui est terra incognita. Voilà qui explique pourquoi le bête et l'intelligent sont plus des catégories qui se chevauchent et s'entrecroisent : le même individu se montre aussi bête qu'intelligent suivant les domaines qui se présentent et qu'il accueille avec plus ou moins d'ordre (reconnaissance du désordre) ou de sérieux compassé (ferveur fallacieuse devant l'omni-ordre, qui mérite, aussi et de ce fait, d'être dénommé ovni-ordre).

W.

Veut-on un symbole de la vraie bêtise, de la bêtise méchante, de la bêtise perverse, des productions intelligentes de la bêtise? La réponse que les délicieusement polysémiques faucons apportèrent au 11-Septembre. Puisque les attentas détruisaient la liberté et les Twin Towers, au tour des néo-démocrates de répondre. Pour défendre la liberté, ils entreprirent de renverser le Dictateur Saddam Hussein, essence et fondement du dictateur (la bêtise recherche toujours les fondements et l'essence, je n'ai pas dit le pétrole), et d'établir la démocratie. Si les faucons avaient envahi l'Irak au nom de motifs pervers et dévoyés, la liberté et la démocratie, alors qu'ils couraient après des intérêts d'ailleurs plus géostratégiques que pétrolifères, passerait encore : ils seraient des faux cons. Leur vraie connerie, leur bêtise positive, le fait tragique que les surdiplômés (les vrais imbéciles sont toujours surdiplômés) de l'acabit de Wolfowitz soient de sombres crétins, c'est que leurs vrais motifs recherchés ne seront jamais atteints. Les intelligents à la rigueur (au sens de demi habiles) sont ceux qui ont profité des manœuvres des faucons pour s'enrichir par les armes et la guerre. Les intelligents, les vrais, sont ceux qui sont victimes de la stratégie impérialiste et qui la rendent intelligible. Tant il est vrai que le meilleur moyen de lutter contre la bêtise est d'être victime, mais que c'est aussi le plus sûr moyen de finir en abruti fini (les imbéciles sont toujours finis) : la victimisation.

Ange déchu

Qui fait la bête est intelligent. Qui fait le bête est bête. Qui fait l'ange aussi. Qui fait l'intelligent est angélique.

Décalage

Une posture bête? Le commentateur virtuose, qui, parce qu'il est un virtuose du commentaire, se croit penseur. Pourtant, le commentaire étant passeur, il devrait être habitué à passer (son tour).

Déconnade

Le grand penseur le moins bête n'est pas Nietzsche, tant s'en faut, mais - Montaigne.

Bête et méchant

Un petit d'homme élevé par une louve ne se conduit pas bêtement, puisqu'il se comporte en loup. De même Tarzan n'est-il pas bête, mais bien, dans son sens profond, homme - dans la jungle. Le primitif qui se livre à des rites initiatiques complexes et, pour devenir homme ou chasseur, singe (c'est le cas de le dire) les gestes du félin ou d'un animal totémique, engendrerait l'admiration sincère et fondée de l'observateur (surtout s'il appartient à une quelconque société de consommation anémiée). Le bête, donc, c'est l'homme qui pour faire homme se conduit en bête, comme ces snobs qui atteignent les cîmes du snobisme en prétendant faire peuple. Comprend-on maintenant pourquoi Deleuze était affligé de profonde et incurable bêtise, et que citer Deleuze pour penser la bêtise est le comble hilarant du réflexe bête?

Lanterne

"Composer nos mœurs est notre office, non pas composer des livres, et gagner, non pas des batailles et provinces, mais l’ordre et tranquillité à notre conduite. Notre grand et glorieux chef-d’œuvre, c’est vivre à propos."
Montaigne, Essais III, XIII, De l’expérience.

Allez, une définition du paradoxe de la bêtise. Quand on dit que l'homme est bête, on ne dénonce nullement le comportement bête des bêtes. Que dirait-on d'un homme qui se conduirait comme un animal? Au pire, qu'il est fou. L'épisode de ces enfants abandonnés et qui se retrouvent élevés par une louve ne prête nullement à des accusations de bêtise. Tout au plus aboutit-elle à des fondations fameuses. De même, les mythes en quête de fondements finissent-ils toujours par fonder sur des figures animales. Au Bénin, la déesse de l'océan est Mami-wata, aussi célèbre que diabolique et sujet d'épouvante. La bêtise n'est jamais dénoncée que chez l'homme. Un animal n'est réputé bête que par anthropomorphisme, s'il singe le comportement humain. Etre bête, par conséquent, c'est se comporter comme une bête, alors qu'on est un homme. C'est prétendre faire la bête en tant qu'homme. Pourtant, Montaigne nous avait prévenus : "Il n’est rien si beau et légitime que de faire bien l’homme et dûment, ni science si ardue que de bien et naturellement savoir vivre cette vie ; et de nos maladies la plus sauvage, c’est mépriser notre être. " (Essais III, XIII, De l’expérience).

Conneries

Ne fais pas le con : tu es si intelligent!

Imbécile!

Celui qui ne comprend pas n'est pas un imbécile. Comme Rosset l'a expliqué, il est seulement inintelligent. Celui qui comprend est intelligent. Celui qui croit comprendre est bête.

Codex

L'imbécile prend l'intelligent pour un imbécile quand l'intelligent prend l'imbécile pour un imbécile.

Côtes de bête

Fondamentalement, le problème de la bêtise est insoluble : le piège de la bêtise revient en effet à chercher la solution, l'intelligence contre la bêtise, etc. Pour résoudre le problème de la bêtise, il faudrait un fondement. Chercher le fondement, telle est la bêtise inaugurale, comme d'autres de renom professent des leçons du même nom. Le propre de l'intelligence est de se mettre en quête de sens et de chercher du fondement. Si bien que la bêtise n'est nullement le non-sens. Plût au Ciel que la bêtise soit le non-sens! Un imbécile qui ne comprendrait pas, quel bonheur! Malheureusement, l'imbécile est celui qui comprend trop bien et qui fait sens comme d'aucuns font flèche de tout bois. La bêtise est un pétard mouillé, une pétarade exaltée, une débauche d'activité. Plus on est intelligent, plus on est bête. Raison pour laquelle Deleuze est un imbécile supérieur. Raison aussi pour laquelle je remonte me coucher.

Go Homme !

Une pensée intelligente? Je ne sais pas.

Sous-homme

Une pensée bête? Le Surhomme.

Contest

"Vous vous trompez, Annie. Si nous faisons mieux connaissance, vous vous apercevrez que l'édification du socialisme est la seule et unique tâche que je prenne au sérieux, ... ça a l'air un peu con de le dire comme ça... mais c'est vous qui m'y obligez..."
VAILLAND, Drôle de jeu.

mercredi 29 août 2007

Hommage

Emission Les nouveaux chemins de la connaissance, France-Culture, consacrée à la bêtise. Brassens essentialiserait-il la bêtise? C'est exactement l'inverse : faire preuve de bêtise et foncer tête baissée dans l'erreur est tout à fait normal. C'est détruire qui est plus grave, quand la bêtise et l'erreur se retrouvent au service de l'intelligence.

"Sans être tout à fait un imbécile fini,
Je n'ai rien du penseur, du phénix, du génie.
Mais je n' suis pas le mauvais bougre et j'ai bon cœur,
Et ça compense à la rigueur.

{Refrain:}
Quand les cons sont braves
Comme moi,
Comme toi,
Comme nous,
Comme vous,
Ce n'est pas très grave.
Qu'ils commettent,
Se permettent
Des bêtises,
Des sottises,
Qu'ils déraisonnent,
Ils n'emmerdent personne.
Par malheur sur terre
Les trois quarts
Des tocards
Sont des gens
Très méchants,
Des crétins sectaires.
Ils s'agitent,
Ils s'excitent,
Ils s'emploient,
Ils déploient
Leur zèle à la ronde,
Ils emmerdent tout l' monde.

Si le sieur X était un lampiste ordinaire,
Il vivrait sans histoir's avec ses congénères.
Mais hélas ! il est chef de parti, l'animal :
Quand il débloque, ça fait mal !

{Refrain}

Si le sieur Z était un jobastre sans grade,
Il laisserait en paix ses pauvres camarades.
Mais il est général, va-t-en-guerr', matamore.
Dès qu'il s'en mêle, on compt' les morts.

{Refrain}

Mon Dieu, pardonnez-moi si mon propos vous fâche
En mettant les connards dedans des peaux de vaches,
En mélangeant les genr's, vous avez fait d' la terre
Ce qu'elle est : une pétaudière !

{Refrain}"

