mardi 18 septembre 2007

Les chemins du plaisir 75

"Ogien : - Je ne nie pas qu'on puisse aborder la question au moyen de ses émotions, de ses réactions. Je ne crois pas qu'elle soit toujours très très bonne conseillère...
Enthoven : - Mauvaise conseillère! Effectivement, vous gagnez en objectivité. Est-ce un gain en ce qui concerne la pornographie? Après tout, certains objets sont peut-être plus propices que d'autres à l'analyse objective. Mais là, la pornographie qui fait appel à, peut-être, une partie d'irrationnel en nous, à l'élément furieux du désir comme dirait l'autre, est-ce que cet objet-là vous semble tenir dans le cadre que vous lui avez proposé au départ, parce que votre démarche est très objective?"


Dommage qu'Enthoven cède si facilement le pas au verbiage brillant et s'émerveille de son parler clinquant. Car la question qu'il pose à Ogien est la bonne. Il lui suffisait juste d'y répondre, au lieu de l'adresser à un individu qui, s'il l'avait résolue, n'aurait pas rédigé ses traités de science philosophique et ne se tiendrait pas devant lui avec une morgue sidérante. Dès que j'ai entendu Ogien rire avec le sens affiché de sa supériorité, j'ai compris ce que c'était que la bêtise scientiste. Les diplômes ne font rien à l'affaire. Bouvard et Pécuchet font rire jaune quand on mesure les dégâts qu'ils cautionnent et qu'ils encouragent avec leur enthousiasme véhément. Ogien se moque d'autant plus qu'il estime posséder une méthode probante d'accès à la vérité. Selon Wikipédia, les travaux de notre Icare philosophe ont notamment porté sur la haine et la honte. La haine et la honte : les deux sentiments qui empestent chez Ogien et qu'il s'empresse de refouler sous son artifice d'analyse hyperlogique. J'apprends qu'Ogien a passé sa thèse sous le haut patronage de Jacques Bouveresse. Bouveresse a beau occuper la chaire de philosophie au Collège de France, je ne me fierais pas à ce lignage prestigieux. Bouveresse est un fort médiocre philosophe. Il suffit de parcourir ses ouvrages pour s'en convaincre.
1) Dès le préambule, nous savons qu'Ogien se targue d'objectivité pour discourir sur la pornographie. Quelle panacée lui donne cette précellence, qui s'apparente à la découverte de la vérité, soit de la pierre philosophale en personne? La philosophie dite analytique. Par le moyen de la logique, la rigueur acérée de la raison, notre philosophe estime qu'il peut tenir un discours dénué d'émotivité. Juste une question : que répondra notre logicien si on lui objecte que sa méthode logique, dénuée d'émotion, n'en comporte pas moins des prémisses et des postulats, et que si ses postulats sont faux, le reste...
2) Impressionnant! La parti des pornographes a placé la barre très haut en bénéficiant de l'intelligence repue et de la science très en pointe d'Ogien. En effet, ce philosophe qui prétend réduire son domaine d'investigation à l'objectivité présente un discours typiquement... scientiste! Cela commence bien!
3) Les choses se gâtent quand notre dynamiteur revendiqué d'illusions et de bêtise affiche avec certitude sa méthode objective. Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais cette fameuse méthode objective me rappelle cruellement le projet même de la pornographie : réduire (le sexe) à l'objet. De sorte que notre sous-sous Comte sous-sous positiviste ne s'est pas tourné par hasard vers l'étude analytique de la pornographie : il perpètre le principe de la réduction ontologique à l'égard d'un domaine d'investigation qui, déjà, incarne ce mécanisme de réduction. Sidérant! Absolument sidérant!
4) Il faut une belle dose de mauvaise foi, ou de bêtise, ou d'ultrapositivité, au choix, pour estimer qu'un domaine aussi vaste et complexe que la pornographie, qui mêle des question tout à fait épineuses, comme la psychologie humaine, le plaisir, le désir, la sexualité, et d'autres questions, puisse faire l'objet d'une démarche objective. De sorte que le mécanisme de la connaissance objective est surtout promis à l'échec et au simplisme dès l'annonce de son programme.
Je crains fort qu'on ne se trouve qu'aux prolégomènes des erreurs, aberrations et billevesées professées au nom de la vérité. Morale : Wittgenstein se retourne plusieurs fois par jour dans sa tombe en constatant que des disciples se réclament d'une méthode, dont il a lui aussi parfois usé, pour nous expliquer pompeusement, après des centaines de démonstrations savantes et indéchiffrables que la mer est bleue et que la mort, c'est pas facile.
L'auguste est bon!

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