dimanche 28 octobre 2007

La tyrannie du direct

L'accélération du rythme de la vie, l'hégémonie de l'événementiel s'expliquent par le besoin de combler la réduction de l'apparence par la surabondance de l'ordre sensible. D'où le caractère trépidant du direct et des informations.

vendredi 26 octobre 2007

Chaos

Sans le principe du fantasme, le réel est menacé par le chaos.

Réglementarisme

Le terme de réglementarisme est merveilleux. Le vocable qui prétend définir et revendiquer la libération et la vraie liberté se dénomme réglementarisme. Pourtant, réglementer, c'est légiférer. Autrement dit, le système qui dérégule revendique le réglementarisme. Le système qui légifère et entérine la possibilité de vendre ou de louer son corps n'est libération que dans la mesure où il limite. Décidément, la liberté ne se dépêtre pas de la limite. Curieuse manière que de prétendre apporter la libération en nommant ce processus réglementarisme. Curieuse et paradoxale manière. Car la profondeur du paradoxe tient à la limite qu'instaure le réglementarisme. Le réglementarisme revient à instaurer la règle de l'Hyperréel. Comme son nom l'indique, le réglementarisme légifère, légitime et limite - quoi au juste? L'absence de limites comme reconnaissance de la limite n'est autre que la transposition de la limite à l'Hyperréel. La libération de la limite comme suppression idéale de la limite signale que la limite, pour être nulle part, est partout. Système même de l'archétype le plus proche de l'anéantissement. Voilà qui a au moins le mérite d'être clair.

(L)Imitation

Le fantasme est le moyen pour l'homme de (dé)limiter sa puissance.

Fantasthme

Quand le fantasme se réalise, le réel se fait fantasme.

jeudi 25 octobre 2007

Sweet fantasme

J'écoute Robbe-Grillet dans Ce soir ou jamais. Robbe-Grillet s'élève vigoureusement contre les censeurs moralistes qui prétendent interdire les fantasmes les plus inavouables, en tout cas les régenter et les censurer. Robbe-Grillet aborde notamment les rapports de l'écriture et de l'imaginaire et explique que le propre du fantasme étant de ne pas se réaliser, le rôle du fantasme est d'agir comme un filtre, une catharsis contre le passage à l'acte. C'est sans doute une thèse grossière, mais je serais assez d'accord avec cet écrivain fort moyen (et fort ennuyeux surtout) s'il précisait peut-être que le fantasme est si complexe qu'il ne saurait se limiter à une catharsis de pure défense, ce qu'Aristote ne stipule au demeurant jamais. Il est certain que la censure de l'expression littéraire correspond à un moralisme obvie, à condition qu'une petite précision, capitale, soit apportée : dire prémunit d'agir si et seulement si l'esthétique qui sous-tend l'entreprise littéraire et/ou fantasmatique affirme la séparation de la représentation et de la réalisation. Car une chose est d'énoncer que la littérature est aussi le règne de la pure liberté (et que la perversion imaginaire n'est pas de la perversion, par définition), une autre est de rappeler que le propre d'une certaine autofiction, ou d'écrits autobiographiques ambigus, est de gommer la différence essentielle entre représentation et réel. Je pense à tous ces journaux dont le propre est de glorifier la pédophilie ou de narrer par le menu des expériences sexuelles engageant des personnes réelles. Alors, certes, la relation de ces expériences est très souvent hyperbolique, mais il n'empêche. Le dérapage se situe précisément à cet endroit, dans le lieu de la confusion qui se prétend aussi défense et apologie de la liberté échevelée et absolue. Est-ce parce qu'il oublie ce détail que Robbe-Grillet passe à côté de l'essentiel? En tout cas, si la littérature n'a pas pour fin, ni ambition, de prévenir les actions perverses (et criminelles), elle vaut mieux que le vrai moralisme de l'époque : non d'empêcher l'expression quelle qu'elle soit, mais de défendre le principe de la liberté sans limite.

lundi 22 octobre 2007

Il faut souffrir pour être pot

Curieux penchant que le penchant pour la souffrance. Curieux, quoique plus répandu qu'on ne pense. Je ne vise pas seulement les adeptes du sado-masochisme au sens strict ou de leurs imitateurs édulcorés. Je constate que les valeurs pornographiques sont tout à fait répandues et qu'elles prônent le culte de la souffrance comme quête du plaisir. Ce n'est bien entendu pas le hasard qui aboutit à cette apologie. L'esprit du système a d'autant plus interdit la pornographie qu'il en organisait la célébration insidieuse et métastasée. De quelle souffrance parle-t-on? La souffrance n'est certes pas le fait exclusif de la pornographie, tant s'en faut. Loin d'être une création de la pornographie, ce serait plutôt la pornographie qui serait sa créature torve et difforme. Au départ, l'existence sait que la souffrance est sa compagne intime et indicible. La souffrance est d'ordinaire couplée à la différence en ce qu'elle permet une transformation de la violence en énergie positive pour l'homme. Lorsqu'elle possède ce statut, la souffrance sert la perpétuation de l'existence. La souffrance devient destruction pure, soit apologie du plaisir en souffrance, quand elle est séparée de la différence. Le dopage permet la transformation de la souffrance en acceptation de sa réalité positive - quand l'atavique transformation supposait l'évolution de la destruction vers la création. La représentation pornographique résulte précisément de ce télescopage (dans tous les sens du terme, et plutôt dans ses termes violents) entre le réel et la représentation. Dans tous les cas, la souffrance n'est plus l'objet d'une réelle médiation, elle est nue, bref elle est crue. Plus une star du X est nue, plus elle attise la souffrance. Qui l'eût cru?

vendredi 19 octobre 2007

Hypernotes

Quelques notes sur l'Hyperréel :

- rendre l'apparence immédiate absolu réel;
- fonder l'Hyperréel sur le mensonge de la Surpuissance et du Surhomme en tant qu'éloge de l'ordre sensible représenté comme l'absolu;
- cacher la destruction que suppose la réduction ontologique;
- l'inversion du fond/forme dans l'Hyperréel/réel;
- l'Etre s'incarne dans le sensible;
- l'apparence est niée au profit d'une ontologie uniciste.

