mercredi 12 septembre 2007

Les chemins de plaisir 15

Catherine Breillat, intervention en citation : - Quand j'ai fait Romance, (...) je me souviens très bien, il y avait les Inrockuptibles qui faisaient un numéro spécial sur la pornographie, (...) et je leur ai dit : "Mais vous allez être très, très, très déçu, le film n'est vraiment pas pornographique et je ne sais pas pourquoi. Parce que vraiment on a essayé, on avait pas de censure, on avait vraiment essayé, mais dans le fond la pornographie c'est de la chair morte. C'est la chair à laquelle on enlève toute âme. Toute chair qui a une âme n'est pas pornographique, finalement. Donc c'est se servir des corps comme d'un objet de consommation. Si on s'en sert comme d'un sujet d'aspiration, (...) on voit le désir."

Je voudrais remercier Enthoven et sa bande pour ce choix courageux, véritablement anti-nihiliste. Où l'on voit que le nihiliste aussi mérite d'être sauvé du pur néant, puisqu'il possède en lui la force d'échapper à son piège sans fond. Catherine Breillat signe la meilleure intervention de toute la semaine, à n'en pas douter. Qui est Breillat? Avant d'être une pornographe déçue, c'est une totalitariste revenue de la violence politique, ancienne et fugace militante d'Occident, si je ne m'abuse. De la même manière que Breillat a dû se rendre compte que le nationalisme était une gageure politique, Breillat prend conscience que le totalitarisme esthétique débouche sur une impasse. Soit on fait de l'art, soit de la pornographie. Le propre de l'art est bien de donner une âme au sensible, soit de représenter ce mystère de la présence ontologique. Le propre de la pornographie est d'abolir la difficulté du mystère, en évinçant le mystère (le réel) au profit de la représentation. Du coup, la réduction ontologique qu'opère l'oukase de l'Hyperréel aboutit à une extension universelle du sensible considéré comme paradigme de l'Hyperréel et du Même. La plus grande des violences revient précisément à engager ce processus infernal, qui correspond au mot près au mythe de Faust. La chair sans âme, c'est cet Hyperréel vidé de sa chair au profit d'une extension abusive de la chair qui n'est rien d'autre qu'une négation véritable de cette même chair. La remarque de Breillat n'est pas seulement profonde. Elle est (onto)logique. Reste à noter que Romance est un raté artistique, en ce qu'il est le manifeste esthétique de al contre-pornographie. Pour faire un bon film, il ne suffit pas de constater qu'un film X n'est pas un film de cinéma (un film artistique). Le plus dur reste à - créer...

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