A tes souhaits

J'entends d'ici les questions fleurir autour de la métaphore de l'unijambiste privé de sa prothèse : si Dieu est une prothèse, c'est qu'il s'applique à des esprits handicapés, dont la guérison passe par la suppression du handicap. Fort bien. Sur le principe, je suis d'accord. Sauf que la suppression du handicap sera effective le jour où la médecine sera en mesure de proposer à l'unijambiste le port d'une jambe artificielle de même usage que la jambe naturelle (selon des voies dont j'ignore presque tout, mais qui adviendront à n'en pas douter). D'un point de vue théologique, le concept de Dieu, qui n'a cessé d'évoluer comme les progrès de la médecine (ou de la technique), épouse les conceptions de son temps, selon une voie qui montre d'ailleurs que l'influence religieuse prime sur celle métaphysique et qu'il faudrait être bien élitiste et réducteur pour estimer que les religions s'adressent à la populace quand la philosophie s'adresse à l'élite intellectuelle en mesure de comprendre. Sur bien des aspects, la profondeur du christianisme passe de très loin les grandes métaphysiques de Leibniz, Kant ou Hegel. Revenons à nos moutons. Si le concept de Dieu est imparfait aux yeux de l'homme rati(cio)onaliste (et étriqué, car cette vision de l'imperfection procède d'un totalitarisme inquiétant de la raison humaine), c'est que le réel qu'il sous-tend est, de ce point de vue fort humain, imparfait. En d'autres termes, cette imperfection sans doute très anthropomorphique n'est pas imputable au fondement divin, ou à l'explication divine; c'est l'inverse qui est vrai : une connaissance pleine et satisfaisante du réel délivrerait (dans tous les sens du terme) l'homme des tâtonnements qui l'affligent dans son exercice de la connaissance. Je ne sais au juste quelle représentation divine ressortirait d'une telle hypothèse, ni si cette hypothèse se révélerait favorable aux attentes humaines, mais je sais que Dieu a bon dos : ce n'est pas en le supprimant (ni en le magnifiant avec fanatisme) qu'on résoudra les difficultés de connaissance qui se posent à l'homme. Rappelons que ce que l'homme nomme imperfection s'adosse sur des éléments constitutifs de la structure du réel, telle qu'elle nous apparaît du moins, en premier lieu la finitude. On ne voit pas bien comment une forme finie pourrait résoudre définitivement un problème qui n'est pas formel - mais structurel. Finalement, Dieu, dans toutes les acceptions qu'il a pu prendre, exprime ces multiples tentatives - et l'effort n'est pas clos, tant s'en faut. Quels seront les visages que Dieu épousera à l'horizon du troisième millénaire chrétien? La question que je pose ici est différente : ce n'est pas en supprimant un problème existant que l'on résoudra le problème. Cette démarche typiquement nihiliste s'incarne dans ces voix de l'athéisme contemporain qui prétendent qu'en délivrant l'homme de Dieu, le problème et le poison seront résolus. Non seulement le problème (de compréhension) demeure, mais il est amplifié du fait de la disparition, au surplus fort violente (meurtre), du terme de médiation qui permettait d'accéder, sans doute de façon trop imparfaite, à l'inconnu et au mystère. Pour finir : peut-être ce désir de faire passer Dieu pour une imposture, une erreur d'aiguillage, une voie de garage, dont la correction par la suppression accoucherait de la guérison et de la satisfaction, découle-t-il au final du fait que l'idée que Dieu intègre dans son sein, complexe et ténébreux, des domaines qui remettent en question les lumières de la raison et prétendent la transcender. Il n'est besoin que de mentionner l'expérience de la foi, comme croyance ou intuition que la raison est inapte à interroger en profondeur, pour poser le problème et suggérer qu'il ne se résout pas de quelques coups de cuillères à pot. Une certaine rationalité, bien totalitaire, et à mes yeux dévoyée, répudierait Dieu au nom du fait qu'il est étranger à son domaine de compétence, alors qu'il faudrait se demander si l'ensemble du réel appartient au domaine de compétence en question, ou si la raison n'est compétente que pour déchiffrer une certaine partie, limitée, du réel. Le déni de Dieu que j'observe dans cet athéisme superficiel, qui au surplus se présente volontiers comme serein, imposture manifeste quand on contemple les solutions qu'il propose, ne fait que rétablir, en lieu et place de Dieu, la violence comme moyen de dominer la violence - la domination arbitraire comme moyen de venir à bout de l'anarchie et du désordre. La réfutation de Dieu n'aboutit nullement à établir des cultures plus rationnelles, mais à ouvrir la boîte de Pandore des médications charlatanesques ou des potions totalitaires. Le problème du mystère du réel, auquel Dieu apporte des éléments de résolution épars et imparfaits, ce qui était prévisible, se renforce plus qu'il ne s'éclaircit si l'on convoque la violence pour remplacer la médiation du divin. Or, à ma connaissance, et je parle sous l'autorité de Girard, qui pèse quand même plus lourd que le baron d'Holbach, je ne connais pas d'autre alternative à Dieu pour remédier à la violence sourde que la violence institutionnelle. D'ailleurs, pourquoi la folie de Nietzsche comme effondrement final sur ce chemin pour quitter et dépasser le christianisme? Parce qu'il avait quitté le christianisme, mais ne l'avait nullement dépassé (sa solution revenait à rétablir, de force, la régression dionysiaque). D'accord pour dépasser le christianisme, à condition que ce dépassement manifeste, bon an, mal an, un progrès de fond, comme ce fut le cas pour le passage du polythéisme au monothéisme. D'ailleurs, pourquoi cette transition du polythéisme vers le monothéisme? Dans l'évolution nécessaire des formes du divin (des formes de médiation entre l'homme et le réel mystérieux), la solution de l'athéisme prête à sourire. C'est, littéralement, celle du pompier pyromane. Au final, on remplacerait un déséquilibre précaire par plus de déséquilibre encore, au nom de l'équilibre et de l'harmonie.

mardi 28 août 2007

Esprit Sain

Dans l'émission du samedi 25 août 2007 Les aventures de l’athéisme , où Enthoven reçoit Comte-Sponville, Enthoven prouve à quel point savoir et jugement sont exercices séparés et font (trop) souvent mauvais ménage. Citant matérialistes et pessimistes, pour qui la religion est superstition et la croyance prouve que Dieu n'existe pas, Enthoven en appelle à l'athéisme comme à "l'art de regarder le monde sans le filtre du préjugé divin", "le monde en somme comme il a toujours été livré à lui-même". Il suffirait selon Enthoven pour retrouver le monde tel qu'il est de supprimer le filtre divin, aussi déformant que fallacieux et illusoire. Enthoven définit l'"athéisme plein" comme le refus premier de Dieu, qui implique que Dieu n'ait pas été assassiné, puisqu'il n'a jamais existé. J'aimerais commencer par exprimer, avec ma virulence coutumière, qui recèle plus la vérité du réel qu'elle ne cache le mensonge (malheureusement pour Enthoven et ses comparses), que les mauvais philosophes sont ces gens incapables de renouveler les problématiques de l'histoire de la pensée, certes; mais surtout inaptes à penser un tant soit peu sans convoquer l'histoire de la pensée, comme si l'on pouvait réfléchir par mémoire, savoir et mime en somme. Si nos pédants ridicules, avatars du philosophe raté, si bien raillé par Molière, mais aussi son ancêtre Aristophane, cessaient de s'emberlificoter le nez dans leurs arguties aussi complexes que creuses, leur vanité outrée, ils recourraient sans doute au silence pour s'épargner les dérives de l'erreur aussi manifeste. Enthoven connaît manifestement de fort près les pensées des grands philosophes du passé, mais leur usage ne lui permet nullement de mieux penser, tant s'en faut. Si c'était le cas, il n'énoncerait pas en introduction cette billevesée remarquable, digne de la mode contemporaine, selon laquelle Dieu n'a pu mourir que pour un croyant déçu. Pour ce faire, il faudrait que les premiers temps connus de l'humanité aient été dénués de religiosité et de divinité, ce qui n'est bien entendu pas le cas; ou que l'athée contemporain soit en mesure de faire abstraction de son passé, de sa culture, de son identité, geste qui n'est pas en sa possession, fût-il normalien et agrégé de philosophie, voire producteur et présentateur sur France-Culture... Le penseur imposteur s'imagine dépasser Nietzsche en corrigeant ses erreurs, alors qu'il sombre dans les pièges que Nietzsche, du fait de sa qualité, avait su prévenir et éviter. Si l'on se montre sérieux une seconde, l'hypothèse nietzschéenne seule est profonde : l'homme a bel et bien assassiné Dieu. Et l'hypothèse nihiliste, telle qu'Enthoven la relaie, en toute inconscience et bonne foi, en croyant penser contre l'époque alors qu'il pense avec elle, et dans le mille, en bon élève se rêvant rebelle subversif, cette hypothèse aimerait faire l'impasse, c'est le cas de le dire, sur Dieu pour mieux regarder le réel en face. Considérons l'hypothèse historique de Dieu comme un fait sur lequel revenir reviendrait au déni de réalité (c'est au nom de ce déni qu'Enthoven condamne Dieu comme déni, paradoxe qui ne manque pas de sel), ce fait n'implique nullement l'existence de Dieu, et même certaines considérations religieuses en rapport avec Dieu ressortissent, à mesure que leur expression libère leur naïveté, de la superstition. Considérons maintenant une autre hypothèse, nettement plus contestable, à laquelle j'adhère néanmoins : le monothéisme est agonisant, et c'est en quoi Dieu est mort, assassiné parce que sa vie mettait en danger l'homme. Ce qu'on appelle Dieu n'est jamais que le moyen d'entrer en contact avec l'énigme du monde, pour reprendre les termes d'Enthoven, et, pour ma part, je n'hésiterai nullement à parler de mystère du monde, terme qui me semble bien plus approprié qu'énigme pour caractériser le rapport de l'homme au monde. Poursuivons : Dieu est ce terme générique, et fourre-tout sans doute, qui renvoie à ce que l'homme ne parvient à expliquer. C'est pourquoi je désignerais volontiers le monde de l'homme comme ce que l'homme est en mesure d'expliquer, son environnement immédiat; tandis que le réel engloberait le mystère que l'homme ne peut expliquer. Comprend-on à présent que Dieu est le lien (religieux) entre le monde de l'homme et le réel - entre l'homme et le réel? Si bien que la proposition de libération nihiliste (supprimer Dieu pour mieux appréhender le réel) revient exactement à instaurer l'effet inverse : en ôtant Dieu de la médiation, on empêche l'homme de penser le réel, on le confronte à l'impensé, on abolit toute compréhension, même et surtout intuitive. Du point de vue humain, Dieu est une invention qui sert à mieux comprendre le réel. Il se pourrait que par les temps qui courent, Dieu soit un logiciel un peu dépassé, périmé, vieillot, et qu'il déchiffre mal ce pour quoi l'homme l'a créé. Si Dieu rame, il est urgent de remplacer le Dieu du monothéisme par d'autres médiations et non le supprimer et l'abolir purement et simplement. Imaginons un unijambiste se plaignant que sa prothèse fonctionne mal. "Eh bien, contente-toi de tes propres moyens", lui rétorquerait le médecin inconséquent, au lieu de lui proposer une nouvelle prothèse viable. C'est exactement ce que fait Enthoven (en tant que figure de l'impasse présente) et c'est pourquoi nous nous permettrons de citer Pascal en guise de parabole conclusive : "D'où vient qu'un boiteux ne nous irrite pas, et qu'un esprit boiteux nous irrite ? C'est à cause qu'un boiteux reconnaît que nous allons droit, et qu'un esprit boiteux dit que c'est nous qui boitons. Sans cela nous en aurions plus de pitié que de colère." On me pardonnera donc ma virulence (contre les représentants de l'époque), dont les claudications nihilistes et les subtilités taiseuses annoncent cependant que l'homme, cet animal doté d'impressionnantes ressources, saura trouver les armes pour surmonter sa crise de sens passagère sans s'arrêter aux aberrations présentes des panseurs gravement atteint par le mal de la vie.

