vendredi 5 octobre 2007

Le bide du vide

"Maintenant qu't'es soulagé
Qu'tu t'es vidé les poches"


Ces très sagaces paroles, issues d'une chanson explicite de Lemay, Va rejoindre ta femme, expriment assez le lien entre l'argent et le mythe de la possession. Pour limiter le sentiment de puissance quand il se commue en individuation, il faut que la domination soit déchiffrée par l'évaluation du chiffre ou de la quantité. En même temps, le dominateur est dépeint comme un être en proie à une gêne pesante. Cette domination n'est pas celle qu'on croit. "Vider les poches", on attendait avant tout vider les couilles, et il est vrai que les poches renvoient à la polysémie du terme. Pourtant, les poches désignent davantage les deux membranes du pantalon, par conséquent extérieures au corps. Cette extériorité traduit-elle un désir d'externalisation du geste, l'argent servant surtout à purifier le corps de sa plongée dans l'abysse? L'abysse? Mais quel abîme? Se pourrait-il ici que l'objet (l'argent) renvoie à l'objectivation? En ce cas, l'échange est aussi palpable qu'inattendu. L'argent achète un objet, plus particulièrement l'objet du désir. Elle ne parvient qu'à exprimer la réduction ontologique, dont le symbole si pratique de la monnaie, des billets, du compte (est bon) prétend mesurer la valeur, indiquer la valeur, fournir la valeur. Au final, la valeur trop quantifiée, trop mesurable est la valeur du voleur. L'achat d'un sexe, la quantification de son objectivation pécuniaire à des critères toujours stupéfiants, est un leurre, un ratage dont le premier à mesurer l'arnaque est le client. Pourtant, il perdure dans son imposture, parce qu'il a trop besoin d'évaluer avec satisfaction et que ce n'est pas auprès de la péripatéticienne dont il est le client sexuel qu'il trouvera matière à cerner son impasse. La personne prostituée, femme, homme ou transsexuel, est trop ordonnée dans sa réification pour sortir de l'absolu de l'objet.

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