dimanche 2 septembre 2007

La bêtise d'Einstein

Il existe un préjugé répandu qui court sur la bêtise : l'imbécile serait ce crétin qui exprimerait des évidences rebattues, quand la profondeur consisterait à exprimer des domaines jamais entrevus. Les oppositions une nouvelle fois se rejoignent. Il est tout à fait certain que le même principe est en mesure d'expliquer la dévalorisation des évidences et la promotion de la différence. On me permettra de remarquer que les grandes découvertes ont toujours affecté les évidences rebattues. On ne renouvelle jamais que les évidences. Le monde de l'homme n'évolue pas tant que l'homme ait accès en permanence à des choses inconnues. Au surplus, chaque découverte témoigne du coefficient d'identité qui affecte chaque chose, y compris parmi les découvertes les plus considérables, ainsi qu'en témoigne la conquête de l'Amérique par les Européens, ainsi que l'enseignera la prochaine conquête de l'espace. C'est ce dont témoigne Heidegger : "Notre relation à ce qui nous est proche est depuis toujours émoussée et sans vigueur. Car le chemin des choses proches, pour nous autres hommes, est de tout temps le plus long, et pour cette raison le plus difficile" (Le principe de raison). La bêtise ne consiste pas à énoncer des évidences, tant s'en faut, mais à s'en tenir à l'écume des évidences. Le propre de la démarche d'un Einstein fut d'interroger nos évidences les plus intimes, les plus solidement ancrées en nous, nos conceptions si établies du temps et de l'espace comme essences irréfragables. Avec le résultat que l'on connaît. Einstein fut un génial théoricien physique, doublé d'un impayable utopiste philosophique, preuve que le génie dans certains domaines s'accompagne de béances parfois consternantes dans d'autres. Einstein est le même homme qui révolutionne la physique de fond en comble, en énonçant que le temps et l'espace ne signifient rien absolument, et qui, parvenu au faîte de la gloire et de la reconnaissance (tiens, tiens...), explique pompeusement (tiens, tiens...) que la paix, c'est beau, la violence, c'est pas bien. Un peu de nuance. Constater qu'il pleut n'est stupide que si les interlocuteurs sont eux aussi au courant des trombes d'eau qui s'abattent au même moment. Exposer avec force détail et sérieux que l'eau, ça mouille est stupide (et irritant ou hilarant) parce que chacun sait d'expérience cette vérité, non parce qu'il s'agit d'une évidence. Enseigner à un jeune enfant ignorant que l'eau mouille est une démarche intelligente. La bêtise n'est pas tant le fait d'accéder au réel que de le dénier au nom de la reconnaissance étriquée d'une infime partie du réel. Quant à la profondeur, elle renouvelle dans la mesure où elle dévoile ce que l'habitude avait enseveli sous des monceaux d'idées toutes faites, littéralement de préjugés.

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