Au final, cette conclusion : les sportifs mentent, les pornographes mentent... J'ajouterais : les élites mentent par attraction ontologique, à l'insu de leur plein gré - comme dirait l'autre. Pour eux, l'Hyperréel est parfait, le réel est un fantasme. Rien d'étonnant au final que ces tristes sires, ces engeances de mort, ces systèmes de nihilisme ambulants nous entraînent insensiblement vers l'accélération de la destruction. Autrement dit : l'ordre se délite et augmente la cadence de sa violence en croyant remédier au désordre quand il accélère encore le processus mortifère. Le sens mène-t-il vers l'impasse? Quand une porte est fermée, maintes autres sont ouvertes!

dimanche 14 octobre 2007

Au diable ne plaise

On comprend que le nihiliste accorde une si grande valeur au plaisir. Car faire du plaisir le sens de son existence revient en fait à rapprocher de façon profonde le sens et les sens. Plus exactement : à énoncer que le sens s'obtient par l'action des sens. Le plaisir n'est-il pas le sens que l'on déduit des sens? Or les sens ne donnent sens que dans la mesure où ils induisent dans l'exercice de définition un supplément de réalité qui transcende la définition elle-même. Tout objet fini, et l'on dit bien objet de définition, et non sujet, contient le principe de sa transformation/perpétuation, en ce que ce principe est dépassé de toutes parts par l'élément de perpétuation. Les sens donnent sens dans la mesure où ils ne délimitent que temporairement, où ils ne savent que trop que la délimitation contient et implique son dépassement. Faire des sens le critère du jugement moral (j'ai du plaisir=c'est bien) n'exprime pas seulement la tartufferie du moralisme qui ne veut pas dire son nom; c'est aussi opérer la réduction ontologique par excellence, qui affirme sans ambages (ou toute honte bue) que le plaisir est la fin de l'activité et que l'activité n'est jamais que de servir le plaisir. Au nom d'Aristote, j'ose donc ce rappel insistant : le plaisir sanctionne tout rapport avec la différence/destruction, que celle-ci penche du côté de la perpétuation ou de l'anéantissement. Comment établir la distinction entre le plaisir qui perpétue et le plaisir qui, pair, paie/tue? C'est assez simple : le plaisir qui suit les sens et indique le sens est au service de la perpétuation (différence/destruction); le plaisir trahit les sens et le sens quand il se pose en essence de l'existence et en finalité du sens. On ne vit pas pour jouir, on jouit pour vivre. C'est la notable différence avec l'appétit gustatif et le principe de digestion - et c'est en quoi Molière avait si bien raison.

samedi 13 octobre 2007

Pré carré

La poursuite de l'intensité et de la puissance telle qu'elle se signale chez l'homme prétendant au Surhomme explique sa revendication et son apologie par les thuriféraires et les esclaves du système de l'Hyperréel. La définition de la puissance ramène invinciblement au pré carré de l'intensité. Qu'est-ce qu'évoque le pré carré sinon la clôture, et même l'évidence de la limitation comme habitude et coutume trop éprouvée? L'intensité s'éprouve dans la délimitation, dans la clôture de l'espace fini. La jouissance de l'actrice porno, qu'elle revendique comme une preuve de sa supériorité ontologique, vient de la domination que, même dominée, elle exerce sur le réel. Les partisans du système dominant réussissant ce tour de force qui consiste à définir le réel, l'intensité qu'il tire de cette faculté de définition, dans l'immédiat et l'apparent clinquant, en tant que ce qui se limite à l'ordre et se définit selon l'ordre dans la mesure où l'ordre équivaudrait à l'absence de limites. L'ordre, c'est la dérégulation, slogan trop connu des ultralibéraux. La meilleure définition est encore l'absence de définition. Derrière cette résolution perverse, perverse en ce que la résolution résout d'autant plus qu'elle ne résout rien du tout, l'Actrice porno en tant qu'archétype ontologique (Ovidie, Katsuni et Compagnie) ressent les bénéfices de cette limitation sans se rendre compte qu'elle contracte le pacte faustien par excellence et qu'elle vend son existence pour prix d'un peu de représentation et de certitude. Le plaisir de l'intensité? Le plaisir de la certitude. Le plaisir des sens n'est jamais que le plaisir de la définition. D'ailleurs, la plus pertinente définition de la puissance que je connaisse tient justement à l'exercice de la définition. La puissance réside dans l'art de la définition. Délimitez - et vous jouirez. La plus grande intensité s'obtient quand l'affirmation de la libération comme absence de limites coïncide avec la limitation du réel à l'ordre pur. Les entraves de la limitation se ressentent quand le réel est présenté comme purement constitué d'ordre. Homogène, le réel n'a pas besoin d'être délimité. Le plaisir signale seulement cette reconnaissance de l'ordre et de l'ordonnation. C'est dire que l'intensité du plaisir dissimule en son sein un piège redoutable : le fait de croire que l'abolition des différences conduit au Souverain Bien en ce que celui-ci peut être défini et procède de l'ordre. Sans la différence, le Même est mortifère en ce qu'il exprime la dépréciation, puis l'anéantissement. Le danger du plaisir, c'est qu'il signale indifféremment toute distinction du Même. Or le Même destructeur ressemble à s'y méprendre à l'autre Même, son alter ego, celui qui contient la différence, c'est-à-dire celui qui ne sait que trop la vérité : le Même est dans l'autre. C'est ce qu'il faudra expliquer à la Compagnie des Ovidie&Katsuni, qui sont les victimes de la tromperie ontologique (et universelle) par excellence. En confondant au nom du plaisir le Même destructeur et le Même de l'autre, elles ne se rendent pas compte qu'une certaine jouissance mène à la ruine. Précisons quand même : une jouissance mensongère, en ce que se effets sont largement exagérés, n'en déplaise aux longues descriptions que Sade produit comme une méthode Coué inefficace et purement volontariste. Ce n'est pas en invoquant la définition de ses voeux que la définition survient. Au début était le Verbe...