Once uporn the time

Je tire cette anecdote éclatante d'un livre passionnant, Le grand réveil des mafias, rédigé par notre criminologue national, Xavier Raufer. Elle éclaire, si besoin en était, l'arrière-boutique qui anime la notion de consentement, notamment dans le porno, où les actrices sont réputées libres, radieuses et épanouies. Elles le sont tellement qu'on apprend que le porno américain se trouve sous la coupe réglée de la mafia. Cet extrait vaut mieux qu'un long discours et éclaire la lanterne de ceux qui estiment le consentement comme une distinction viable pour décider de la liberté et de la légalité des actions de chacun. Qu'on juge sur pièces.

"Ainsi, quel est le premier film culte du porno américain? Deep Throat. Tourné en 1972 (et en dix-sept jours) en Floride, Deep Throat a coûté 26 000 dollars à réaliser. Il rapporte à ses producteurs mafieux 600 millions de dollars - dont 100 millions de cash.
La vedette de Deep Throat est Linda Lovelace. Qui devient vite la première superstar du showbiz porno, dans une ambiance d'érotomanie et de "libération de la femme". Jolie libération : loin d'être consentante Lovelace est la victime d'un proxénète brutal - son propre mari - qui, après l'avoir droguée, la prostitue devant les caméras sous la menace d'une arme, la frappe à la moindre hésitation - et ne lui versera jamais un dollar pour ses "prestations".
Toute l'affaire figure dès 198 dans Ordeal, livre où L. Lovelace raconte en détail son martyre."

lundi 27 août 2007

Art naïf

Le jour approche où le formidable charivari ne sera plus qu'un misérable feu de paille, un chambardement pour grand enfants avides de soirs d'Histoire et d'histoires troubles. Les effets d'annonce s'écrouleront, et tous les esprits qui crurent au grand changement, à la révolution des esprits en seront quittes pour quelques railleries compatissantes. Bientôt, les modes rouleront sur d'autres effets tout aussi considérables, avant de refluer comme l'immuable rivage. Non, l'annonce de la disparition prochaine de la morale n'était jamais que la conséquence signalant l'effondrement du monothéisme; le symptôme du règne fugace du nihilisme sur les quelques esprits qui eurent la vanité d'appartenir à l'élite intellectuelle du monde le temps d'une existence. La disparition de la morale n'est pas proclamation sérieuse. Elle se rapproche dangereusement de la fin de l'homme, celle de l'histoire, j'en passe et des meilleures. Toute la critique de la morale est d'autant plus salutaire qu'elle émane dans sa forme la plus profonde de moralistes et qu'elle tient dans une formule fameuse : "La vraie éloquence se moque de l'éloquence, la vraie morale se moque de la morale..." (Pensées). A y bien regarder, les petits marquis du pédantisme nihiliste et postmoderne aiment à se réclamer des masques de la morale, qui cacheraient les vilains vices et défauts du genre humaine, les motivations inavouables, les intérêts licencieux. C'est ainsi que lors de conversations radiodiffusées sur France-Culture, le présentateur Enthoven cite La Rochefoucauld au secours du nihilisme tacite : "La vertu n'irait pas si loin si la vanité ne lui tenait compagnie." (Réflexions ou Sentences et Maximes morales ). Que le poulailler des commentateurs n'aie crainte, bon sang ne saurait mentir. J'en veux pour preuve cette autre citation de La Rochefoucauld, fort impressionnante celle-là : "Aimez le chocolat à fond, sans complexe ni fausse honte, car rappelez-vous : «Sans un grain de folie, il n'est point d'homme raisonnable»." En attendant que les moralisateurs s'inspirent des meilleures recettes pâtissières, je rappellerai que la vanité au service de la vertu n'est jamais qu'une cause efficiente du bien (ou du Bien) et qu'il est doux, plaisant de constater que la vertu ne procède pas seulement de résolutions marmoréennes, mais de complexes décisions, où les sentiments ont toute leur place. D'ailleurs, quel est le masque de - l'autre?

La mort de l'amoral

"C'est le fondement et l'ABC de toute notre morale."
Les Provinciales, Blaise Pascal.

Les nihilistes ont tôt fait de se réclamer de Nieztsche pour condamner la morale au nom de son assimilation hâtive au moralisme. La morale serait morte. Elle serait le siège et le masque des sentiments inavouables, de l'hypocrisie, à tel point qu'il serait urgent de transmuter toutes les valeurs et d'établir l'immoraliste comme le remède au moraliste. Sur la critique de la morale, je remarquerai que sa naïveté demeure déconcertante. Quelles que soient les critiques qu'on adresse, on a besoin de normes, sans quoi l'un louera Hitler quand l'autre s'inclinera devant mère Teresa avec indifférence. L'excision sera une pratique tout aussi respectable que l'abolition de la peine de mort. Tel n'est pas le cas, parce que, n'en déplaise aux nihilistes, ce n'est pas la norme que la modernité a engloutie, c'est le fondement. Quelles que soient les lois dont l'humanité se dotent, il faut bien une justification. Derrière toute loi s'abrite une morale, qui est aussi bien une pensée, c'est-à-dire un fondement. L'excuse frivole selon laquelle le criminel de haut vol impuni s'en est tiré à bon compte ne légitime en rien l'immoralité, à moins de considérer que la damnation est chose vague et incertaine. Spinoza l'a pourtant bien énoncé, ce n'est pas dans une autre vie hypothétique que le châtiment se situerait : c'est dans cette vie-ci. Raison pour laquelle tant Hitler que Staline, Mitterrand que Poutine, Ben Laden que W. sont, sincèrement, à plaindre - d'ores et déjà. Raison pour laquelle le pédophile mérite d'être compris et non lapidé (ce qui n'implique nullement, loin s'en faut, qu'il faille le laisser agir au mépris de la loi). La simple distinction qu'omet le nihiliste, entre morale et moralisme, qu'il brouille à souhait pour mieux établir la destruction sous le sceau de la confusion, c'est que seule la tartufferie, soit le moralisme bien compris, mérite d'être déclarée pernicieuse et illusoire (ce qui ne signifie pas qu'elle n'existe pas). Le moralisme consiste à essentialiser les valeurs de bien et de mal, à décréter que l'humanité se conforme en matière de moeurs et de règles nécessaires à un modèle préexistant - le Bien et le Mal. Il est certain qu'entendus de la sorte, ni le Bien, ni le Mal n'existent. Quoique. Quand Aristote et d'autres rappellent que le bien est ce qui est bon pour l'homme et le mal ce qui lui est nuisible, il distingue le monde de l'homme du réel transcendant - les intérêts humains. Le réel n'est pas fait pour l'homme, contrairement à l'anthropomorphisme, omniprésent dans la culture. Cette relativité de la morale est certaine en ce que le bien est ce qui est bon pour l'homme - et peu importe à l'homme que ce qui lui est bon soit néfaste au cochon qu'on va égorger pour les besoins de la fête... Il est certain que, comme Pascal l'a noté, mais aussi Montaigne, la relativité des coutumes et des traditions varie en fonction de l'espace géographique et culturel. Pourtant, la condamnation universelle du crime, quelles que soient ses acceptions, suffit à indiquer une communauté de la morale, au même titre qu'une communauté des mythes (en particulier des origines) mérite d'être invoquée. C'est le signe que l'essentiel dans l'essentialisation de la morale est pertinent : si le Bien et le Mal n'existent pas en tant que figures du Bien et du Mal, la structure du réel telle qu'elle s'incarne dans les allées du monde de l'homme n'est pas si variée et hétéroclite qu'elle n'engendre des morales aux antipodes suivant les tropiques. "Plaisante justice, qu'une rivière borne! - Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà." Cette Pensée n'en est que plus juste si l'on ajoute que des deux côtés des Pyrénées, c'est bien une rivière qui est réputée couler. Le lit du réel est identique aux yeux des hommes, à tel point que le moralisme ne signale pas l'erreur de la morale; tout au plus, ses errances outrancières et déformations condamnables. Le moralisme est la caricature de la morale. Il en force le trait, mais les traits demeurent saisis et intégrés. La morale signale qu'un ordre existe dans le réel et que la rationalité est à même de le retranscrire à la sauce humaine au coeur du monde de l'homme. Prétendre supprimer la morale n'est pas seulement folie nihiliste. C'est entreprise impossible. La suppression de la morale comme une mauvaise farce aux relents nauséabonds n'est pas de ce monde. Tout au plus, sa relativité s'applique-t-elle aux différents mondes qui peuplent le réel et qui expliquent que le monde de l'homme ne soit que le monde qui concerne les préoccupations et la pérennité de l'homme.

