La fin de l'entretien tourne vraiment au déplorable. Tandis qu'Enthoven s'interroge sur le sens du terme pornographie, sans citer son étymologie pourtant éclairante, Ogien joue les subversifs d'un autre temps en se prévalant du combat contre l'Infâme. La différence entre Voltaire au dix-huitième et Ogien au vingt-et-unième? Simple question de style? Il est vrai qu'elle est abyssale... Le seul point digne d'intérêt : Enthoven rappelle quand même à Ogien le transgressif, qui s'imagine sans doute vivre en Arabie Saoudite, ou qui aimerait en son for intérieur que des films X soient projetés vers dix-sept heures au sortir de l'école, que la confession mystico-anale de Bentley, malgré ses relents diarrhéiques, est en vente libre dans n'importe quelle libraire de gare. Comment se fait-il qu'un livre pornographique soit en vente libre et pas un film X? Comment se fait-il qu'un fin lettré comme Enthoven, un diplômé sorti d'Ulm, agrégé de philosophie, bref détenteur des meilleurs titres universitaires, pose une pareille question? Serait-ce que l'omnipotence de l'image, singulièrement cinématographique, soit portée et défendue par ceux qui devraient en être ses contempteurs, même raisonnables? En tout cas, c'est par la bouche d'un lettré que s'opère la trahison, relayée par un autre scribe, assez scribouillard celui-là si j'en crois ses interventions bas de gamme, comme les produits explicites qu'il défend logiquement, l'air de rien. Pourtant, l'explication est évidente : c'est que l'image exhibe d'autant plus la seule et immédiate apparence du réel, soit la représentation la plus fallacieuse et trompeuse, qu'elle se veut explicite. L'interdiction aux mineurs, pour arbitraire qu'elle soit dans une certaine mesure, s'explique de façon justifiée par le danger que représente cette réduction et la violence qu'elle charrie, alors que l'écriture permet non seulement la distanciation du lecteur, mais institue en son déploiement l'approfondissement du réel, à tel point que l'écriture médiocre rate le coche ou laisse un goût d'inachevé. J'en veux pour preuve le témoignage ambigu de Sade, dont on hésite toujours à estimer qu'il procède de la déraison ou de la distraction. Au pied de la lettre, Sade délire. Avec des pincettes, c'est le lecteur qui délire... Quant au visionnage d'un film porno, je ne voudrais pas être désobligeant, mais le délire est d'autant plus effectif que les participants prennent très au sérieux leur activité pourtant grotesque. Le délire est ici pris au pied de la lettre, dans le littéralisme le plus immédiat - littéralisme lugubre qui confine, comme de juste, avec le minimalisme dont se réclame Ogien. Autrement dit, c'est la structure de l'image qui contraint à prendre la représentation du réel au pied de la lettre; quand la structure de la lettre engage la représentation à s'en éloigner et à guigner du côté de l'approfondissement et du mystère.
Pour le reste... Le Comte est bon!
mardi 25 septembre 2007
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