vendredi 12 octobre 2007

Sur home

Quelle est la meilleure définition du Surhomme que je connaisse? C'est celui de la maîtrise de la violence. Le Surhomme est cet être qui prétend dominer dans la mesure où il domestiquerait la violence. Raison pour laquelle le mythe de la Prostituée Sacrée se révèle d'une grande profondeur. Dans les temples où certaines vestales se livraient à la commercialisation de leur corps au nom de leur sacralisation, la prostitution était sacrée dans la mesure où l'acte de se prostituer renvoyait à la profondeur ontologique en touchant la destruction et en osant maîtriser cette violence, aussi aveugle et pure soit-elle. Raison aussi pour laquelle les incarnations et avatars modernes du mythe de la Prostituée Sacrée ne se trouvent nullement auprès de ces pathétiques statues, souvent exotiques, qui parsèment les grandes villes occidentales à l'état de fragments dispersés et d'objets promis à la casse aveuglée. Non, les vrais avatars ne sont autres que les sportifs professionnels et les acteurs de la pornographie. Leur surhumanité tient au fait qu'ils assument la domination de la violence et qu'ils prétendent de ce fait accéder au statut de dieux en mesure de réguler le flot du réel. Qu'est-ce qu'un Surhomme? N'en déplaise aux fabricants de mythes, qui ont l'objectivité des publicitaires, c'est un sous-homme. Soit un individu qui opte pour la solution de la facilité et de la décadence face à la violence. Laisser entendre qu'on peut domestiquer la violence, c'est renvoyer aux calendes grecques la vraie grandeur humaine, qui consiste à apprivoiser la violence pour la transformer en énergie positive (dans sa perspective). Verdict : qui fait le Surhomme fait le bête.

mercredi 10 octobre 2007

Libations et sommations

Axel Kahn dans une émission de télévision annonce que la victoire footballistique de 1998 dope (je m'excuse pour le choix malencontreux du terme) la consommation. Dans ce terme de consommation, il entend aussi bien les achats économiques, les dépenses ou la croissance que la reproduction sexuelle - le fait d'engendrer des enfants. L'assimilation de la consommation à la reproduction est pourtant sujette à contestation et explique de nombreuses dérives dans la compréhension de l'acte de consommer. Que je sache, l'acte de consommer diffère grandement de l'acte de reproduire. Ravaler la sexualité à la consommation, c'est après tout rapporter cette même sexualité à la digestion. Or il est une différence notable entre les deux processus. Quand l'un (le même) transforme puis intègre, l'autre (c'est le cas de le dire) crée du singulier, de l'original et de la différence. Quand l'un permet au singulier de répéter un tant soit peu ses tribulations, l'autre permet la perpétuation du même. Confondre ainsi la consommation et la reproduction, c'est expliquer que la caractéristique principale de l'ordonnation tient à la réduction ontologique. Si la consommation sert l'objectivation, l'ordonnation suppose aussi la reconnaissance de la différence et de la - reproduction.

dimanche 7 octobre 2007

Feat bull

A la télévision passe un documentaire sur les OGM. Pour une raison dont j'ignore tout, le reportage en vient à traiter le sujet des taureaux reproducteurs. Les meilleurs spécimens, étalons bodybuildés, sont utilisés par leurs éleveurs comme d'inépuisables reproducteurs afin de perpétuer les plus beaux spécimens de leur race bovine. Le sens de meilleur est ici admirable! La ruse qu'utilisent les éleveurs pour encourager les étalons est hilarante : ils leur présentent une vache à monter et, au moment où le géniteur s'apprête à délivrer sa semence, ils la recueillent dans une poche imitant le vagin de la vache. Il ne faut pas éclater de rire car l'expression monter prend ici tout son sens. L'expression de taureau aussi. Je ne suis pas certain que la personnification soit la meilleure figure de style pour expliquer l'emploi valorisant du terme par les mâles humains souhaitant mettre en avant, sinon leur instinct, du moins leur virilité insatiable. Car le taureau est un formidable monteur dans le sens où il commence par désirer en imitant avant d'être détourné de son acte de reproduction et de différence par les coutumes de l'élevage intensif. Quelle est la séduction à l'oeuvre chez le taureau et chez l'homme? A peu près la même me semble-t-il. Non dans les moyens immédiats (encore que...); mais dans le dessein invisible que poursuit la séduction de porter au-delà du but explicite qu'elle s'assigne. Il est évident en effet que la valorisation de la virilité chez l'homme, parallèle de la virilité brute du taureau, aboutit in fine à la reproduction de l'espèce. C'est dire que la séduction perçue comme le jeu valorisant l'individualité et ressortissant de la singularité n'est mystérieux que dans le sens où l'individu sert l'espèce et poursuit le but de la reproduction du réel au moment où il estime le plus servir sa cause personnelle et son égoïsme viscérale. C'est ainsi : le plus balourd des taureaux, le plus invétéré des dragueurs est avant tout un grand serviteur de la cause. Reste à savoir laquelle - certainement pas la sienne.

Le grand Jacques

Je vois à la télévision l'énième apparition (pour un album commun, je crois) du couple médiatico-français Françoise Hardy et Jacques Dutronc. Hardy se souvient que Dutronc, du temps de sa splendeur, était un père absent et un époux volage. Voilà qui n'a pas empêché Dutronc d'accéder à la paternité. Et je me dis que cette débauche d'énergie, de ruses et de temps qui définit la séduction, cet esclavage à ses passions (au sens balzacien du terme), sert paradoxalement la séduction. Le séducteur est cet obsessionnel de la répétition au service exclusif, quoique aveugle, de la séduction. Autrement dit, intuition schopenhauerienne en contradiction avec la théorie du maître en pessimisme : le séducteur, à l'insu de son plein gré et pour sa bénédiction, est au service de la différence.

vendredi 5 octobre 2007

Le bide du vide

"Maintenant qu't'es soulagé
Qu'tu t'es vidé les poches"


Ces très sagaces paroles, issues d'une chanson explicite de Lemay, Va rejoindre ta femme, expriment assez le lien entre l'argent et le mythe de la possession. Pour limiter le sentiment de puissance quand il se commue en individuation, il faut que la domination soit déchiffrée par l'évaluation du chiffre ou de la quantité. En même temps, le dominateur est dépeint comme un être en proie à une gêne pesante. Cette domination n'est pas celle qu'on croit. "Vider les poches", on attendait avant tout vider les couilles, et il est vrai que les poches renvoient à la polysémie du terme. Pourtant, les poches désignent davantage les deux membranes du pantalon, par conséquent extérieures au corps. Cette extériorité traduit-elle un désir d'externalisation du geste, l'argent servant surtout à purifier le corps de sa plongée dans l'abysse? L'abysse? Mais quel abîme? Se pourrait-il ici que l'objet (l'argent) renvoie à l'objectivation? En ce cas, l'échange est aussi palpable qu'inattendu. L'argent achète un objet, plus particulièrement l'objet du désir. Elle ne parvient qu'à exprimer la réduction ontologique, dont le symbole si pratique de la monnaie, des billets, du compte (est bon) prétend mesurer la valeur, indiquer la valeur, fournir la valeur. Au final, la valeur trop quantifiée, trop mesurable est la valeur du voleur. L'achat d'un sexe, la quantification de son objectivation pécuniaire à des critères toujours stupéfiants, est un leurre, un ratage dont le premier à mesurer l'arnaque est le client. Pourtant, il perdure dans son imposture, parce qu'il a trop besoin d'évaluer avec satisfaction et que ce n'est pas auprès de la péripatéticienne dont il est le client sexuel qu'il trouvera matière à cerner son impasse. La personne prostituée, femme, homme ou transsexuel, est trop ordonnée dans sa réification pour sortir de l'absolu de l'objet.

mercredi 3 octobre 2007

Les chemins du plaisir : ante-scriptum 3

Au final, le grand mérite d'Enthoven aura été de tenter l'hypothèque de l'équilibre dans son choix d'invités. Marzano et Arcan vs. Ovidie, Iacub et Ogien : pour une fois, l'apologie de la pornographie était contrebalancée par la critique dans son vrai sens étymologique. Et j'ajouterai également que pour celui qui a pris la peine de suivre les cinq interventions de la semaine, les deux critiques pèsent plus lourd que toutes les apologies superficielles. Oui, quand j'entends Arcan, je sais et je sens que les valeurs de la pornographie ne sont pas destinées à s'installer, parce que, par définition, la pornographie signale la crise et la survenue du nihilisme. Malheureusement, je crains qu'Enthoven ait plus fait assaut de nihilisme que d'esprit critique en ne malmenant guère ses invités dans leurs mensonges respectifs et concordants. Sans doute est-ce le propre d'une mode de laisser croire que la trivialité et la superficialité ressortissent de la profondeur. Cependant, on aurait été en droit d'attendre d'Enthoven qu'il signale :
1) l'étymologie de pornographie;
2) qu'il fournisse quelques chiffres concomitants, notamment sur les liens entre pornographie et toxicomanie; pornographie et violences, notamment sexuelles; pornographie et pègres se livrant à des activités de proxénétisme.
On m'accordera sans peine, je pense, que ce n'est pas Ovidie qui est la mieux placée pour aborder ces sujets essentiels et que leur occultation tient plus à leur omniprésence ineffaçable et inexpiable qu'à leur caractère mineur. Bien entendu, le cadavre qu'on cherche par tous les moyens à cacher finit par ressortir, au pire moment et avec usure. Quel est le cadavre que terre la pornographie, au point que l'on s'évertue à la celer en n'abordant que les aspects qui taisent soigneusement la vérité et permettent de demeurer dans un demi habile juste milieu? Pornographie : dessine-moi une prostituée...

