Je reprends la question d'Enthoven et je la finis : "Qu'est-ce que le principe selon lequel on doit traiter l'autre comme une fin et jamais comme un moyen peut répondre à l'expérience que décrit cette femme au terme de laquelle c'est par la souffrance, la douleur, la soumission qu'elle accède non seulement au plaisir, mais surtout à son identité?"
Sans revenir sur la qualité de la réponse de Marzano, qui insiste sur l'identité de la pornographie avec le fait de toujours traiter autrui comme un moyen, j'aimerais revenir sur deux points.
1) Le plaisir n'est pas aisément définissable, même si je crois me souvenir que Platon donnait, parmi d'autres définitions du plaisir, celle de la cessation de la douleur (le plaisir, c'est quand ça ne gratte plus, par exemple). Sans doute le plaisir correspond-il en gros à l'obtention de la différence; sans doute se signale-t-il par le fait qu'il encourage la perpétuation et la permanence du réel. Sous ces deux angles, le fait de considérer qu'on obtient le plaisir par la douleur est une ineptie. Tout juste peut-on se servir de la définition platonicienne pour constater que chez Bentley une douleur préexiste, celle de la souffrance de la punition, et que c'est pour faire cesser cette souffrance première que l'on recourt à la répétition de la seconde souffrance qu'est la sodomie. La souffrance traduirait la cessation de la souffrance. Cette aberration est d'autant plus redoutable qu'elle engendre de dangereuses conséquences, puisque l'adjonction de la souffrance à la souffrance ne peut qu'aviver la souffrance. En revanche, la répétition de la souffrance provoque une dépréciation de l'identité et du plaisir (la répétition comme imitation conduit à la destruction ontologique).
2) Le fantasme médiocre de l'accession à l'identité et au moi est précisément l'illusion qu'instille l'esprit de la pornographie, cette conception selon laquelle le recours à la violence est bénéfique parce qu'il ordonne, il permet l'édification (je dirais : la réification) du moi. Justement, une conception conséquente de l'échange permet d'affirmer que la richesse de la différence et de la création passe logiquement et ontologiquement par l'expérience de la dépersonnalisation au sens noble et non psychopathologique du terme. Je dirais presque que la réalisation suppose la dépersonnalisation en ce que les individus ne sont jamais que des réceptacles de quelque chose qui les dépasse et qui se nomme l'échange. L'échange présuppose que la perpétuation du réel se passe entre les individus, au sein de l'altérité. L'idée que la violence affermit l'identité est d'autant plus mensongère que le recours à la violence en matière de sexualité conduit inévitablement à un contresens tragique quant à la compréhension de la sexualité. Celle-ci n'est épanouissement personnel que dans la mesure où elle conduit à la reproduction de l'autre. C'est son paradoxe et c'est la richesse de la morale de l'échange (à ne pas confondre avec l'amoral de l'échangisme).
mardi 11 septembre 2007
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