jeudi 27 septembre 2007
Les chemins du plaisir 115
La limite est omniprésente en pornographie en ce que la pornographie interroge la limite. Le combat que s'arroge la pornographie contre la morale, alors qu'elle est l'expression du moralisme le plus dévoyé, renvoie à l'impossibilité d'édicter un principe de limitation et à la tentative, intéressée, d'arguer de l'impossibilité pour établir la limite de la violence. Pourtant, cette limite est la moins pérenne. Le principe de la limite revient surtout et déjà à poser la limite. Le principe de limitation consiste à incarner la différence, en instaurant l'extériorité comme ce qui ne relève pas du domaine de l'homme. Autant le dire de suite, le débat portant sur la bonne limite qu'entretient la pornographie pour nier la limitation autre que la sienne est vain. Il n'y a pas d'autre limite qu'empirique. Autrement dit : il n'est de principe que dans la mesure où le principe instaure la limitation. Quant aux cordonnées de cette entreprise, elles varient en fonction des agencements et des tâtonnements. Montaigne te Pascal ne savaient que trop ce fait, que l'ordre s'établit sans se réclamer d'un principe, puisque le principe n'est autre que le néant. Le pornographe doit être certainement borné pour ne pas se rendre compte que si le principe n'a toujours pas été découvert par Platon (découverte qui aurait été bien tardive), c'est qu'il n'existe pas littéralement, à l'instar du diable. Son existence symbolique lui confère cependant plus de force. Plus on cherche le principe, moins on cherche la délimitation pérenne. Le propre de la limite, c'est d'être pertinente dans la mesure où elle respecte le changement. La limite qui ordonne et accepte son évolution est une limite qui prospère sans se soucier de ses contours. Quand la limite commence à s'essouffler, elle se retourne, elle se pose, elle plastronne sur soi-même, bref, elle réclame d'autant plus le principe du principe qu'elle ne sent que trop sa fin prochaine. Quand la limite revendique le principe de son principe, c'est qu'elle réfute la vie et le changement. Elle s'atrophie, elle se chagrine de sa peau flasque et fade, elle sait qu'elle est de l'ordre le plus fragile, de l'ordre inférieur, l'ordre le plus près de l'anéantissement, au ras des pâquerettes. L'ordre qui refuse sa destruction et son évolution est d'une limite bien ténue, peu forte. Comme dans le nationalisme en politique, qui signale surtout la pauvreté de l'identité nationale revendiquée, l'exacerbation de la question de la limite prouve l'identité frelatée de l'ordre ainsi défendu à corps et à cris.
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