vendredi 24 août 2007

Les gènes indigènes

En quoi Houria Bouteldja et les fameux Indigènes de la République sont-ils manipulés par ceux qui détestent la France, la grandeur de la France, et l'Occident, la grandeur de l'Occident? En quoi Bouteldja dresse-t-elle un tableau digne d'un conte des Mille et une nuits? En quoi consiste l'extrémisme de Bouteldja et de ses acolytes? Si Bouteldja venait sur les plateaux (pourquoi d'ailleurs l'y invite-t-on avec autant d'empressement sous Sarkozy?) pour dénoncer le racisme qui sévit en France à l'encontre des immigrés, ou rappelait les drames de l'époque coloniale dans l'Empire français, elle ne parlerait pas au nom des indigènes de la République, soit de ceux qui s'estiment être les sous-chiens des souchiens et qui ne se considéreront Français que le jour où la France ne sera plus la France. Tel est le drame de Bouteldja : sa haine de la France la conduit à une analyse simpliste de l'histoire récente et à une grille de lecture aberrante, où la France est ce pays qui se prétend civilisé, terre des Droits de l'Homme et des Lumières, quand elle est le havre de l'hypocrisie et de la perversité. Etre incapable de reconnaître les aspects positifs, non de la colonisation (quoi qu'il y en ait eu, mais je peux comprendre les réticences et les périls à l'admettre en première ligne), mais de la France, de l'histoire française, de la culture française, refuser que la France comporte une grandeur invraisemblable, afficher sa haine chaque fois qu'on loue la France, en rappelant, par exemple, à cet instant fatidique et révélateur, que si l'Algérie va mal, c'est seulement à cause de la France - sous-entendu : l'Algérie non seulement est aussi grande que la France, mais plus encore, puisque sacrée... Sur le plateau de Chez FOG, le député UMP Dupont-Aignan ose demander à Bouteldja pourquoi tant d'étrangers rêvent de venir en France, si la France est si néfaste et diabolique. Réponse embarrassée de Bouteldja : la France fait bien sa publicité, elle laisse croire au monde qu'elle est le pays des Lumières. Moralité : Bouteldja se sentira heureuse et apaisée le jour où la France se trouvera plongée dans les ténèbres. Telle est l'attente de réformes de ces haineux sortis de la cuisse de l'immigration, qui n'acceptent de participer à la construction de la France qu'à la condition d'en saper les fondements et d'en détruire le passé et la grandeur. La sincérité de Bouteldja et des professionnels de la cause antiraciste gagnera en légitimité le jour où ils dénonceront le racisme des Arabes et des immigrés africains, y compris de nationalité française, à l'encontre des autochtones français; le jour où le courage leur viendra de ne pas expliquer les dérives de certains immigrés, parfois très français et très peu immigrés (directs), par les seules fautes de la France. Avec Bouteldja et ses complices novices, tous les torts sont français, les enfants de l'immigration sont des pures victimes... Ce qu'il faut rétorquer à ces haineux fielleux, dont le cerveau s'est trouvé dévasté par une attaque intempestive de bile ravageuse, c'est que leurs imprécations n'y pourront rien : la France poursuivra sa construction comme elle l'a toujours fait, les enfants des immigrations récentes joueront (et jouent déjà) un rôle jugé a posteriori éminemment positif dans ce travail d'élaboration. N'en déplaise à ces Cassandre de la cause antiraciste, plus racistes encore que la minorité raciste autochtone.

jeudi 23 août 2007

Magie noire

Rosset, dans Le Réel, dénonce dans la philosophie kantienne une opération de critique blanche ressortissant de la catégorie de l'inguérissable. Dont acte. Je remarquerai en passant que le propre du nihilisme, dont Rosset participe par maints égards, consiste moins à constater ce fait ou à le déplorer qu'à s'en féliciter, comme si la pensée était en mesure, par un simple et providentielle opération mentale, de rendre positif le négatif. Le drame n'est pas tant l'illusion qui se dégage de cette confusion que la duplication hallucinatoire qui survient (pour reprendre la terminologie forgée par Rosset). Car non seulement le réel demeure le réel, et le négatif le négatif, mais le reél se trouve dès lors caractérisé comme négatif et vécu comme positif dans la mesure où il est négatif. Autrement dit : plus le réel est négatif et plus il est en mesure d'être positif - ce, d'autant plus que cette transmutation ontologique ressortit d'un esprit puissant et que le nihilisme est un école de pensée foncièrement élitiste.

Ressenti

Jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien... Jusqu'à la chute? La formule du (mauvais) film La Haine est aussi celle de la modernité, en tant que programme synthétique de Nietzsche, si tant est qu'on s'avise que sa pensée fut celle d'un génial et grandiose destructeur dont les tentatives de construction aboutissaient (tragiquement) à leur involontaire destruction. Est-ce pour s'être rendu compte du terrible sortilège qui l'accablait que Nieztsche finit par perdre la raison - être né pour détruire sans jamais construire? En tout cas, les disciples de Nieztsche, comme la plupart des disciples, ont repris du maître ses travers, sans même s'aviser de ses qualités immenses et insondables. L'un des points cruciaux sur lequel se fixent ses modernes épigones est révélateur de ce fait. La lutte principale qu'entreprit Nieztsche tenait, par-delà la démystification de la morale, à la destruction du christianisme et de l'idole Jésus-Christ. Or, les commentateurs se fixent comme par enchantement sur tous les points de détail (et qu'on m'excuse cette expression malencontreuse) tournant autour du ressentiment pour mieux occulter que le ressentiment est une manière de (conce)voir très nietzschéenne (ainsi que l'a montré Girard), mais surtout que le ressentiment qu'ils dénoncent transpire de leur personnalité exsangue et décadente. Ainsi de Deleuze expliquant qu'il faut toujours défendre les forts contre les faibles (ce qui est vrai, mais Deleuze était un faible); ainsi de Sollers aujourd'hui, qui pontifie sur le ressentiment de la populace à l'encontre des grands hommes incompris et dénigrés (ce qui est vrai aussi, mais Sollers est un mouton de Panurge enragé). Si Sollers et consorts dénoncent d'autant plus, et avec légèreté détachée, et avec brio aérien, et avec désinvolture supérieure, le ressentiment, c'est que l'époque exhale le souffle empoisonné de ce ressentiment diffus. Pourquoi? Le ressentiment a pris la place de Dieu. La modernité a assassiné Dieu, Dieu n'est pas mort de sa belle mort. Au lieu de ce fondement tutélaire, l'homme moderne est ce Caïn gorgé de haine sourde et de rage rentrée, parce qu'il a tué son frère et qu'il ne peut assumer son homicide. La haine qu'on ne peut assumer et qu'on dénie, tel est le ressentiment. La haine d'avoir tué Dieu, puis de prétendre qu'il s'est volatilisé, qu'il est parti de son plein gré pour un grand voyage et qu'il ne reviendra plus : formule du ressentiment contemporain. Bien entendu, et comme de juste, l'assassinat de Dieu est un acte qui ne saurait s'assumer dans la sérénité et la délivrance. Il oppresse et il conduit à ce fameux déni qui fascine tant les nietzschéens et les modernes à la mode de l'époque obscure, hédoniste et nihiliste, que nous subissons et qui nous mène droit dans le mur. Ce déni, c'est le ressentiment, et cette fascination pour le ressentiment confine au plaisir masochiste (et indirectement sadique), qui consiste à observer sa destruction avec une satisfaction d'entomologiste pervers trop aise de substituer au credo cartésien un retentissant et prophétique : je souffre, donc je suis. Ce Qu'il Fallait Dénoncer.

Ôte-toi de mon soleil!

La récupération de Nietzsche par les intellectuels de l'après-guerre, en particulier français, tient à l'occultation. La frénésie hargneuse avec laquelle l'élite intellectuelle s'est empressée de célébrer le grand génie ermite et ignoré (plus que méprisé d'ailleurs) tient à l'entreprise de réhabilitation remarquable que poursuit l'époque. Le noeud gordien de cet empressement suspect tient à la folie de Nietzsche. Qu'on se le tienne pour dit, Nietzsche a fini fou, mais il n'a pas fini fou comme les commentateurs aimeraient nous le faire croire - d'une maladie incompréhensible et inexplicable qui l'aurait foudroyé et qui se trouverait sans rapport avec ses écrits, sa pensée et sa vie. Nietzsche est mort fou parce qu'il souffrait d'une terrible maladie, sans doute aux confins de la neurologie et de la psychiatrie, et qu'il n'a rien trouvé de mieux, soit de pathétique et d'authentiquement tragique, que de réagir en y opposant la célébration. En somme : plus je suis malade et plus les raisons de se réjouir abondent. La vie est merveilleuse puisque je souffre horriblement et que je bascule dans la folie irrémédiablement sans que j'y puisse rien changer. Pis : puisque je n'y puis rien (changer), alors le seul changement qui sera opérant sera le non-changement par excellence, la résignation qui consiste à se féliciter de l'horreur. Laisser croire que le réel est rose quand il est sombre conduit aussi à affirmer que la croyance est une illusion à l'instant précis où l'on instaure le mode opératoire de la croyance. Bref, Nietzsche fut aussi génial qu'inconséquent - et c'était un fort puissant et intuitif génie. Maintenant, qu'on examine la vie du plus fameux commentateur français de Nieztsche de l'après-guerre, j'ai nommé Deleuze. Deleuze était fou, raison pour laquelle l'époque et les étudiants l'adulaient, et sa fin tragique, son suicide d'une rare violence, pour sa personne comme pour celle des autres, n'est pas le fait du hasard ou le fruit de l'anodin. Deleuze ne pouvait que vouer aux nues un fou dont il partageait la folie, à défaut de partager la génialité. A défaut d'être génial, Deleuze se montrera d'ailleurs en proportion excentrique et bizarre. Et le succès de Deleuze, de son vivant principalement? Soyons lucides, un tantinet : pour que Nietzsche soit le héros de l'époque, autant que Deleuze fut le héraut de Nietzsche, il faut que l'époque soit elle-même dévastée par la folie déniée et reniée, la folie souterraine qui la fait foncer dans le mur au moment où elle s'ébroue et s'écrie avec le plus de vigueur que tout va bien - tout va pour le mieux.

mercredi 22 août 2007

Ombre solaire

Grâce à You Tube, je tombe sur un vif échange, probablement intervenu lors d'un Esprits Libres de Durand, entre Sollers et Luc Ferry. Il est toujours amusant de constater que l'émission intello et stéréotypée par excellence se désigne au moyen d'une appellation au titre ronflant et vaguement nietzschéen, mettant en avant la liberté de l'intelligence. Raison pour laquelle figurent sur le plateau des esprits aussi roboratifs que Sollers et Ferry. Ferry a bien raison de contredire Sollers, mais pourquoi les deux compères font-ils mine de se disputer en se tutoyant? Parce que Ferry a le tort de rappeler qu'en Mai 68, Sollers était maoïste flamboyant et qu'il se vivait à la gauche du communisme soviétique, jugé social-démocrate (sic); alors que Sollers prétend, très énervé, comme tous les nihilistes amoralistes quand ils sont pris sur le fait et dans leurs oeuvres (je veux dire : torts), qu'il était maoïste par opposition au soviétisme. CQFD : être maoïste, c'était donc avoir raison! Je comprends maintenant mieux pourquoi l'impayable Sollers, après avoir été un des soutiens de Balladur en 1995, fut aux côtés de Royal en 2007... Plus on a tort, plus on a raison. Ce doit être aussi la raison pour laquelle Sollers, quand il pontifie, se range du côté de Nietzsche : grâce au Surhomme, le nihiliste a trouvé le moyen de renverser la morale afin de réhabiliter l'immoral. C'est ingénieux : selon le critère moral, l'homme bon devient ainsi, à en croire Zarathoustra notamment, l'abominable monstre, tandis que l'homme supérieur, cet incompris, est ravalé au rang des monstres ignobles... Tout à fait d'accord pour ne pas verser dans le moralisme (sans pour autant sombrer dans l'immoralisme), j'observe les arguties de Sollers relayées par la Toile avec une incrédulité goguenarde : cet homme qui s'est trompé toute sa vie aurait-il la naïveté arrogante (sa marque de fabrique) d'estimer que c'est avec Nieztsche, et surtout avec ses apôtres iconoclastes et postmodernes, adeptes de la trahison fidèle, que nous renouvèlerons le monothéisme décadent (dont Sollers est l'un des modèles remarquables, en tant que fervent papiste nietzschéen)? La ruse est plus simpliste - et décevante. Avec Sollers, nous tenons le raisonnement crapuleux qui consiste à expliquer benoîtement (dix-sept fois sans doute) que la crapule est l'homme de bien et que l'homme supérieur est pris pour la crapule. Sous-entendu : je suis ledit homme supérieur et c'est pour cette raison que les hommes de bien me désignent comme crapule. Malheureusement, Phil(istin), ce n'est pas en transmutant (transmutons! transmutons!) les valeurs à tout va que l'on changera un iota au réel.

