mardi 11 septembre 2007

Les chemins du plaisir 9

Marzano : "Le problème commence à partir du moment où l'autre en tant qu'individu disparaît pour n'être qu'une chose."

Cette belle affirmation m'apparaît quelque peu péremptoire en ce qu'elle a tendance à éviter le piège de la normativité pour encourir un piège plus grand encore. Il est très louable d'éviter les préjugés, la discrimination et le dénigrement violent des différences quand ces différences sont minoritaires. Le vrai débat est de distinguer entre des violences minoritaires mais créatrices, et des différences minoritaires destructrices (et qui précisément sont minoritaires dans la mesure où elles sont destructrices). Je crains fort que le cas de Bentley se rapporte à la seconde distinction et que, sans appeler à son enfermement pour la vie, son exemple ne soit pas pertinent pour l'éducation sexuelle d'une jeune femme à qui l'on souhaite équilibre identitaire et joies de l'existence. Ayant pris soin de ne pas passer pour une farouche moraliste, une horrible coincée que l'évocation de la sodomie effraie, Marzano oublie que le principal piège est de ne pas réhabiliter insidieusement les valeurs qui fondent l'Ordre, comme prolongement omnipotent (et abusif) de l'ordre ici-bas constaté. Précisément, l'altérité et l'échange consistent à créer l'identité dans l'interstice (ou l'intervalle) entre les individus. Le plaisir provient de la désindividualisation, non comme dépersonnalisation pathologique, mais comme différence ontologique et création singulière. Précisément, le rétablissement du moi, de l'individu est l'objectif crucial que recherche la pornographie, car toute légitimation crapuleuse et vicieuse consiste à se réclamer de l'Ordre pour expliquer son impayable forfait. Ce n'est qu'en postulant que l'individu est une fin indépassable que l'on en arrive à considérer que des pensées nihilistes comme la négation de l'altérité, le pur plaisir personnel, le refus de l'échange, de la différence et de la perpétuation sont des conceptions rigoureuses. Des conceptions de Père la Rigueur, je veux bien. Pour le reste, cette rigueur-là recèle le poison de l'aigreur.

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