mercredi 22 août 2007

Ombre solaire

Grâce à You Tube, je tombe sur un vif échange, probablement intervenu lors d'un Esprits Libres de Durand, entre Sollers et Luc Ferry. Il est toujours amusant de constater que l'émission intello et stéréotypée par excellence se désigne au moyen d'une appellation au titre ronflant et vaguement nietzschéen, mettant en avant la liberté de l'intelligence. Raison pour laquelle figurent sur le plateau des esprits aussi roboratifs que Sollers et Ferry. Ferry a bien raison de contredire Sollers, mais pourquoi les deux compères font-ils mine de se disputer en se tutoyant? Parce que Ferry a le tort de rappeler qu'en Mai 68, Sollers était maoïste flamboyant et qu'il se vivait à la gauche du communisme soviétique, jugé social-démocrate (sic); alors que Sollers prétend, très énervé, comme tous les nihilistes amoralistes quand ils sont pris sur le fait et dans leurs oeuvres (je veux dire : torts), qu'il était maoïste par opposition au soviétisme. CQFD : être maoïste, c'était donc avoir raison! Je comprends maintenant mieux pourquoi l'impayable Sollers, après avoir été un des soutiens de Balladur en 1995, fut aux côtés de Royal en 2007... Plus on a tort, plus on a raison. Ce doit être aussi la raison pour laquelle Sollers, quand il pontifie, se range du côté de Nietzsche : grâce au Surhomme, le nihiliste a trouvé le moyen de renverser la morale afin de réhabiliter l'immoral. C'est ingénieux : selon le critère moral, l'homme bon devient ainsi, à en croire Zarathoustra notamment, l'abominable monstre, tandis que l'homme supérieur, cet incompris, est ravalé au rang des monstres ignobles... Tout à fait d'accord pour ne pas verser dans le moralisme (sans pour autant sombrer dans l'immoralisme), j'observe les arguties de Sollers relayées par la Toile avec une incrédulité goguenarde : cet homme qui s'est trompé toute sa vie aurait-il la naïveté arrogante (sa marque de fabrique) d'estimer que c'est avec Nieztsche, et surtout avec ses apôtres iconoclastes et postmodernes, adeptes de la trahison fidèle, que nous renouvèlerons le monothéisme décadent (dont Sollers est l'un des modèles remarquables, en tant que fervent papiste nietzschéen)? La ruse est plus simpliste - et décevante. Avec Sollers, nous tenons le raisonnement crapuleux qui consiste à expliquer benoîtement (dix-sept fois sans doute) que la crapule est l'homme de bien et que l'homme supérieur est pris pour la crapule. Sous-entendu : je suis ledit homme supérieur et c'est pour cette raison que les hommes de bien me désignent comme crapule. Malheureusement, Phil(istin), ce n'est pas en transmutant (transmutons! transmutons!) les valeurs à tout va que l'on changera un iota au réel.

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