Para-réveil

Le message précédent, intitulé Itinéraire 1, je l'ai publié hier vers 17 heures et je suis parvenu à le restaurer ce matin vers 11 heures, grâce à l'historique interne de mon ordinateur (après quelques sueurs froides!). Ce n'était qu'un récapitulatif de la carrière du criminologue Raufer, un effort de synthèse qui me permettait d'y voir plus clair sur certaines vérités cachées, dans l'entourage du pouvoir, portant aussi sur la mondialisation actuelle, mais dont les révélations, c'est le moins qu'on puisse dire, n'ont rien d'exclusif, puisque je cite des sources, principalement Charpier, dont l'ouvrage Génération Occident est une mine d'informations et mérite la gratitude du lecteur. Quelle n'est pas ma stupeur, ce matin, vers 10 heures 30, de constater que mon message a disparu de la consultation, mais aussi de ma mémoire blog, sur laquelle, en principe, je suis le seul à pouvoir entrer! Par ailleurs, impossible de consulter la mémoire de Google et les renvois à cette note. Malgré des tentatives répétées, le site Google Blog refuse obstinément d'afficher ce message, pourtant dûment référencé comme ayant été publié il y a 21 heures... Très intrigué, j'appelle un ami pour lui conter mes mésaventures. Bien entendu, une simple erreur de manipulation a pu survenir. Cependant, cette disparition avérée laisse place à des suspicions de possible et obscure manipulation, fort barbouzarde, par le truchement d'Internet. Je ne dispose d'aucune preuve et me garderai bien d'accuser qui que ce soit en la matière. Ne sombrons pas dans la paranoïa. Je me bornerai à observer que, si c'était le cas, je trouverais aberrant qu'une forme particulièrement insidieuse de police d'Internet régente la Toile, non pour débusquer les calomnies avérées, mais pour occulter les informations jugées dérangeantes. La liberté d'expression et de pensée sont les garanties de la démocratie. Que les erreurs éventuelles, y compris celles de bonne foi, comme ce serait mon cas si tant est qu'erreur soit, soient pointées du doigt, j'y suis tout à fait favorable, à condition qu'elles s'opèrent selon l'exercice de moyens sains, au premier rang desquels figure la réponse argumentée. Que je sache, le moyen du blog encourage expressément, du moins dans sa forme, le dialogue et la conversation. Il serait particulièrement malveillant, à ce titre, d'user de procédés caricaturaux (et bien connus des cabinets d'avocat) de harcèlement judiciaire pour bâillonner la liberté d'expression et de contestation, comme le malheureux Denis Robert l'expérimente dans l'affaire Clearstream (la première, la vraie), alors que la démocratie dans ses principes encourage la recherche de la vérité, de la bonne foi, de la réflexion. Ce sont les plus sûres armes pour contrer les pulsions totalitaires, soit la violence incontrôlée et le droit (curieux) du plus fort, dont l'impérialisme américain offre trop souvent une cruelle illustration hors de ses frontières et à l'encontre de populations faibles et démunies.

mardi 21 août 2007

Itinéraire 1

Dans une note précédente, Christian de Bongain, alias Xavier Raufer, indique que 99% des informations que je relaie sur son parcours sont fausses et sortent des poubelles d'Internet. Bien entendu, il ne prend jamais la peine de préciser les informations incriminées, ni de les corriger. La lecture de l'enquête de Charpier est malheureusement éloquente. Non seulement les faits que rapporte Charpier se trouvent en remarquable adéquation avec ceux que rapportent le site Voltaire ou l'encyclopédie Wikipédia, mais, bien plus, les éclaircissements supplémentaires qu'il administre vont au-delà de ce que je laissais entendre. Qu'on en juge.

- Raufer commence par refuser de répondre aux questions de Charpier (p. 12).
- Il participe à l'équipe de rédaction de la revue Occident-Université, créée en 1964 (p. 92).
- Il signe dans le numéro 14 sa première contribution (p. 111).
- A l'automne 1965, il participe à l'équipée sauvage qui, aux côtés de Madelin ou Devedjian, s'empare d'un camion et remonte la rue Soufflot "en scandant des slogans anticommunistes" (p. 116).
- Le 4 mai 1968, Raufer est, en compagnie de Madelin, Robert, Tandler et consorts, au Relais de l'Odéon, où les manifestations "bolchéviques" sont durement stigmatisées. Certains militants d'Occident soupçonnent leurs chefs, Madelin en tête, de mener en douce des "tractations avec le pouvoir" (p. 160-161).
- La dissolution d'Occident en 1968 amorce deux stratégies, qui probablement s'entrecroisent : d'un côté, les partisans de la continuité, qui se lancent dans la création de partis nationalistes; de l'autre, ceux qui migrent vers les milieux giscardiens et les CDR, partisans de la stratégie de "droitisation de la droite" (p. 173).
- Alors que dès 1968, Madelin rejoint la revue Est et Ouest sous le pseudonyme de Burgonde, Raufer devient le secrétaire général de l'IHS dans les années 1970 (p. 188).
- Dès l'automne 1968, Raufer collaborait à l'Elite européenne, en compagnie de Duprat ou Asselin, un journal "qui prône l'unité des nationalistes" au nom du solidarisme ou de l'OAS principalement (p. 204). Au passage, on apprend que le surnom de Raufer est Bonne Soupe.
- En 1969, Robert organise de nombreuses tables rondes, avec Susini, ancien chef de l'OAS, des anciens de l'Elite européenne, comme Raufer, d'Occident/Jeune Europe, comme Tandler, et même Albertini boulevard Haussmann. Le but? Fonder Ordre nouveau, "traduction littérale d'Ordine nuovo, le mouvement activiste néofasciste italien" (p. 218-219).
- Le 9 mars 1971, Raufer, qui a "pris du champ" avec ON, participe aux échauffourées épiques autour du palais des Sports de Versailles, qui opposent le SO d'ON aux cohortes gauchistes et antifascistes (p. 225).
- En 1974, Raufer est, en compagnie du capitaine Sergent ou d'Alain Madelin, un des conseillers d'Hubert Bassot, le "metteur en scène de la campagne de Giscard" et dirigeant des Républicains indépendants depuis 1968 (p. 246). Hubert Bassot rejoint l'OAS en 1961 et fonde le journal L'Esprit public, sur ordre de l'OAS-métropole, et dont la ligne est libérale, proaméricaine et anticommuniste. C'est celle des Indépendants et d'un certain Edmond Giscard d'Estaing, un des membres influents du comité France-Amérique (p. 244).
- En septembre 1973, Penciolelli, ancien d'ON, crée, avec Barnay notamment, SERVICE, structure commerciale réalisant des journaux d'agit-prop, qui s'adresse à certains cercles patronaux, au GRECE d'Alain de Benoist, à Est et Ouest ou au Centre d'études asiatiques de Xavier Raufer, "qui publie un petit bulletin à la gloire des activités culturelles de Taïwan". En 1974, SERVICE travaillera pour l'UDR (p. 249).
- En 1980, Raufer, délégué général l'IHS, bat le rappel des troupes en vue de l'élection présidentielle, en mettant en avant le rôle de l'IHS dans l'affaiblissement de la CGT et du PCF, mais aussi dans son exercice de lobbying auprès de jeunes parlementaires comme Madelin ou Longuet (p. 308-309).
- p. 290-291, à propos de l'assassinat de Duprat, dirigeant du FN, en mars 1978, Campana, dans l'Argent secret, écrit, en 1976 : "Le groupe Albertini, outre des subsides patronaux français reçus directement ou par le moyen de l'institut de formation de cadres qu'il a organisé, touche parfois des commissions sur des marchés passés avec Taïwan. Il y a peut-être là une trace de l'activité de la CIA en France."
- p. 310, on apprend qu'au début de l'année 1981, une fronde interne oppose, au sein de l'IHS, les pro-Giscard, comme Raufer et Madelin, et les anti, comme Tandler ou van Ghele, proches de Pasqua.
- Le 30 juin 1981, Raufer démissionne de l'IHS, suite à l'élection de Mitterrand, le 10 mai 1981. Certains pensent qu'il aurait été exclu pour "procommunisme", ce dont il est permis de douter. Un courrier adressé au Hoover Institute explique qu'il "a décidé de se consacrer à sa carrière" (p. 315).
- A la fin de l'année 1982 paraît le premier livre de Raufer, Terrorisme, maintenant la France. "Raufer débute une carrière de spécialiste qui (...) a mûri à l'IHS quand il étudiait les mouvements gauchistes et faisait des conférences devant les chefs d'entreprise ou les cadres." En juillet 1980, Raufer a publié dans Est et Ouest une étude documentaire sur l'éventuelle apparition d'un "Parti communiste combattant" en France. Dans le cadre de l'Institut Supérieur du Travail, il édite en 1980 deux textes, l'un : "Gauche/extrême gauche émergence d'un nouveau langage"; l'autre : "L'idéologie de la jeune génération (16-20 ans) à travers le contenu social et politique de la "rock-music d'expression française" (p. 325).
- p. 326 : en 1983, Raufer "n'est pas encore chargé de cours à l'Institut de criminologie de Paris-II et son ami Jean Chalvidan, ancien de l'Elite européenne, ne l'y a pas encore rejoint pour y devenir le spécialiste du terrorisme basque; il n'anime aucun séminaire, ne dirige aucune collection. Ce n'est pas l'expert en sécurité que l'on connaît. Il débute une carrière d'écrivain et de journaliste. Lors de la parution de son premier livre, il se plie aux exigences de la promotion et fait preuve, d'emblée, d'un réel éclectisme. Le 23 janvier 1983, il participe à une convention sur le terrorisme organisée par le Renouveau juif." (p. 326).
- p. 326-327 : "Pour Xavier Raufer, tout cela est du passé. Tout comme son militantisme à Occident et à L'Elite européenne. Certes, il ne s'est pas pour autant converti au marxisme... Et ses opinions sont encore solidement ancrées à droite. Un mois après la convention du Renouveau juif, il est invité au cercle Renaissance fondé par son ami Michel de Rostolan, un ancien d'Occident, et Philippe Asselin, l'indéboulonnable directeur d'Occident-Université auquel il a adhéré en 1970. Ce cercle se veut le point de conjonction entre la "vraie" et la "fausse" droite. Entre l'extrême droite et la droite parlementaire. Il prêche l'œcuménisme dans la ligne de l'Elite européenne à laquelle certains de ses membres ont appartenu. Mais on y trouve surtout des militants et des sympathisants du Front national. Raufer y sera l'invité unique d'un dîner-débat consacré à son livre."
- En 1983, Raufer rejoint Magazine-Hebdo, lancé par Lefèvre, un ancien de la FEN et du GRECE (p. 327).
- p. 326, on apprend en note qu'en "2003, Jean Chalvidan est chargé du secteur hispanique au département de recherche des menaces criminelles contemporaines, à l'Institut de criminologie de Paris-II Panthéon Assas", tout comme Raufer donc. Est-il besoin de rappeler que la Corpo de droit de Paris offrit de nombreuses facilités à Occident, grâce notamment à Claude Goasgen (p. 94), futur député de Démocratie Libérale et de l'UMP, dont Wikipédia nous apprend qu'"après des études au lycée Henri-IV, il rentre à la Faculté de droit de l'Université de Paris, qui deviendra après Mai 68 l'université Paris-II (Panthéon-Assas). Il fut notamment président de la Corpo d'Assas, une association estudiantine, et viscéralement hostile au totalitarisme communiste, dans un contexte de guerre froide, se lie d'amitiés avec d'autres étudiants en droit ou de sciences politiques comme Alain Madelin, Hervé Novelli, Patrick Devedjian, Gérard Longuet, membres alors du mouvement nationaliste d'extrême droite Occident."?

