jeudi 25 octobre 2007

Sweet fantasme

J'écoute Robbe-Grillet dans Ce soir ou jamais. Robbe-Grillet s'élève vigoureusement contre les censeurs moralistes qui prétendent interdire les fantasmes les plus inavouables, en tout cas les régenter et les censurer. Robbe-Grillet aborde notamment les rapports de l'écriture et de l'imaginaire et explique que le propre du fantasme étant de ne pas se réaliser, le rôle du fantasme est d'agir comme un filtre, une catharsis contre le passage à l'acte. C'est sans doute une thèse grossière, mais je serais assez d'accord avec cet écrivain fort moyen (et fort ennuyeux surtout) s'il précisait peut-être que le fantasme est si complexe qu'il ne saurait se limiter à une catharsis de pure défense, ce qu'Aristote ne stipule au demeurant jamais. Il est certain que la censure de l'expression littéraire correspond à un moralisme obvie, à condition qu'une petite précision, capitale, soit apportée : dire prémunit d'agir si et seulement si l'esthétique qui sous-tend l'entreprise littéraire et/ou fantasmatique affirme la séparation de la représentation et de la réalisation. Car une chose est d'énoncer que la littérature est aussi le règne de la pure liberté (et que la perversion imaginaire n'est pas de la perversion, par définition), une autre est de rappeler que le propre d'une certaine autofiction, ou d'écrits autobiographiques ambigus, est de gommer la différence essentielle entre représentation et réel. Je pense à tous ces journaux dont le propre est de glorifier la pédophilie ou de narrer par le menu des expériences sexuelles engageant des personnes réelles. Alors, certes, la relation de ces expériences est très souvent hyperbolique, mais il n'empêche. Le dérapage se situe précisément à cet endroit, dans le lieu de la confusion qui se prétend aussi défense et apologie de la liberté échevelée et absolue. Est-ce parce qu'il oublie ce détail que Robbe-Grillet passe à côté de l'essentiel? En tout cas, si la littérature n'a pas pour fin, ni ambition, de prévenir les actions perverses (et criminelles), elle vaut mieux que le vrai moralisme de l'époque : non d'empêcher l'expression quelle qu'elle soit, mais de défendre le principe de la liberté sans limite.

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