vendredi 31 août 2007

Piège en eau claire

Le piège de la bêtise consiste à jouer sur le même terrain que l'intelligence, celui de la pensée, de la production de sens, de l'élaboration d'ordre. Chercher du sens procède autant de l'intelligence que de la bêtise. La différence est ténue, quasi inexprimable puisque la différence tient au domaine de l'asensé, échappe à l'univers du sens : l'intelligence établit de l'ordre en ce qu'elle crée le sens sur l'ombre du chaos. L'intelligence parvient à créer de l'ordre à partir du désordre. La bêtise répète de l'ordre en rapportant le réel à cet ordre. De ce point de vue, la bêtise est mesquine et étriquée. Elle parvient toujours à une réduction ontologique. C'est le statut qui diffère entre la bêtise et l'intelligence. Par la suite, la bêtise suit les mêmes chemins et le même processus que l'intelligence. Pour se guérir de la bêtise, il faudrait au bête lutter contre son esprit de plomb qui est son adhésion au sérieux. Un peu de dérision, et la bêtise sortirait de son confort. Mais c'est le propre de la bêtise que d'être incurable parce qu'elle est confort. Plût au Ciel que la bêtise cuise et nuise au bête! Malheureusement, l'imbécile heureux ne relève pas de l'oxymore. La bêtise donne trop de sens à la vie, trop de certitude, trop d'assurance. La bêtise est bien assurance tous risques, et il faut reconnaître que la supercherie est inexpugnable si elle protège du risque majeure de l'existence, la reconnaissance de l'incertitude. La bêtise par définition sait, tandis que l'intelligence ne sait pas. Différence profonde entre Bouvard (et Pécuchet), Deleuze (et Guattari) ou le mandarin d'université d'une part; Socrate (et Platon), Montaigne (et La Boëtie) ou le balayeur qui a compris les dangers de vivre pour travailler.

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