jeudi 20 septembre 2007

Les chemins du plaisir 91

Enthoven : - Est-ce que l'image qui est donnée de la femme dans Koh-Lanta, par exemple, pour ne pas citer l'émission qui est sur TF1, vous semble euh...
Ogien : Non, je suis d'accord avec vous, y'a tellement d'autres choses, c'est pour ça que j'ai pensé que la focalisation, si vous voulez, un peu monomaniaque sur la pornographie, alors qu'il y a tellement d'autres choses qui abaissent, enfin, qui vont à l'encontre de la dignité des femmes, était suspecte."


1) L'argument que déploie Enthoven exhale par tous les pores la mauvaise foi rance. En somme, le négatif permet de faire passer le négatif pour positif, au terme d'une différenciation implicite entre les deux négatifs qui laisse pantois l'auditeur. Ca me rappelle Matzneff relativisant les crimes de certains pédophiles au nom des atrocités commises par les Américains au Vietnam (point de vue de gauche, s'il en est). Comme par enchantement, la pornographie se trouverait réhabilitée du fait que des émissions stupides et portant atteinte à la dignité des femmes sont diffusées sur les chaînes hertziennes... Le raisonnement sain consisterait à condamner tous les travers selon leur juste mesure. Au fait, puisqu'Ogien approuve, comment se fait-il que le raisonnement reconnaît implicitement et insidieusement l'atteinte à la dignité des femmes (dans Koh-Lanta) alors qu'il prétendait le nier (dans la pornographie seule)? La comparaison laisse apparaître la contradiction la plus grossière... Il faudrait savoir et cesser de commettre de telles fautes contre l'entendement. Pour un philosophe, c'est suspect; pour un logicien professant l'objectivité, cela se passe de commentaires superfétatoires!
2) Je ne sais pas quel complexe agite Ogien, mais le "non, je suis d'accord avec vous" est des plus savoureux!
3) "Il y a tellement d'autres choses qui abaissent, enfin, qui vont à l'encontre de la dignité des femmes" : explicitement, Ogien reconnaîtrait-il, quand l'argument semble l'arranger, l'existence d'une dignité qu'il déniait quelques secondes auparavant quand elle s'appliquait à la pornographie?
4) Quant à ce sexisme inversé, je proteste : si atteinte à la dignité il y a, elle ne saurait s'appliquer qu'à l'être humain, sans préjuger de son sexe!
5) "focalisation monomaniaque", "suspect" : bigre! Le contempteur de la pornographie se trouve soit promis à l'asile de fous, soit à la garde à vue. On remarquera que ce jugement pourrait opérer pour des prohibitionnistes particulièrement intransigeants, mais qu'il est ridicule à l'encontre d'abolitionnistes conséquents. Où le raisonnement devient tordu et tortueux, c'est quand notre logicien de choc commet son coup de force contre la logique et surtout le jugement. Il faudrait savoir : soit le prohibitionnisme est suspect dans tous les cas - et Ogien est un prohibitionnisme, puisqu'il prétend enfermer ceux qui ne sont pas d'accord avec lui (et dont il caricature grossièrement le point de vue en pratiquant l'amalgame éhonté); soit la partialité prime - et Ogien a le droit, fort totalitaire, de prononcer tous les anathèmes du monde, au nom du droit arbitraire à excommunier du champ de la réflexion ceux qu'ils accusent de préjugés, sinon d'anathèmes.
6) "y'a tellement d'autres choses" : ce relativisme bien connu n'est pas seulement nauséabond. Outre le fait qu'à présent Ogien reconnaît implicitement que la pornographie est un méfait (pour la dignité des femmes), aveu qui ne manque pas de sel dans sa bouche, cette reconnaissance mérite d'être taxée de véritablement suspecte dans la mesure où :
- elle ne reconnaît le mal qu'à condition de le faire passer pour un bien (la pornographie n'est pas si mal puisqu'il y a aussi d'autres choses mal);
- elle dispense un catéchisme d'un moralisme effrayant (Bien/Mal), alors que notre logicien bafouillant prétendait sortir de la morale, l'antienne à la mode.
- elle rétablit l'omniprésence du vocabulaire de la chose chez le pornographe. Sous-entendu : le mal n'est pas si grave, puisqu'il s'applique à des choses...

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