Les chemins du plaisir : ante-scriptum 2

Je reproduis in extenso la chanson dont Enthoven cite deux extraits lors de son entretien avec Arcan.

Va rejoindre ta femme.

Va rejoindre ta femme, maintenant
Que t'as eu ton plaisir
Que j'ai eu mon argent
Allez, j'vais pas t'retenir

Je sors de ton camion
T'as eu ton aventure
Remonte ton pantalon
Rattache ta ceinture

Puis boucle l'autre ceinture
Puis sois prudent, petit con
Et boucle-la, bien sûr
Rendu à la maison

Va rejoindre ton monde, maintenant
Qu't'as maté ma poitrine
En te contrefichant
De ma mauvaise mine

Va prendre ta douche, monsieur
Va faire le beau, le propre
J'imagine que c'est mieux
Que de faire la salope

T'es en retard, mon vieux
Va rejoindre ta femme, dépêche
J'suis convaincue qu'tu veux
Que ta salade soit fraîche

Mon cul, ça, tu t'en fous
Allez, pourvu qu'tu puisses
Me fouiller tout partout
Et me gifler les cuisses

Pourvu que j'obéisse
Pendant ces longues minutes
Le temps que ça finisse
Le temps de faire la pute

Va rejoindre ta douce, maintenant
Que t'as craché tes sous
Va donc te mettre à genoux
Jouer avec tes enfants

Moi, quand j'me mets à genoux
Je joue avec des grands
Je n'm'amuse pas beaucoup
Mais je fais bien semblant

Va donc rejoindre tes proches
Maintenant qu't'es soulagé
Qu'tu t'es vidé les poches
Et que tu m'donnes congé

Allez, j'm'en vais tout de suite
Je vais t'laisser reprendre
Ton petit train-train, fais vite
Ta famille va t'attendre

Toi, quand tu réalises
Ton plus récent fantasme
Tu t'déculpabilises
En brandissant tes piastres

Et tu retournes, tranquille
A ta petite vie rangée
Là-bas, dans l'ouest de l'île
Derrière tes peupliers

Quand tu pars en camping
A la pêche à la truite
Lorsque tu lances ta ligne
Moi, j'en renifle dix-huit

Mais tu t'en fous, bien sûr
Tu fais d'mal à personne
Même que l'argent qu'tu m'donnes
Me fera une bonne piqûre

Et je serai bien, comme toi
Lorsque tu t'assoiras
Devant le bon repas
Qu'elle te servira... !

Pardon si j'te méprise
Mais tu me le rends bien
Retourne à ton église
Et dis à Dieu qu'j'm'en viens..."


Paroles et Musique : Lynda Lemay, Les lettres rouges (2002).

Les chemins du plaisir : ante-scriptum

Arcan : - Moi, je déteste pas les prostitués, mais je déteste le phénomène de la prostitution... Je méprise ce phénomène. Jamais je vais encenser un discours qui va exalter, ou je vais inviter les millions de prostitués à sortir dans les rues pour... Je trouve euh... Non, je ne pense pas.(...)
Enthoven : - Vous dites : "Dieu qui était mort avait vidé ses créatures de leur capacité à adorer autre chose qu'elles-mêmes..." (...)
- Non, mais ça veut dire que... Quand Dieu existait, l'ego était disons déplacé dans un être autre que soi, alors que là maintenant...
- Un être sans corps, surtout!
- Oui, où Dieu devient le corps, en fait, si on veut. Dieu s'est déplacé dans le corps propre, le corps biologique, donc le corps biologique doit survivre éternellement dans notre fantasme, euh, et la chirurgie plastique, ou par exemple la volonté de se garder jeune, même pour les hommes, est une espèce de poursuite de ce fantasme d'éternité-là et le fantasme aussi d'être au centre du monde, alors qu'avant c'est Dieu qui avait la fonction d'incarner cette éternité et ce centre du monde-là, si on veut."

Les chemins du plaisir : conclusion (last time)

Arcan : - C'est par rapport au regard incestueux du père, c'est par rapport au fait que la mère, justement, la mère qui vieillit n'a plus le désir du père. Donc le père...
Enthoven : - Vous parlez du père et de la mère, vous dites : "L'un baisant les autres, l'autre mourant de ne pas être baisée".
- C'est ça, donc euh c'est bien d'être prostituée, mais à 40-45 ans, 50 ans, on devient proxénète, parce qu'il faut comprendre que c'est un domaine où vieillir finalement empêche d'exercer le métier. Ca il faut le savoir! Puis, oui, moi par exemple, si je vieillis, si j'étais prostituée, si je vieillis et si j'ai un copain, tout à coup, je me marie et je me rends compte que mon mari fréquente les prostitué(e)s, plusieurs fois par semaine, est-ce que je vais trouver ça aussi euh fantastique que le métier de prostitution?

