Enthoven : - Est-ce que la pornographie n'est pas, comment dire, la façon qu'on aurait de faire avaler la pilule, si j'ose dire, serait de le sauver par l'esthétique, par l'art?
Ogien : - Mais pourquoi faudrait-il le sauver? Qu'est-ce que ça a de tellement immoral? C'est, c'est... La question n'est pas tellement qu'on apprécie les oeuvres de Picasso, mais pourquoi on est tellement révolté par celles qui ont moins de qualités artistiques, c'est d'ailleurs...
Enthoven : - C'est d'ailleurs l'objet de votre livre, Ruwen Ogien, et on sent que ça vous révolte!"
1) La question contient un amalgame typiquement nihiliste : si le divorce entre la pornographie et la morale, même la meilleure, semble consommé, il serait temps d'expliquer que ce divorce l'est a fortiori avec l'art. L'esthétique pornographique mérite d'être appelée anti-artistique dans la mesure où elle procède d'une réduction du réel, du sens vers le sexe comme objet, quand l'art approfondit (l'évidence, notamment).
2) La question du salut entraîne l'ire d'Ogien, qui manque tellement d'arguments qu'il en perd ses mots et se réfugie dans des maux plus grands encore. Après la légitimation de la violence au nom de la lutte contre le moralisme, la colère! Pourtant, notre analyste en chef de la pornographie en tient une couche avec la morale. On ignore ce que la morale lui a fait, mais il tient à son propos un discours à peu près aussi nuancé que le Hamas sur les Israéliens ou Houellebecq sur les musulmans (qui ne sont pas tous arabes, tant s'en faut). Il va falloir expliquer à Ogien :
a) que révolte n'est pas le terme exact pour qualifier les critiques cohérentes qui s'inquiètent de la mode pornographique et de son infiltration dans les valeurs de la représentation de masse.
b) que lorsqu'on parle d'art, il serait quand même bon de posséder quelque bonne foi, je n'ose dire quelque objectivité. Parce que "moins de qualités artistiques" pour qualifier l'esthétique pornographique, c'est se moquer du monde. La pornographie ne possède aucune qualité artistique. Aucune!
Si révolte il doit y avoir, ce n'est donc pas d'un point de vue moral qu'elle doit survenir, mais d'un point de vue esthétique. Soit dit en passant, cette révolte mérite de se résumer à un bon fou rire, tant le spectacle d'un film X ressortit du comique et de la caricature (puis de l'ennui stéréotypé). Quant à la détestation morale que nourrit et entretient Ogien, je la comprends moins comme une critique de la morale de l'autre siècle, tendance lutte contre l'Infâme, que comme l'opposition frontale à la morale en tant que délimitation et pouvoir de limitation. La vindicte d'Ogien s'explique moins par son indignation devant certains abus que par la résistance que présente la morale conséquente. Le propre de la morale revient en effet à s'opposer à la stratégie d'infiltration (d'entrisme, diraient les trotskystes) dont Ogien est l'analyste-représentant distingué (bien que sa diction ne soit pas distincte). La morale-limitation est le rempart contre les revendications de libération totalitaire, qui claironnent haut et fort qu'on fait ce qu'on veut tant qu'on ne nuit pas à autrui pour mieux instiller, derrière la façade cohérente de cette définition négative, la réduction du réel à l'objet morcelé.
Le Comte est fait comme un maroilles fermier aux fines herbes et c'est pourquoi nous mettrons un terme à nos commentaires sur son intervention remarquable de nihilisme destructeur et moraliste...
mercredi 26 septembre 2007
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