vendredi 31 août 2007

Des connes

Dans sa fameuse chanson, Brassens explique : "Le temps ne fait rien à l'affaire/ Quand on est con, on est con". Il n'est pas anodin que la bêtise soit dénommée con. Selon le TLF, le con est le "sexe (organes génitaux externes) de la femme". On peut citer quelques expressions : "Grand, petit, sale con; une bande de cons; avoir l'air d'un con; être le roi des cons." "Tu es encore plus con que tu n'en as l'air", est-il lancé dans Sartre (La Mort dans l'âme). Mais aussi : "Je le trouvais con comme la lune" (Céline, Mort à crédit). Pourquoi la bêtise est-elle couramment taxée de conne? Est-ce seulement du fait d'un machisme et d'une misogynie sans nom? Misogynie, je ne sais. Après tout, la femme n'est pas un con. Ramener la femme à son sexe est réducteur. C'est bien le mécanisme de la bêtise qui réduit. Traiter le bête de con est proprement con. La référence au sexe de la femme s'explique en ce que le sexe de la femme est "pris comme symbole de l'impuissance et de la passivité". Que pourrait être l'impuissance ontologique? Le fait de concevoir que le réel est l'ordre. C'est aussi le privilège ambigu du con que d'accoucher (dans tous les sens du terme) d'un certain ordre, d'une certaine forme de vie. Du con sort le petit d'homme. Comme le déclame Michelet, (Journal) : "C'est non seulement le propagateur de la nature, mais le conciliateur, le vrai fond de la vie sociale pour l'homme". Par sa sexualité, la femme est bien placée pour savoir que l'ordre procède du désordre et, en même temps, son statut biologique (pour l'instant) la contraint, quelle que soit son intelligence, à dénier le désordre au profit d'une reconnaissance exclusive et conne de l'ordre (reconnaissance compensatrice peut-être). Traiter la bêtise de conne, voilà qui fait désordre! Le piège à cons est "l'attrape-nigaud." "Ne fais pas le con", lance-t-on à celui qui déraisonne. Autrement dit : tu te montreras raisonnable le jour où tu cesseras de contrefaire le con, de t'arrêter à un certain ordre de choses. Instituer de l'ordre suppose la reconnaissance essentielle du désordre. Fuir la bêtise suppose que le con ne soit que l'ordre brut abritant autre chose de (fort) mystérieux. S'arrêter au con comme donné sexuel féminin est réducteur. Le tout-ordre fait désordre. La réduction ontologique consiste à ne distinguer que de l'ordre. Trop d'ordre tue l'ordre. De ce point de vue, le célèbre tableau de Courbet L'Origine du monde est sans aucun doute (et que Julien m'excuse), aussi bien que les scènes pornographiques, d'une redoutable connerie s'ils sont pris au pied de la lettre. Trop réducteurs pour former un peu d'ordre. Comme la pornographie, à ma connaissance, n'est jamais que du sexe brut, du sexe pour le sexe, un empilement massif et (vit) indigeste de sexe, le tableau de Courbet recèle une valeur artistique si sa représentation (on y revient) ne se borne pas à montrer un sexe féminin (peut-être au sortir d'un rapport sexuel), mais autre chose du réel derrière l'apparence, quelque chose comme du désordre derrière l'ordre ou le fait que tout ordre procède du désordre. Au sens propre, la représentation conne, passive, impuissante est bien celle de ces (faux) réalisateurs de films de cul qui prennent à ce point leurs spectateurs mâles pour des cons (s'ils savaient!) qu'ils entreprennent de leur montrer du réel une couilonnade qui n'a de réel que le nom ou la semblance.

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