Les chemins du plaisir : conclusion (one more time)

Arcan : "Oui, ça l'est un choix! C'est tout à fait un choix, mais c'est pas parce que c'est un choix que c'est un choix qui est intégralement euh, comment dire, merveilleux, ou acceptable. Je pense que si on est le moindrement lucide, on ne peut que s'apercevoir que, même si on prétend le contraire, aujourd'hui même si y'a beaucoup de prostitué(e)s qui revendiquent leurs droits, qui disent : "Ouais, c'est un métier comme, on est fiers, tout ça", dans la nature de la prostitution, y'a une soumission, et c'est cette soumission-là qui rend ça détestable... On peut pas penser que la soumission, c'est quelque chose qui peut être libérant, et c'est surtout un domaine, comme je le disais, la subversion est impossible! Et sans subversion, y'a pas d'art, pas de création, y'a rien de nouveau qui peut se créer! On ne peut rien apporter d'autre que le stéréotype, que la répétition de quelque chose qui est là depuis le début des temps!"

Les chemins du plaisir : conclusion (ter)

Arcan : "Je sais pas comment dire. C'est que... La prostitution évolue dans l'histoire. C'est que... Par exemple, à Montréal, y'a des femmes qui ont pas nécessairement de problèmes d'argent, qui ont pas nécessairement de problèmes de drogues, et qui vont se prostituer tout de même, et c'est très dangereux parce que c'est énormément d'argent pour finalement peu d'efforts et y'a tellement de mes amies finalement qui à 22 ans, 25 ans, 30 ans sont restées là et elles mènent un train de vie de luxe, mais elles n'ont rien fait d'autre et c'est terrible pour elles, parce que elles sont vides! Elles ont rien à raconter d'autre que ça, elles ne peuvent plus rentrer finalement dans une vie de femme qui se réalise professionnellement, qui se réalise autrement que par susciter le désir des hommes et c'est vrai que c'est très désenchantant..."

Les chemins du plaisir : conclusion (bis)

Arcan : "Quand on se prostitue, le mépris est nécessaire pour se garder intact, ça je vous le promets."

Les chemins du plaisir : conclusion

Enthoven cite Arcan et soudain tout commentaire devient oiseux. Chapeau, l'artiste.
"Ce n'est pas moi qu'on prend, ni même ma fente, mais l'idée qu'on se fait de ce qu'est une femme. C'est une idée qu'on prend, ça n'est plus un être."

Les chemins du plaisir 144

Le minimalisme en philosophie est l'expression de la réduction ontologique.

Les chemins du plaisir 143

"Après le sexe, la lassitude". Cette parole bien connue, que dispense notamment Enthoven, est l'antienne que résume avec un brin de malice l'adage latin : "Triste est omne animal post coitum, praeter mulierem gallumque." Au juste, je ne sais pourquoi la femme et le coq se trouveraient exemptés de cette tristesse ou de cette lassitude, mais le sentiment évoque l'impression d'indéfinie répétition guettant toute chose quand celle-ci se trouve dans le cercle de l'ordre et de la répétition morcelée et séparée de la différence. C'est en tant qu'organisme éminemment ordonné que l'homme ressent cette lassitude, qui, pourtant, ne prend pas en considération la différence et la perpétuation qu'elle implique. Car il est certain que la sexualité envisagée sous le seul aspect de son accomplissement agit comme l'exact et terriblement ironique antidote à tout accomplissement. Je ne donnerai pour seul exemple que le spectacle navrant de films pornographiques, après lesquels on serait tenté de parler de bêtise, si le risque d'incriminer les bêtes dans cette galère ne nous contraignait pas à davantage de prudence et à parler d'abord de nihilisme. Soit d'incompréhension du réel. Autrement dit : que l'on soit des formes ordonnées (et particulièrement complexes), fort bien; mais des ordres morcelés et absurdes, certainement pas. Entende qui pourra!

Les chemins du plaisir 142

Selon Platon, le désir est productif en ce qu'il apaise le manque et la souffrance. Cette célèbre définition platonicienne se heurte à l'idée que le désir se suffirait à lui-même. Effectivement, si le donné se résume à l'ordre présent, on voit mal pourquoi une telle définition ne pourrait pas être produite. Effectivement, on comprend pourquoi aussi le désir qui s'achemine vers ce genre de représentation ne peut sombrer que dans la déliquescence ou la folie. Nietzsche, si tu nous entends... En attendant, cette complétude du désir nie la structure du réel dans sa finitude. Le fini absolu : définition (aberrante) du désir qui se suffit à lui-même. Car la structure du désir épouse le réel, en ce qu'elle est le signe le plus évident, chez le vivant, que le réel se perpétue dans l'incomplétude de chacun de se parties. La souffrance est le signe de l'incomplétude en perpétuelle perpétuation. On comprend que les pervers guignent au final cette souffrance comme le bienfait le plus proche de l'orgasme. La complétude de leur désir désespérément incomplet se situe selon eux dans l'acceptation de la souffrance et dans son exacerbation. Parole de nihiliste : je prends le désir tel qu'il est, lucidement; je l'observe dans ses oeuvres et son incomplétude; et je parviens à la conclusion que le seul moyen dans l'ordre de tendre à la complétude revient à magnifier la souffrance. La réduction ontologique explique le renversement du sens. Selon le métaphysicien classique, si l'incomplétude est bonne, alors la complétude est le danger et l'aberration. D'où le renversement nihiliste et pervers, typique du raisonnement sadien : si la complétude est bonne, alors l'incomplétude est moraliste et la souffrance le Bien Suprême. La folie nihiliste s'ancre justement dans l'équation réel=objet. L'intégration de la souffrance au désir, intégration inévitable, bon gré, mal gré, suppose que l'ordre soit appréhendé comme l'horizon indépassable (la limite repue) du donné et que le devenir soit nié.

