Ovidie se montre totalement en accord avec le principe incohérent de Giroud. Voilà qui n'est guère surprenant de la part de ce monstre d'ordre moral (à défaut de cohérence). Extraits :
Ovidie : - Je suis opposée à toute forme de censure, mais en effet on n'a pas à être matraqué d'images qu'on ne souhaite pas recevoir. C'est pour ça que je pense que la pornographie doit rester à sa place, c'est-à-dire réservé aux majeurs et sur un certain support. Je suis pas enchantée du tout quand je vois qu'y en a absolument partout sur Internet... (...)
Enthoven : - Quand Marcela Iacub dit par exemple que nous vivons une société puritaine parce que on interdit l'accès des boîtes échangistes aux enfants mineurs...
(Ovidie pousse un long soupir dubitatif et répond d'un rire amusé/gêné).
Ovidie : - Est-ce qu'elle n'a pas dit ça pour provoquer ce jour-là? Je suis absolument pas de ce point de vue-là...
Enthoven : - Vous êtes plus conservatrice qu'elle...
Ovidie : - Euh... Je sais pas si je suis conservatrice. Je pars juste du principe que je pense qu'il faut respecter quand même un minimum la légalité. Je pense que la pornographie doit en effet rester à sa place, c'est-à-dire à un public averti. Je trouve pas ça absolument fantastique quand je me promène entre autres avec ma fille dans la rue de voir des paires de fesses partout. (...) Pourtant, je suis pour une pornographie libre, je suis contre toute forme de censure, mais là, non, c'est vrai qu'en effet, être matraqué d'images qu'on ne souhaite pas recevoir, c'est pénible."
1) "Rester à sa place", répété en outre deux fois, quel vocable moraliste! J'en suis outré! Quelle est cette place, justement? Celle de la marginalité sulfureuse, celle de l'hypocrisie actuelle? La pornographie s'accommoderait-elle assez de sa libération pour ne pas songer à contester sa position de coucou ou de parasite? Pourquoi Enthoven n'en profite pas pour recaser comme contre-argument les profits exorbitants que génère la pornographie en Occident, les dizaines de milliards de dollars qu'elle charrie pour l'industrie américaine?
2) L'implication d'Internet est stupéfiante (sans vilain jeu de mots). Ovidie reprend la vieille technique éculée (j'ai dit : éculée) qui consiste à dénoncer facticement et en apparence ce qui fait plus qu'arranger vos intérêts et que vous avez largement contribué à développer. C'est ainsi qu'Ovidie bénéficie d'un site Internet très pointu et étudié, en théorie interdit aux mineurs (meilleur moyen d'attirer les petits malins adolescents), et dont elle s'empresserait de vanter les mérites irréprochables et la légalité évidente.
3) Je le répète, mais c'est un paradoxe évident et peu reconnu : le discours d'Ovidie, comme de tous les défenseurs de la pornographie que je connaisse, est d'un moralisme à faire pâlir d'envie un tartuffe. Coup de génie que celui du pornographe : se faire passer pour un subversif, un sulfureux, un rebelle en butte à toutes les oppressions de la société, un incompris injustement marginalisé alors qu'on tire les fruits directs de cette construction et que cette construction est destinée à promouvoir le succès et la mode de la pornographie. L'acmé de ce puritanisme pornographique intervient au moment où Ovidie, après s'être opposé à la proposition de Iacub, et après avoir matraqué explicitement son légalisme, en vient à expliquer son point de vue par son rôle de mère. Quel est le statut d'Ovidie? S'arrogerait-elle le droit de jouer sur tous les tableaux, moraliste et subversive, mère de jour et - pornographe de nuit?
4) La proposition de Iacub est évidemment ridicule et illustre l'ensemble des prises de position intempestives de cette féministe dévoyée. Passons. J'aimerais signaler à Enthoven que l'accès des boîtes libres-échangistes aux enfants mineurs ressortit d'un lapsus hilarant. Par définition, un enfant est mineur. Enthoven voulait sans doute parler d'adolescents mineurs, c'est-à-dire d'individus dotés de sexualité, mais non reconnus comme responsables parce que flirtant avec la limite. C'est le jeu de la pornographie de flirter avec la limite, au nom de l'imperfection des choses, et Iacub se livre moins à une pauvre provocation qu'à une provocation conséquente dans son rôle de harceleuse de limites et d'ouvreuses de brèches. Pourquoi ne surnommerait-on pas Iacub Ovalie? Avec Ovidie, elles formeraient un sacré couple... J'en reviens à mes moutons : la mention d'enfants pose problème... Quel rôle joueraient ces enfants? Spectateurs-voyeurs? Participeraient-ils aux orgies, auquel cas la pédophilie serait explicite? On comprend qu'Ovidie, si elle a une fille, soit libre, mais tout de même pas au point de confier sa fille entre les mains de pervers libidineux comme ceux que l'on trouve dans les boîtes libres-échangistes (et dans les romans de Sade).
5) En attendant de nous éclaircir sur ces innovations, Enthoven s'empresse de se rattraper de sa bourde-confusion-provocation en titillant Ovidie : serait-elle plus conservatrice que Iacub? Ovidie s'insurge et s'emberlificote les pinceaux. Je citerai Montaigne : les périls du changement tiennent presque toujours dans le remplacement d'une coutume imparfaite mais viable par une innovation bouleversante, mais plus imparfaite encore.
6) Ca y est, Ovidie nous donne la clé : la pornographie est légale et reste à sa place quand elle s'adresse à un public averti. Averti de quoi? J'attends justement avec impatience que les spectateurs potentiels soient réellement avertis, que le réel revienne en force, que des campagnes objectives relaient la vérité sur le milieu de la prostitution, sur la réalité des scènes, sur la fréquence de la violence généralisée. Cet avertissement sonne comme un signal lugubre en ce qu'il relève malheureusement de la mauvaise foi : faire mine d'avertir alors qu'on avertit de détails insignifiants et retouchés (donc faux).
7) La fin de l'échange est tellement drolatique que je me refuse à la commenter. Auparavant, Ovidie la mère moraliste, qui s'empresse de relayer le message, qu'on peut être dans le cul et mère de famille, femme normale, épanouie et équilibrée, c'est-à-dire ni cas social, ni personne handicapée, ni quoi que ce soit, a lâché cet aveu merveilleux : "Je pars juste du principe que je pense qu'il faut respecter quand même un minimum la légalité." Ce respect minimum, c'est l'antienne d'Ogien, le philosophe analytique en manque d'analyse post-anale, c'est aussi le discours moral par excellence. Soit le fait de chercher des fondements, d'édicter des principes, de clarifier le réel au nom de l'ordre et des limites. Et dire qu'Ovidie, Ogien et Iacub se réclament de leur subversion anti-morale, alors qu'ils en sont les plus fidèles vecteurs! Et dire qu'on s'étonne du détournement de la pornographie dans la société civile, alors que les moralistes du système et les moralistes du philo-cul se tendent la main sous la table et se font du pied en toute légalité (je veux dire : impunité)!
samedi 15 septembre 2007
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