samedi 29 septembre 2007
Les chemins du plaisir 131
Curieux, ce constat implacable : le féminisme est l'enfant du christianisme, qui, comme ces enfants qui refusent leur héritage, prétendent répudier ce père encombrant et omnipotent. La laïcité aussi sombre dans le snobisme par excellence, qui consiste à camoufler ses origines véritables, souvent en prétendant s'en enorgueillir, ce qui rend le problème aussi cocasse qu'insoluble. Demandez à Marcel Proust. D'ici à ce que vous rencontriez le plus hypocondriaque des asthmatiques, permettez que nous rappelions une autre vérité fondamentale que le grand Marcel ne connaissait que trop, pour l'expérimenter à son corps défendant : que plus il y a de violence, moins il y a de liberté (de consentement pour parler comme les postmodernes). C'est au nom de cet adage que les féministes historiques et conséquents (je mets au masculin car je vois mal pourquoi un féministe conséquent serait automatiquement une femme) ont exigé la liberté pour les femmes. Qu'est-ce que la liberté pour ces militants? C'est rappeler que la différence féminine, qu'on essaie de nous gommer au prix d'une arnaque aussi grossière qu'ébaubie, est digne de respect et que la situation de faiblesse des femmes, notamment physique, mais également dans une certaine mesure psychologique, ne signifie pas leur infériorité en tant que personnes. Jamais une féministe conséquente n'a prétendu que les femmes couraient aussi vite que les hommes pour exiger la liberté des femmes. L'égalitarisme sexuel qu'on essaie de nous vendre ne remplacera pas la difficile réflexion sur la différence et sur les richesses qu'accompagne cette différence. Ce n'est pas parce que la femme est différente de l'homme qu'elle lui est inférieure, tant s'en faut, et ne pas reconnaître de richesse chez la femme au prétexte de sa différence sexuelle est une erreur qui nuit en premier lieu à l'homme aveuglé par son machisme ou sa misogynie. J'observerai en passant que cette richesse et cette différence ne signifient nullement que la femme soit un être étranger à l'homme, si bien que la pensée de la différence en matière de différence sexuelle doit éviter deux écueils essentialisants majeurs : créer une essence de la femme différente de l'essence de l'homme (première aberration); façonner au nom de l'identité profonde entre l'homme et la femme un refus de la différence sexuelle requalifié en égalitarisme et discours du Même. C'est dire que si l'homme n'est pas la femme (discours de l'Hyperréel), l'homme et la femme appartiennent cependant à la même race. Nous y sommes. Car le féminisme a tendance à se dévoyer dans la mesure où il essaie de sortir de cette aporie par l'énoncé de formes pures. Ainsi de l'islamisme énonçant le féminisme islamique comme séparation sexuelle au nom de la différence (la femme est douce; l'homme est courageux, par exemple - distinction essentialiste ridicule). Ainsi dans l'extrême inverse de ces discours actuels qui prétendent faire reposer la différence sexuelle sur une construction sociale. Que les brillantes théoriciennes de cette mode infra-métaphysique baissent leur culotte et elles vérifieront aisément en quoi on ne résout pas un problème ardu par la négation du problème ou des solutions simplistes. Ainsi agit le féminisme dévoyé et le dévoiement est à mon avis constitutif du féminisme en ce que ce dernier a tendance à céder à certains démons pour résoudre le problème de la différence sexuelle. Le principal travers dans lequel donnent ces (fausses) féministes, qui pour le coup sont presque toujours des femmes, consiste à prendre la place de ceux qu'elles critiquent d'autant plus qu'elles admirent la domination historique de l'homme (domination bien plus ambiguë qu'on le dit et assez similaire aux relations du maître et de l'esclave telles que Hegel les analyse). Dans ce cas, le féminisme n'est jamais que l'expression d'un machisme inversé et stérile. Outre ce mimétisme concurrentiel et destructeur (notamment : pour l'identité sexuelle), le grand danger est d'ordre ontologique : le féminisme dévoyé participe au monde de l'indistinction et de l'indifférenciation, résurgence de l'Hyperréel comme refus des différences - et de la différence. Il est parfaitement conséquent, quoique redoutablement pervers, que les réglementaristes du sexe (de la pornographie ou de la prostitution) cachent sous la légitimation de la cause féministe leur véritable moteur : l'intérêt mercantile. Il est parfaitement conséquent aussi (et toujours aussi pervers) qu'un mouvement de libération ait tendance à s'emmêler les pieds (ou les pinceaux) entre l'exigence (dans tous les sens du terme) de liberté véritable et les velléités aberrantes (prévisibles) de libération inconditionnelle, prétextes à tous les abus totalitaires.
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