samedi 1 septembre 2007
La fable du monde
Que je sache, quand on dit de quelqu'un qu'il est con, on dit qu'il est bête, on ne dit pas qu'il est femme. Face à un imbécile, on ne dit pas : "Fais pas ta femme", "fais pas la meuf" ou que sais-je. C'est bien le sexe féminin qui est visé, plus que la femme. Le malentendu sur le machisme réside peut-être dans cette difficulté insurmontable, plus pour la femme que pour l'homme d'ailleurs, à distinguer la femme comme personne de la femme biologique, ramenée à son statut de reproductrice et de pur sexe. C'est bien entendu la démarche de tous ces machos qui voilent intégralement les femmes, au motif que l'exhibition de leurs traits dérange le désir (masculin). Au final, voiler la femme sous prétexte de la protéger des regards mâles aboutit à la réduire à l'état de sexe (couvert). Le sexe féminin engendre le scandale, soit problème insurmontable, en ce qu'il est à la fois cet ordre installé, ce donné immuable, qui est là à jamais et qui en même temps produit de l'ordre à partir du rien. Définition du mystère. Ce n'est pas hasard, mais bien signification profonde, si Courbet, l'impénitent Gaston, a nommé son fameux tableau L'Origine du monde. Quel scandale que l'accueil de ce tableau, mais aussi quel scandale que tout projet qui prétend dévoiler l'origine des choses en exhibant le sexe! Si les films pornographiques ne mettaient en scène que des hommes explicitement nus, je ne crois pas que le scandale serait aussi retentissant. Pour que scandale il y ait, encore faut-il que le scandale procède du caractère inexplicable du monde. Le tabou consiste à montrer toute origine, puisque l'origine est toujours une approximation contestable. Objet du scandale : l'origine de l'homme. Mais ce sont, comme par enchantement, les mêmes machos primaires qui prétendent voiler les femmes et dénier au darwinisme ses lettres de noblesse en tant que théorie scientifique (et nullement croyance dogmatique). L'origine du monde (de l'homme) : c'est de là en effet que l'homme vient, mais c'est aussi bien le problème de l'origine du réel. Voiler la science et voiler la connaissance, en somme. Comment expliquer que l'origine du monde tienne dans le désordre? Que ce soit le désordre qui accouche de l'ordre? Faire le con, ce n'est pas tant faire la femme, loin s'en faut, que s'arrêter à l'ordre. Ne pas être bête, c'est ne pas prendre pour argent comptant la fable de l'ordre comme fable du monde.
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