Les chemins du plaisir 141

La production des formes, que l'homme dénomme comme production, tient à l'échange et à l'altérité. Autrement dit, le fondement de la différence ne réside dans aucune forme. En termes humains : au sien de nulle individualité. Le fondement, si l'on veut, est inter-individuel, inter-formel, inter-singularité. Autrement dit : l'objectivité ne peut conduire qu'à l'objet - et l'objet : tout, sauf la possibilité d'un fondement.

mardi 2 octobre 2007

Les chemins du plaisir 140

Curieuse démarche que celle du minimalisme dont se recommande Ogien. Cette réduction se réclame de l'objectivité dans la mesure où le minimalisme prétend réduire le sens à sa stricte vérité et écarter les fantasmagories de l'illusion. Vraiment, curieux postulat, qui consiste à avancer que le sens crée des valeurs pour la plupart inutile, mais qu'il est en mesure de retrouver le sens véritable au milieu du sens inutile - à profusion. Cette démarche suffit à souligner l'arrogance de cette démarche qui prétend d'autant plus faire peau neuve qu'elle imite avec banalité la quête morale, ontologique et philosophique de toujours (depuis les brontosaures?) : déceler le vrai derrière le faux. Autrement dit, séparer le bon grain de l'ivraie. Finalement, la démarche philosophique est intrinsèquement morale en ce qu'elle pose la délimitation. Et le minimalisme comme la limite minimale envisageable n'est jamais que la vieille quête morale qu'on prétend renouveler. On remarquera que le minimalisme se présente comme un ordre moral minimal en ce qu'il avoue par lui-même que la pure absence de limites n'est pas de l'ordre du possible. La pure absence s'incarne nécessairement dans un ordre. D'où : l'ordre minimal comme sous-entendu du minimalisme en tant que Bien Suprême. Le rétablissement du besoin de certitude, du besoin de limites, du besoin de clarté objective s'obtient par le seul moyen qui permet d'échapper à l'interprétation. Le minimalisme guette la lettre et fuit l'esprit. Les plus belles définitions produites par Spinoza ou Kant ne sont applicables qu'après mûres réflexions et exercice du jugement. Le minimalisme produit dans la pratique l'action indubitable. La seule envisageable. Car la définition se confond avec la certitude quand elle suit la démarche de la réduction. Nous y sommes. Le minimaliste veut tellement édicter une délimitation qu'il ne se rend pas compte que la seule délimitation certaine et intangible conduira à l'anéantissement. La seule délimitation qui échappe à l'arbitraire et à l'interprétation, ses deux garde-fous, la limite de la limite, réside dans l'affranchissement de la limite. Sans limite, le monde de l'homme ne conduit pas à la liberté; il mène à la destruction pure. Plus le modèle s'approche de cette destruction immatérielle (parce que pure), plus sa quête de vérité rime avec perversité. A la fin, la vérité ne s'atteint pourtant pas, puisque la vérité utopique (ou pure) est immatérielle.

Les chemins du plaisir 139

Ogien est fascinant : il prétend d'autant plus supprimer la morale qu'il ne cesse de se situer sur le terrain de la morale, en tant qu'adversaire de la morale, avec un slogan : trouver des fondements minimaux - à la morale. Le pornographe prétend changer les coordonnées du problème. Sans la morale, Ogien serait perdu. Ogien aurait-il adoré vivre à une époque où lutter contre la morale relevait du genre subversif? Qu'Ogien prenne garde à ne pas détruire sa matrice : sans son adversaire favori, il serait perdu, puisque la pornographie est comme le coucou, qui vit aux dépens d'un système! Le minimalisme m'évoque la prétention d'objectivité, qui assaille Ogien, au point qu'elle le travaille sans cesse et sans relâche. L'objectivité? Il faut en fait entendre ici l'objectivation. Plus un pornographe, ou un partisan de l'Hyperréel, se réclame de l'objectivité, plus il est dans un processus de réification (substitut de l'ordonnation complexe). Le minimalisme est aux fondements ce que l'objectivité est à l'objectivation. L'exigence de minimalité postule que le sens aurait tendance à créer la plupart de ses valeurs de manière artificielle et exagérée. L'objectivité consisterait à ne garder que les éléments certains. La vérité tiendrait dans la réduction. Le minimalisme consiste, pour en dire le minimum, à rétrécir le reél afin qu'il corresponde aux bornes étriquées des définitions. Opération bas les masques! le minimalisme poursuit le même but que l'objectivité. Si être objectif, c'est être minimaliste, alors la morale de la réduction se résumerait à considérer que moins il y a de sens, plus ce dernier a de valeur.

