mardi 11 septembre 2007

Les chemins du plaisir 5

R. Enthoven : "Qu'est-ce que le principe selon lequel on doit traiter l'autre comme une fin et jamais comme un moyen peut répondre à l'expérience que décrit cette femme..."

Je coupe provisoirement la question d'Enthoven pour remarquer l'invraisemblable mauvaise foi qui préside aux postulats masqués (et manqués) de notre prestidigitateur-ontologue (transmuter la violence en néant pour mieux rétablir la violence bel et bien réelle) : d'une part, comment peut-on opposer ici la théorie intellectualiste de type kantien à l'expérience de l'apologie de la sodomie, de la douleur et de la domination comme plaisir? C'est comme si la maxime kantienne était une belle utopie inopérante dans l'empire du réel, alors que la confession de Bentley est vraie. Si Enthoven s'appuyait sur de savantes enquêtes pour légitimer sa théorie implicite, il serait en droit d'avancer ce qu'il avance. Le problème est que les enquêtes livrent de la sexualité humaine un reflet qui, à une écrasante majorité, diffère de l'expérience que narre Bentley. L'expérience que relate Bentley n'est riche de sens que dans la mesure où elle n'incline pas à penser la sexualité majoritaire. Autrement dit, l'expérience de Bentley est ultraminoritaire. Autrement dit encore, cette expérience n'a pas valeur de vérité parce qu'elle est expérience. Enthoven n'est pas un implacable empiriste (rude réel, mais réel), il est le lampiste des fumistes. Tant s'en faut, la vérité des moeurs diffère grandement de l'expérience de Bentley. Je pourrais m'arrêter à ce vice grave de jugement, qui consiste à identifier l'expérience et la vérité (à désavouer la théorie au nom de l'expérience), alors que l'expérience relevée n'est jamais que l'exception qui confirme la règle. Mais la mauvaise foi mérite d'être appelée crapuleuse en ce qu'une succincte enquête sur l'existence de Bentley nous apprend les graves troubles qui accompagnent, avant, pendant et après, cette manière de vivre, de trouver son plaisir dans la douleur, de dresser l'apologie perverse de la souffrance et de la soumission. Le moins qu'on puisse relever, c'est que l'observation des résultats n'incite guère à l'imitation et à la délivrance. Se réclamer de l'expérience pour pousser à la destruction objective, voilà qui n'est pas poser un regard critique et de pur jugement; c'est pousser au crime. Et j'aimerais savoir ce qu'il en coûterait à un commentateur qui s'aviserait de dresser l'apologie du nazisme au nom des confessions d'un nazi qui avouerait s'être libéré et avoir rencontré Thor en embrassant le totalitarisme politique. Restons dignes.

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