mardi 2 octobre 2007

Les chemins du plaisir 140

Curieuse démarche que celle du minimalisme dont se recommande Ogien. Cette réduction se réclame de l'objectivité dans la mesure où le minimalisme prétend réduire le sens à sa stricte vérité et écarter les fantasmagories de l'illusion. Vraiment, curieux postulat, qui consiste à avancer que le sens crée des valeurs pour la plupart inutile, mais qu'il est en mesure de retrouver le sens véritable au milieu du sens inutile - à profusion. Cette démarche suffit à souligner l'arrogance de cette démarche qui prétend d'autant plus faire peau neuve qu'elle imite avec banalité la quête morale, ontologique et philosophique de toujours (depuis les brontosaures?) : déceler le vrai derrière le faux. Autrement dit, séparer le bon grain de l'ivraie. Finalement, la démarche philosophique est intrinsèquement morale en ce qu'elle pose la délimitation. Et le minimalisme comme la limite minimale envisageable n'est jamais que la vieille quête morale qu'on prétend renouveler. On remarquera que le minimalisme se présente comme un ordre moral minimal en ce qu'il avoue par lui-même que la pure absence de limites n'est pas de l'ordre du possible. La pure absence s'incarne nécessairement dans un ordre. D'où : l'ordre minimal comme sous-entendu du minimalisme en tant que Bien Suprême. Le rétablissement du besoin de certitude, du besoin de limites, du besoin de clarté objective s'obtient par le seul moyen qui permet d'échapper à l'interprétation. Le minimalisme guette la lettre et fuit l'esprit. Les plus belles définitions produites par Spinoza ou Kant ne sont applicables qu'après mûres réflexions et exercice du jugement. Le minimalisme produit dans la pratique l'action indubitable. La seule envisageable. Car la définition se confond avec la certitude quand elle suit la démarche de la réduction. Nous y sommes. Le minimaliste veut tellement édicter une délimitation qu'il ne se rend pas compte que la seule délimitation certaine et intangible conduira à l'anéantissement. La seule délimitation qui échappe à l'arbitraire et à l'interprétation, ses deux garde-fous, la limite de la limite, réside dans l'affranchissement de la limite. Sans limite, le monde de l'homme ne conduit pas à la liberté; il mène à la destruction pure. Plus le modèle s'approche de cette destruction immatérielle (parce que pure), plus sa quête de vérité rime avec perversité. A la fin, la vérité ne s'atteint pourtant pas, puisque la vérité utopique (ou pure) est immatérielle.

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