Grâce à sa fiche rédigée dans le réseau Voltaire, nous apprenons que Raufer :

- en 1970-71, collabore à Défense de l’Occident.
- en 1971, est membre du Conseil national d’Ordre nouveau et candidat de ce parti aux élections municipales dans le IXe arrondissement.
- anime notamment un Centre d’études asiatiques faisant affaire avec l’Association pour la promotion des échanges commerciaux et touristiques avec Taïwan (ASPECT). Cette association est alors perçue comme proche des services américains en charge des relations entre le patronat français et Formose.
- en 1973, adhère aux Républicains indépendants.
- en 1978, est permanent au Parti républicain (ex-Républicains indépendants).
- en 1979, entre à L’Express sous le pseudonyme de Xavier Raufer.
- en 1981-82, consultant pour la "cellule élyséenne".
- en 1984, selon Taguieff, organise des dîners-débats pour assurer la promotion de la Nouvelle droite.
- en 1986, selon René Monzat, il serait la personnalité anonyme interviewée comme Monsieur antirerrorisme de Charles Pasqua, dans la revue Eléments (n° 61, hiver 86) d’Alain de Benoit. Il aurait alors été analyste aux côtés de Jean-Charles Marchiani.
- en 1986, est membre correspondant du National Strategy Information Center (Washington). Donne un cours de criminologie à l’université de Georgestown.
- engagé aux Presses universitaires de France (PUF) par Pascal Gauchon (ex-PFNE), Xavier Raufer devient directeur de la collection Criminalités internationales.
- collabore au Figaro-Magazine et participe aux émissions de la station d’extrême droite Radio Courtoisie.

Enfin, dans les archives de l'INA, quatre apparitions de Raufer sont disponibles. Le téléspectateur qui suit ces diverses émissions pour s'informer découvre un expert remarquablement renseigné, au discours clair et pondéré, présenté comme journaliste ou criminologue, en tout cas un savant de haut niveau, qui dispense un savoir impartial et objectif. Qui se douterait que Raufer est le pseudonyme abritant le parcours tumultueux d'un homme qui n'est certainement pas spécialiste de terrorisme et de criminalité par hasard?

- Dans le Soir 3 de France 3 du 10/01/1988, Raufer intervient en tant que criminologue pour mettre en garde contre l'organisation tissée autour des militants d'Action Directe.
- Dans le Soir 3 de France 3 du 08/02/1991, Philippe de Saevsky reçoit un certain Xavier Raufer de l'Express au sujet d'un dossier consacré aux mouvements islamistes dans le monde et à Saddam Hussein.
- Sur le plateau de Midi 2 d'Antenne 2 du 18/08/1994, Raufer est invité suite à l'enquête très fouillée qu'il a réalisée sur le terroriste Carlos dans le dernier numéro de l'Express. Il est présenté comme un journaliste de l'Express. Raufer aborde aussi les liens entre Carlos et l'avocat Vergès. Le présentateur explique que Raufer a eu l'occasion de consulter certains documents de la Stasi.
- Dans le 20 heures d'Antenne 2 du 19/01/2002, Raufer intervient, lors d'un reportage consacré à une nouvelle forme de braquage qui a recours à des voitures bélier pour défoncer les devantures des bijouteries attaquées. En tant que criminologue, il dénonce l'inadaptation des moyens policiers aux nouvelles méthodes violentes du grand banditisme.
- Lors de l'émission Mots croisés du 27/05/2002, diffusée sur Antenne 2 et consacrée à la menace terroriste en Europe, Xavier Raufer est consulté par la présentatrice Arlette Chabot en tant que professeur de criminologie. A ses côtés, Gilles Kepel, professeur de Sciences politiques; Thérèse Delpech, chercheur CERI; Gérard Chaland, géostratège. En duplex de Washington, Laurent Murawiec, analyste politique Rand Corporation, fait le point sur la situation aux États-Unis, sur les craintes liées aux armes chimiques et bactériologiques, sur une éventuelle intervention américaine en Irak pour renverser le régime de Saddam Hussein.
(- Selon Wikipédia "Thérèse Delpech est une ancienne élève de l'École normale supérieure, agrégée de philosophie. Elle a occupé le poste de conseillère auprès du Premier ministre pendant deux ans. Elle fait également partie du comité éditorial de l'édition française du magazine Foreign Policy, dont le premier numéro est sorti en septembre 2006. Elle est directeur des Affaires stratégiques au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) depuis 1997. Elle est chercheur associé au Centre d'études et de recherches internationales (CERI), membre du conseil de direction de l'Institut international d'études stratégiques, un think tank de recherches géostratégiques basé à Londres, et membre du comité consultatif pour l'Europe de la Rand Corporation. Elle a été invitée au Bilderberg en mai 2005."
- Selon le réseau Voltaire, "ancien conseiller de Lyndon LaRouche et de Jean-Pierre Chevènement, Laurent Murawiec a brusquement changé d’options politiques pour rejoindre la Rand Corporation. Le 10 juillet 2002, il présenta ses travaux devant le Defence Policy Board, à l’invitation de Richard Perle, et préconisa le renversement des Saoud en Arabie et l’anéantissement de l’islam. Il est aujourd’hui chercheur au Hudson Institute de Washington, un think thank dont Richard Perle est administrateur. Il est l’auteur notamment de La Guerre au XXIe siècle et de L’Esprit des nations.")

Bien entendu, des erreurs factuelles ont pu se glisser parmi ces sources. Cependant, le moins qu'on puisse oser, c'est que les informations glanées sur la Toile et surtout dans l'ouvrage de Charpier sont concordantes et assez inquiétantes. Elles révèlent, dans le parcours de Raufer, du nationalisme le plus virulent jusqu'à la chaire de criminologue et de consultant, un point commun avec, par exemple, le parcours vers l'ultralibéralisme d'Alain Madelin, un proche de Raufer (du moins dans les années 1970) : Raufer exprime la nécessité sécuritaire qu'exige tout programme élitiste (l'inégalitarisme engendrant la montée de l'insécurité, singulièrement des violences extrêmes et gratuites, notamment chez les jeunes) et le fait que ce souci sécuritaire majeur s'associe étroitement avec la préoccupation d'ordre atlantiste ou pro-américain, dont on trouve les traces chez nombre d'anciens nationalistes passés avec armes et bagages à l'ultralibéralisme. Il est vrai que les Américains les premiers ont subi les stigmates de l'insécurité liée à l'ultralibéralisme et ont développé les premières campagnes ultrasécuritaires, dont la sévérité n'a d'égal que l'élitisme qu'elles cautionnent. Inutile d'ajouter que, dans ce parcours, comme dans celui de nombreux anciens militants nationalistes ralliés à la droite démocratique (VGE, Pasqua, Chirac, les RI, DL, PR, RPR, CNIP, UNI, UMP...) plane l'ombre des services secrets français (RG, DST, SDECE/DGSE, voire SAC, qui n'est pas un service secret, mais la police parallèle gaulliste) et américains (CIA).

lundi 20 août 2007

Fous ta Cagoule!

