mardi 11 septembre 2007

Les chemins du plaisir 10

Marzano : "Dans le deuxième passage, très beau par ailleurs, pour quelle raison il y a quelque chose qui relève du moi et de l'identité (...) et de la découverte du moi? Parce que par la sodomie, par l'acte sexuel, on va toucher la rage. C'est-à-dire il y a quelque chose qui relève de la subjectivité qui est touché, donc cette femme n'est pas traitée uniquement comme un instrument, mais finalement tout en étant un objet de plaisir, elle devient elle-même sujet de sa vie, car elle peut se rapproprier de cette rage. Donc du coup la question ce n'est pas la dichotomie sujet/objet, mais finalement c'est quand l'autre n'est qu'un objet et ne peut pas être en même temps sujet et objet."

Petite précision : le deuxième passage en question concerne l'extrait de la confession de Bentley. Plusieurs remarques.
1) Marzano a tort de concéder à son hôte Enthoven que ce passage est beau. C'est faux. Ce passage est certes meilleur que les exhibitions de Catherine Millet ou les délires intimes de Matzneff, mais il ne faut pas exagérer, on passe de très loin à côté du chef-d'oeuvre!
2) Le danger de rétablir des catégories métaphysiques en gros platoniciennes, ou néo-platoniciennes, pour dénoncer l'imposture des valeurs pornographiques, c'est que les valeurs jugées positives se placent sur le même terrain que les valeurs dénoncées. Si bien que le partisan de la violence sexuelle et de la pornographie a beau jeu d'expliquer que lui aussi est pour le plaisir, le respect du moi, de l'individu, de la subjectivité, du consentement, j'en passe et des meilleures.
3) Expliquer qu'on se rapproprie sa subjectivité par la rage est périlleux et faux. La rage signale la violence retournée contre soi-même. En toute rigueur, en rigueur saine, il faudrait expliquer que la lucidité et le plaisir sont positifs quand ils permettent de rapproprier les intervalles de l'échange, quand les mécanismes complexes de l'altérité sont relancés, et non pas niés, comme c'est le cas ici avec ce témoignage de la violence utilisée en désespoir de cause par une victime sous emprise de la violence et pour résoudre sa/la violence.
4) Marzano en vient à se tromper pour éviter l'accusation débilitante de moraliste et surtout parce qu'elle sent plus qu'elle ne peut l'expliquer que les valeurs de la pornographie et de la violence sexuelle sont destructrices. Le propre de l'argumentaire dévoyé et pervers, tel qu'Enthoven le mène, en associé du diable patenté et fier de l'être (les associés du diables sont toujours des rhéteurs et des juristes), soit en avocat de l'Adversaire, consiste à instiller la confusion des valeurs, à jouer sur les illustrations limites. Tel cas est-il condamnable? Tel autre, fort proche, acceptable? Au final, on s'embrouille et on préfère tolérer l'inacceptable plutôt que de se creuser le crâne en vain. La complexité des appréciations n'est pas compatible avec les règles et les conventions de l'échange oral, pas plus qu'elle n'appelle la condamnation, l'anathème ou l'indignation.

Aucun commentaire: