samedi 8 septembre 2007
Le roi n'est pas mort, vive le roi!
Au Palais Honmè, la cruauté humaine est de rigueur. La mort du roi est saluée hors du palais par des proverbes modèles de périphrases (du genre, en mieux exprimé : la nuit s'est couchée sur le palais). L'annonciateur de l'événement est un héraut tragique. Choisi depuis sa naissance au sein des hautes familles de Porto-Novo, il est décapité dans l'heure suivante. Les traditions sont inflexibles et cruelles : personne ne peut annoncer à la Cour la mort du roi sans mourir à son tour. Nul ne saurait être témoin de la mort du garant par excellence, ce fondement sans lequel le pouvoir ne s'exerce convenablement. Le pouvoir ne meurt pas. En ces traditions animistes, le christianisme n'a pas racheté la faute des hommes. Pour que la société vive sans trop de heurts, il faut un fondement inexpugnable, abonné à l'éternité. La mort réclame son lot de boucs émissaires pour instituer la vie dans ses prérogatives pérennes. Justement, les traditions à Honmè n'ont pas épuisé leur compte insatiable. Pour satisfaire la mort, il faut du sang, beaucoup de sang. Avant que les chrétiens n'instituent le pardon dans la balance de la vie, procédé visant à remplacer le troc sanguinaire par l'entremise de la puissance divine (sous-entendu : les forces telluriques unifiées sont en mesure de satisfaire à la mort), tous les serviteurs du roi défunt étaient exécutés, mais aussi ceux chargés de l'ensevelir. Là réside sans doute le point crucial, de loin le plus remarquable. Personne ne sait exactement où le roi repose, pour justement que le roi repose en paix, que nul ennemi ne trouble ses mânes, que nul grigri ne gêne sa transhumance harmonieuse dans l'autre-monde. Si le corps du roi est à jamais insaisissable, c'est pour que la mort n'agisse pas comme ce fardeau ou ce poison qui engloutit la vie dans des peines insurmontables. Bien avant les chrétiens, les animistes, adeptes du culte des ancêtres, proclamaient déjà la maîtresse-intuition de l'homme : la vie est plus forte que la mort. Sauf qu'eux soignaient le mal par le mal, stratégie bien connue des sorciers du vaudou. Paradoxe d'une profondeur vertigineuse : pour sauver de la mort, il faut tuer. L'éternité est à ce prix. Le christianisme apportera une inflexion considérable à ce postulat cruel : la mort n'est jamais qu'une forme très courante de vie, n'en déplaise à l'ineffable Nietzsche.
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