Si le cheminement des nationalistes vers l'ultralibéralisme s'explique par le commun dénominateur de l'élitisme (travesti en liberté dans le cas de l'ultralibéralisme), la présence de faux progressistes dans les rangs du progressisme libéral de type néo-socialiste pourrait sembler un mystère insondable. Il n'en est rien. Je rappellerai aux oreilles des distraits que le parcours du progressiste à succès par excellence, l'inénarrable Mitterrand, révèle, à mesure que sa disparition libère l'espace historique de la vérité, que sa perversité insondable, du moins dans l'immédiat, s'accompagnait de nombreux relais dans l'extrême-droite française. Je n'invoquerai que le parcours du jeune Mitterrand aux abords de la Cagoule et de Vichy, avant que le Président de la République fasse preuve de mansuétude à l'égard de Bousquet et accueille parmi ses proches conseillers d'étranges socialistes élyséens. Comment se fait-il que l'élitisme se travestisse aussi fréquemment et aisément en revendication de progressisme politique et de libéralisme modéré? Les progressistes libéraux jouent le rôle de réformateurs apparents du système inégal et injuste. En réalité, leur noble quête de justice sociale n'est que le paravent illusoire qui conforte insidieusement l'avancée du système stipendié, pour la simple et bonne raison que ces réformateurs n'ont aucun alternative viable en pratique à opposer. Le génie du système consiste à éclater ses voix, à les rendre divergentes comme les têtes d'une même hydre et à investir le champ de l'opposition. Si l'opposition au système se révèle l'allié objectif du système, l'opposition n'est que la voix faussement discordante confortant l'emprise du système sur le champ politique. De la même manière qu'un avocat aux ordres de l'accusation servira l'accusation, et nullement l'accusé qu'il prétend défendre, une opposition privée d'alternative viable au système dominant servira la cause du dit système. Plus elle s'excitera contre lui et plus elle parviendra aux fins qu'elle dénonce avec vigueur, véhémence et indignation. Comprend-on maintenant certains parcours progressistes aussi injustifiables que suspects (et je vise au premier rang celui de Mitterrand et de sa clique de gauchistes caviar)? Le partisan retors du système investit le camp de la fausse alternative pour mieux oeuvrer à l'avancée du camp qu'il soutient insidieusement. En l'occurrence, l'ancien partisan de la Cagoule ne s'est pas trompé en prenant ouvertement la défroque du socialiste militant : c'était le plus sûr moyen de favoriser les desseins de l'élitisme d'après-guerre et de contrecarrer le vrai antilibéral français, je ne pense pas à Marchais, mais à - de Gaulle.

L'allié objectif du système

De la même manière que l'altermondialisme conforte l'ultralibéralisme, du fait que l'autre monde n'est précisément pas de ce monde-ci, les alternatives progressistes n'ont pas de pertinence si elles prétendent seulement incarner la version soft du libéralisme et tempérer les écarts extrémistes de l'ultralibéralisme. Dans un système rigide qui conduit vers un chemin unique, l'ultralibéralisme comme ligne de mire, les alternatives non viables ne sont jamais que des travestissements au profit de ce système. Si seules les alternatives aberrantes sont opposées au système opérant, celui-ci en sort paradoxalement, mais logiquement, conforté. Quant aux solutions douces, elles ne fonctionnent qu'aux marges de l'empire. Le reste du temps, elles servent surtout à faire passer en douce les aspects inacceptables du libéralisme en atténuant par certaines potions une cuisine jugée trop élitiste et amère par l'ensemble de la population, qui plus est dans les démocraties, où la voix du plus grand nombre mérite d'être entendue. Rien d'étonnant donc au désespoir qui envahit peu à peu les électeurs des démocraties, qui, loin d'être privilégiés, peuvent s'estimer trahis : ils se rendent compte que le programme des progressistes ne constitue pas une alternative plus juste et un rempart au programme conservateur - seulement l'adoucissement et l'inflexion d'une ligne directrice qui suppose ses alternances progressistes pour maintenir le cap libéral. A l'intérieur du libéralisme, les moments de progressisme libéral servent surtout à conforter l'évolution vers le libéralisme. Ils participent autant à ce cheminement que les moments conservateurs. Le vrai progressisme tient dans la quête d'alternatives viables au système, qui existent à n'en pas douter et qui ne se résument certainement pas aux potions néo-marxistes, comme si le marxisme inapplicable avait encore un avenir politique. La plus ingénieuse ruse du système consiste à prétendre que la fin de l'homme tient toute entière dans l'horizon du libéralisme et que l'homme n'a qu'à se résigner à l'évolution prévisible : au nom de la liberté et de la démocratie, les pérégrinations de la mondialisation néo-libérale mèneront l'humanité tout droit vers l'élitisme, l'inégalitarisme viscéral, le totalitarisme travesti et les promesses de lendemains qui chantent. Faux.

La mort dans l'âme

Le propre de la télévision étant de dresser l'apologie sans frein de l'Hyperréel, rien de surprenant à ce que cette même télévision soit l'outil de représentation et de prédilection du direct et de la nullité aggravée à chaque épisode. Le direct se prétend comme l'acmé de la vérité, le privilège consistant à capter le réel dans son immédiateté et sa première apparence; le propre de l'Hyperréel est de dispenser une ontologie du Même débarrassée de l'autre, monde dans lequel l'effort joue le rôle de différence et de différenciation insupportable et inacceptable. Il est tout à fait logique que dans ce monde, le refus de l'effort joue comme revendication de l'éternelle répétition et accession au monde de l'idéal et de la perfection. Le monde du Même suppose la médiocrité et l'éternelle répétition suppose la déchéance vers la décadence. La télévision est bien le médium jouant à plein son rôle de révélateur de l'époque, de prophète vaguement fou du roi (détrôné) annonçant l'ère nouvelle de l'Hyperréel. Il n'est pourtant pas certain que ce combat soit gagné d'avance. A en juger par l'ire grandissante qui gagnent les téléspectateurs à mesure qu'ils subissent les programmes de télévision, un message d'espoir mérite d'être dispensé. S'il est malheureusement de l'ordre du constat de vérifier que nombre d'aspirations humaines mènent à l'Hyperréel, il est tout aussi évident que l'homme n'est pas enclin à supporter cet état de fait qui mène à sa disparition prochaine. L'homme n'est heureusement et nullement disposé à consentir les bras croisés à ce que le monde de l'homme, son monde, recouvre, de son ombre et de sa puissance tutélaires, le réel. L'entreprise actuelle, qui vise à dénier le réel et à le remplacer par l'Hyperréel niais et falot, avec plus de pertes que de profits, est ainsi condamné à l'échec. En tant que héraut consommé de la consommation forcenée, la télévision envoie une première salve de sommation : c'est le monde de l'Hyperréel qui va s'écrouler, c'est le monde de l'homme dans son configuration actuelle qui court à sa perte et à sa fin, gare! Le réel, lui, est indestructible et il est disposé pour de nombreuses années encore à accueillir l'homme, à condition bien entendu qu'il ne faillisse pas sur ses devoirs élémentaires, à commencer par la reconnaissance de l'effort comme garantie de pérennité et sur l'adoubement de la différence comme complément et prolongement naturels de la répétition.

dimanche 19 août 2007

The Clash

Il me semble que nombre de faucons de par le monde, vrais néoconservateurs transis de ligne atlantiste, ne sont pas loin de considérer que Samuel Huntington est un penseur considérable pour avoir théorisé, dans un article fameux, le choc des civilisations. Qui est Huntington? Ecoutons Wikipédia. "Le Choc des civilisations est issu d'un article, The Clash of Civilizations? publié à l'été 1993 par la revue Foreign Affairs. Il est inspiré d'un ouvrage de l'historien français Fernand Braudel, Grammaire des civilisations, 1987.
The clash of civilizations a permis à Samuel Huntington d'accéder à la notoriété. Cet article est ensuite devenu un livre. L'événement du 11 septembre a précipité sa vision géopolitique sur le devant de la scène, ainsi que les avis de ses détracteurs.
D'après lui, les relations internationales vont désormais s'inscrire dans un nouveau contexte. Dans un premier temps, les guerres avaient lieu entre les princes qui voulaient étendre leur pouvoir, puis elles ont eu lieu entre états-nations constitués, et ce jusqu'à la première guerre mondiale.
Puis la révolution russe de 1917 a imposé un bouleversement sans précédent, en ce qu'elle promût une idéologie.
Ainsi dès ce moment, les causes de conflits ont cessé d'être uniquement géopolitiques, liées à la conquête et au pouvoir pour devenir idéologiques. Cette vision des relations internationales trouve son point d'aboutissement dans la Guerre Froide, en ce qu'elle constitue l'affrontement de deux modèles de sociétés.
Cependant, la fin de la guerre froide marque à nouveau un tournant dans les relations internationales.
Huntington nous dit qu'il faut désormais penser les conflits en termes non plus idéologiques mais culturels.
En effet, les opinions publiques et les dirigeants seraient nettement plus enclins à soutenir ou à coopérer avec un pays, une organisation proche culturellement.
Le monde se retrouverait alors bientôt confronté à un Choc des Civilisations, c’est-à-dire une concurrence plus ou moins pacifiques à des conflits plus ou moins larvés, tels ceux de la Guerre Froide, entre blocs civilisationnels.
En décryptant les prémices du Choc des Civilisations qu'il croit reconnaitre dans des conflits locaux comme ceux des Balkans des années 1990, Samuel Huntington donne des lignes de conduite pour éviter les conflits majeurs.
Ainsi il recommande aux puissances dominantes de chaque bloc un strict respect des zones d'influence. Ce qui signifie que les puissances majeures s'interdisent d'intervenir à l'extérieur de leur zone civilisationnelle." Huntington n'est pas seulement le théoricien des proches de W., il est aussi celui qui exprime à l'heure actuelle au plus près, et sans fard, la doxa ultralibérale quand elle ne se soucie plus d'apparaître comme une théorie de la mondialisation démocratique et économique. La liberté est le cheval de Troie du nationalisme civilisationnel et de l'hégémonie occidentale. Où l'on en revient, sinon à nos moutons, du moins à nos nationalistes d'Occident, qui n'ont jamais été aussi proches de leur sobriquet groupusculaire. Car leur itinéraire du néo-fascisme vers l'ultralibéralisme sécuritaire s'éclaire soudain. Il suffit d'écouter Huntington pour comprendre sa proximité, je n'ose dire sa parenté, avec l'itinéraire d'un Madelin, d'un Robert ou d'un Raufer.

Telle mère, telle fille!

Episode 5.