lundi 1 octobre 2007

Les chemins du plaisir 138

Quel est le statut ontologique de la douleur? Le plaisir se manifeste chaque fois que le réel donne le sentiment de se perpétuer. D'où le plaisir dans la douleur. La douleur appartient à la perpétuation, à ceci près qu'elle ne mène pas à la création, mais à l'anéantissement. La douleur comme sentiment aigu de la destruction n'est jamais que le dévoiement de la différence quand la destruction est appréhendée de manière totalisante et totalitaire. Rien de plus prévisible que le plaisir se manifeste aussi dans la destruction pure, puisque le sentiment de puissance, qui définit le plaisir, va de pair avec la souffrance comme partie nécessaires de la différence. Le plaisir est dans l'ordonnation. L'ordre et le désordre ne font qu'un. Le principe de l'ordonnation implique que la formation de l'ordre débouche sur sa déformation finale et de sa transformation perpétuelle. Les formes sont en perpétuel mouvement. Déformation : démontage; soit un des vocables les plus récurrents du vocabulaire pornographique. Dans le film X, on démonte à tout va, comme on dézingue dans les films policiers ou dans le genre mafieux. Ce champ lexical du démontage est remarquable. Le plaisir est dans le démontage, à partir du moment où en démontant, on touche, c'est le cas de le dire, à l'ordonnation ou à l'incarnation. En outre, le démontage, surtout quand il est compulsif, outre qu'il renvoie au stéréotype pur, est la déformation caricaturale de la destruction intégrée au processus d'ordonnation. Le plaisir n'est nullement un critère d'évaluation ou d'action pour la permanence, mais un puissant révélateur de al profondeur ontologique. Il se déclenche tout autant pour des manifestations de perpétuation effective du réel que pour des impressions trompeuses, qui reprennent une partie en la présentant comme le tout. Au final, le plaisir est un critère de perpétuation ontologique, qui se déclenche tout aussi bien pour des détournements, qui sont des impasses parce qu'elles offrent le miroir du tout en n'exprimant pourtant que la partie.

Les chemins du plaisir 137

On s'étonne qu'il existe du plaisir dans toutes les activités et dans toutes les manières de pratiquer ces activités. Qu'il y ait du plaisir dans la destruction, la soumission, la violence, c'est normal, puisque la destruction signale la représentation troquée de l'Hyperréel, le sensible privé de son addition ontologique, abusivement généralisé... Le plaisir se manifeste dès qu'on touche au réel en profondeur. La destruction est une manifestation fort profonde du réel. Il reste à en cerner les véritables contours, au lieu de la présenter comme la panacée parfaite qui donne son sens au réel en inversant les coordonnées morales usuelles. La destruction possède son attrait du fait qu'elle propose une alternative fallacieuse à l'imperfection du réel. Qu'il n'existe aucune situation de perfection dans le réel implique plusieurs commentaires, dont j'abrège la lucidité par deux notes :
1) l'attrait de la destruction tient à son caractère d'utopie et de perfection.
2) toute situation d'agencement ordonné étant imparfaite, elle présente des avantages et des inconvénients. Cette constatation n'implique pas que tous les agencements se valent, le meilleur comme le pire. Après tout, la démocratie est définie comme le moins pire des systèmes. La meilleure des situations possède par définition ses inconvénients - la pire, ses avantages. Raison pour laquelle il est certain que le nihilisme comme système dont augure la représentation esthétique pornographique possède ses avantages indubitables et ses critiques pertinentes. Faut-il pour autant cautionner cette dérive ultratotalitaire au nom du fait que la liberté ne trouverait pas son compte dans la démocratie finie, mais dans la libération absolue et antidémocratique? Le pire système, fondé sur la destruction pure, nie la différence et aboutit à l'anéantissement; c'est le même agencement qui pourtant garantit de la seule définition ontologique possible (et fausse). La meilleure est la moins satisfaisante : elle consiste à reconnaître la destruction et à l'intégrer dans l'ordonnation créatrice. Par conséquent, l'agencement qui garantit la pérennité est nécessairement a-normatif pour être en perpétuelle permanence. Le propre du regard lucide revient, pour assurer la pérennité et éloigner le spectre de l'anéantissement, à lier le mythe de la perfection à l'utopie de la (dé)limitation.

Les chemins du plaisir 136

L'utopie de la Perfection made in Hyperréel intente le procès de l'imperfection telle que nous la relaie nos sentiments. Les sentiments sont de puissants médias, qui nous fournissent de précieuses et fiables informations sur le réel. Les sentiments sont tellement fiables que l'homme est toujours là. L'Hyperréel reconstruit la Perfection au nom de la déconstruction du réel. L'Hyperréel détruit les sentiments pour revendiquer la suprématie de l'objet. Au final, la réification détruit, quand le sentiment perpétue - définition de l'infini et de la nécessité. Toute construction présente ses avantages. Le totalitarisme a bien entendu des avantages que la démocratie ne possède pas. La destruction pure aussi, par rapport au principe de réalité... Pourtant, il semblerait que la Perfection morcèle le réel, quand l'imperfection unifie et perpétue le morcèlement apparemment indépassable. Le totalitarisme sexuel a d'autant plus de facilité à pointer du doigt les inconvénients du démocratisme sexuel qu'il se réclame de l'utopie de la Perfection.

Les chemins du plaisir 135

La vision de la violence comme création, du plaisir soumis (c'est le cas de le dire) à la destruction : le nihilisme rapporte la réalisation à l'incarnation stéréotypée de la seule violence, de la pure destruction, sans considérer que la destruction n'est qu'un aspect du réel, mais n'est pas le réel. Il y manque, plutôt que la différence, la répétition, en tant que la représentation stéréotypée que produit la pornographie n'est jamais que la prétention de la répétition désossée de sa possibilité de permanence - sans la différence. La vraie répétition, c'est la considération de la différence. La vraie répétition : la différence. Le réel réduit à la destruction nihiliste : l'apologie de la destruction.