Arrive ce qui doit arriver. Le fils a trouvé un motif dérisoire de s'en prendre au confident. Celui-ci n'a rien vu venir. Dans une scène hystérique inquiétante, le fils éructe de folie furieuse et le menace. A vrai dire, le confident depuis quelque temps déjà était lassé par le parcours stérile du fils. S'il voulait se brûler les ailes avec l'Aziza, il n'avait qu'à poursuivre en solitaire son jeu de massacres! S'encanailler chez la faune délurée et navrante des pédants dont la fin ultime est de jouir, c'est-à-dire de tirer son coup une Heineken à la main! La fille et la mère se rangent comme un seul homme du côté du fils. La famille avant toute chose! Après tout, le confident faisait trop la fête, un ami est un ami, un parent, un parent. Et puis, il n'a qu'à régler ses problèmes lui-même, elles n'ont rien à voir dans tout ce qui arrive. Fermer les yeux sur les haines qu'on suscite est l'une des règles fondamentales de la manipulation. La mère et la fille n'ont pas eu besoin de se concerter pour en arriver aux mêmes conclusions : le fils est une branche pourrie qu'il convient de soutenir jusqu'à ce qu'il acquiert son indépendance. Si elles ne sont pas dupes de sa folie de raté congénital, elles refusent d'en assumer la responsabilité et se délectent du petit jeu de coqs qu'elles sentent venir. En douce, elles paieraient pour assister à un combat de chiens enragés. Le problème? Le confident n'a pas la rage. Abasourdi par le déchaînement pervers du trio familial, il comprend que le mieux est de s'éloigner sans se plaindre, ni faire d'histoires. Subitement, le fils n'est plus d'accord : il voulait bien péter les plombs et causer des esclandres sans fin, il refuse l'idée de rupture. Après tout, sa position est des plus précaires : plus personne ne veut lui parler et l'Aziza se joue de plus en plus de sa pomme. Sa famille lui tournera le dos dès qu'il aura réalisé son sacrifice blanc. Il n'a jamais eu aucune chance avec elles, ce n'est pas maintenant que les choses changeront. Il décide de forcer le confident à demeurer dans le cercle de ses amis en se mettant à fréquenter les amis du confident. Admirable logique de demeuré! Brutale projection de pervers reprochant à autrui ce qu'il est lui-même! Tu es mon double, tu dois accepter d'être mon sacrifice. Je n'ai fait que commencer, patiente au moins jusqu'à la fin du rite. Malgré l'abyssale complexité du jeu qu'il a initié et qui devait le laisser vainqueur adoubé, le fils n'a pas de chance, le confident est trop fort pour se laisser faire. Ce n'est pas le fils qui le déstabilisera. La mère et la fille pensaient que le confident s'en sortirait à peu de frais, et quelques plumes en moins, en jouant la partition frelatée qu'elle lui destinait. Las! tous se sont mépris sur sa véritable identité. Personne n'a compris de quel bois il se chauffait. Lui-même n'a rien décidé. Il est de la race des émissaires, pas des boucs. Seule la mort le renversera. Au moins en a-t-il accepté l'augure tragique.

Telle mère, telle fille!

Episode 4.

Arrive ce qui doit arriver. Le confident, à force d'écouter le fils, est devenu son double mimétique. Le fils finit par s'identifier à un point tel à lui qu'il ne peut que l'éliminer - ou se suicider. Il opte pour la première solution. La fille et la mère, qui n'ont fait jusqu'à présent qu'encourager le confident dans son rôle de confident, se rendent compte qu'elles disposent d'une occasion unique de détourner le fils de la haine et de la hargne qu'il leur témoigne. Le fils ne rêve que de se venger de sa mère et du mauvais sort qu'elle lui a fait. Il l'insulte, il lui envoie des verres à la gueule, il la couvre d'imprécations et de noms d'oiseaux, dans des scènes sordides, qu'il est préférable de ne pas rapporter. Il faut comprendre. Le fils est un être humain, doté d'orgueil et d'amour-propre. Comment accepterait-il d'être le misérable et raté avorton, quand sa soeur, cette pimbêche comédienne, incarne le triomphe de la réussite intellectuelle à la sauce bourgeoise, l'arrivisme mimétique et moutonnier? Décidément, le confident occupe la position rare et bénie, presque élue des dieux du bouc émissaire idéal. Le fils n'a qu'à détourner sa rage contre lui, la famille retrouvera un brin de quiétude et d'harmonie. La mère et la fille encouragent de manière insidieuse le fils à s'en prendre au confident sous un prétexte aussi dérisoire que grotesque. Du coup, en pourchassant de sa vindicte accablée son double, le fils parvient à un résultat positif : au lieu de fuir sa condition de raté, il l'accepte et l'affronte. Désormais, au lieu de vivoter aux frais de la princesse, ou plutôt de sa mère excédée, il sera pompier. Au lieu d'être le pyromane masochiste de sa propre vie, il sera le pyromane de son coeur dévasté. Il ne pratiquera plus la politique de la terre brûlée. Le fils s'en sortira en passant de l'image fallacieuse de comédien bohème à celle de médiocre. Il se met à traîner avec des pauvres hères de sa nouvelle classe d'élection tardive, des commerciaux et des hâbleurs qui se targuent de destins de séducteurs glorieux et de fêtards bachiques. Le fils a compris qu'il n'obtiendrait le premier rang qu'en rétrogradant vers les cieux de la petite-bourgeoisie anti-intellectuelle et sauvagement capitaliste. Pour parvenir à ses fins, pour acquérir enfin une identité, il ne lui reste plus qu'à perpétrer son meurtre symbolique, la destruction hystérique de ce double qu'il destine, non pas tant à la destruction qu'à la domination. Le fils accepte certes d'avoir un frère, surtout qu'il est intelligent, mais à condition que ce soit lui le chef. Et tant pis si le chef se révèle médiocre, inconséquent, pervers et déséquilibré.

Palais Honmè

A Porto-Novo, le palais Honmé est le vestige des rois qui, depuis Abomé, conquirent le royaume de la future capitale des colons, la bien-nommée Porto-Novo. Le palais est en piteux état, mais sa visite est des plus instructives. L'extrême codification qui régente le moindre des faits et gestes du palais montre, s'il en était besoin, le soin fort poussé qu'accordent les monarques à la reconnaissance de leur pouvoir - condition sine qua non à sa pérennité. A un moment de l'instructive visite, dispensé par le directeur du musée en personne, nous tombons sur un canon, vestige de l'époque esclavagiste. Je demande au directeur de nous expliquer la présence de ce canon en ces lieux typiques de la puissance africaine. Sa réponse est parfaitement claire : les rois de Xogbonou étaient, à l'instar des autres dynasties royales de la région, notamment d'Abomey, des esclavagistes, qui usaient de ce moyen pour s'enrichir en revendant les captifs des autres royaumes et qui se félicitaient de ce moyen ingénieux d'affaiblir leurs rivaux de toujours. Comme l'enseigne Pétré-Grenouilleau, les traites négrières sont complexes et plurielles (elles ne sont pas l'apanage des méchants Blancs). Loin d'être des génocides, ce sont d'horribles et tragiques crimes contre l'humanité de facture mercantile (c'est le cas de le dire), qui associent, dans un lien complexe, pervers et indéfectible, l'Afrique, l'Orient et l'Occident. Cette visite aurait sans doute constitué un scandale insoutenable pour tous les nationalistes et frustrés africains qui rêvent, le plus souvent en Occident et en France, de préférence le plus loin possible de l'Afrique, de réécrire l'histoire à l'aune d'un manichéisme raciste, où les Noirs jouent le rôle de consternants gentils, quand les Blancs incarnent les diaboliques créatures imbues de leur puissance technologique.

Nouvel ordre

Ordre Nouveau voit le jour en 1969, dans la foulée de la dissolution d'Occident. Ce mouvement est la traduction littérale d'Ordine nuovo, mouvement néofasciste italien. Immédiatement, les nationalistes militants qui affluent sont cornaqués par tous les groupes de pression et infiltrés par toutes les centrales de renseignements qui trouvent un intérêt à ce genre de groupuscules. C'est le cas de Susini, ancien chef de l'OAS, mais aussi d'Albertini. On retrouve également l'ombre de Pasqua, de l'UDR et du SAC, la police parallèle gaulliste. Pas seulement : les RG sont très présents dans l'entourage des nationalistes. Quand, en 1973, Ordre Nouveau est dissout, après de multiples manifestations de violences extrêmes, le moins qu'on puisse dire est qu'il a trempé dans de nombreuses manipulations politiciennes et qu'il est en cheville avec toutes les entreprises de récupération du nationalisme à des fins barbouzardes. Il a principalement servi aux campagnes politiques à droite et à la lutte contre le communisme. Sous prétexte d'efficacité, tous les moyens sont bons, y compris de fermer les yeux sur les messages fascistes, xénophobes, racistes que dispensent les milieux nationalistes et les revues financées par des mécènes aux intentions troubles, au premier rang desquels on retrouve le patron d'Est et Ouest, Albertini. Tiens, tiens... C'est ainsi que le dirigeant d'Ordre Nouveau, Robert, futur proche de Pasqua et Pandraud, s'est dès le départ de son aventure associé aux dirigeants de Jeune Europe, comme Tandler, mais aussi aux éminences grises de l'Elite européenne, Raufer ou Asselin. Dans tout ce salmigondis, c'est, là encore, l'appellation d'Ordre Nouveau que je retiens. Non que l'ordre nouveau en question ait correspondu à un fantasmatique fascisme ou néo-fascisme en terre démocratique (ou néo-démocratique). Non, l'ordre nouveau auquel parviendront les militants de la cause nationaliste sera le nationalisme nouveau, le nationalisme de type mondialisé et économique, sous la bannière tutélaire des États-Unis d'Amérique, principale puissance défendant la civilisation occidentale des dérives tiers-mondistes. Il se pourrait même, sans trop forcer le trait, que la babelisation actuelle du monde en globalisation ou mondialisation, sous couvert de libéralisme et d'accroissement de la liberté et de la démocratie, ne soit jamais que le règne des ultras, ultranationalistes travestis de façon cohérente en ultralibéraux, mainmise du capitalisme occidental sur le monde de l'homme, reconversion stratégique du colonialisme politique caduc en néocolonialisme économique viable. Du moins sur le (très) court terme.