mardi 25 septembre 2007

Les chemins du plaisir 104

Se rend-on compte qu'Ogien livre avec un aplomb confondant de la liberté la définition du totalitarisme libertaire? Laisser entendre que l'individu est libre de faire ce qu'il veut de sa propre vie (à condition qu'il ne nuise pas à celle d'autrui) est rigoureusement fausse et se trouve démentie par de nombreux exemples. Il est facile de montrer, et Kant notamment l'a fait, que l'individu n'est pas propriétaire de sa vie, que sa vie appartient au genre humain, en relation avec le passé, le présent et le futur. Sans doute est-ce la raison qui provoque chez Aristote tant d'hésitations entre l'individu et l'espèce pour localiser, si je puis dire, l'essence. La définition que reprend Ogien légitime l'idée de liberté comme libération des limites. La mauvaise foi, patente, mérite d'être décortiquée comme un modèle du genre. Ogien introduit une fausse limite en ce que l'individu comme limite de la liberté absolue est éminemment contestable. Nul besoin de revenir sur les preuves qui démontrent la légèreté avec laquelle Ogien expose son objectivité. Je me demande d'ailleurs si Ogien ne confond pas, avec une certaine bonne foi déconcertante, objectivité et objectivation, tant il use et abuse de procédés qui consistent à attaquer au nom de l'objectivité, alors qu'il se situe, plus que la polémique, dans le parti-pris de la plus haute partialité (et, ajouterai-je, de la plus haute impertinence à l'encontre de la réalité). Il résulte de tout ce fatras, professé avec l'aplomb du moraliste nihiliste, une doctrine de l'Etre qui correspond en tous points aux attendus de l'ultralibéralisme. L'annonce fracassante de l'individu comme fondement ontologique permet :
1) de légitimer, par le truchement du plaisir et de la violence notamment, la réification du monde extérieur, puisque l'individu-fondement étant l'essentiel, l'environnement sombre dans l'accidentel.
2) de réifier le fondement lui-même, puisque l'individu ne se trouve promu au fondement du réel qu'à la condition de présenter l'apparence et l'immédiateté comme les prémisses de tout discours ontologique.
Inutile d'ajouter à ce tableau consternant qu'Ogien présente sa méthode comme l'éloge du minimalisme, minimalisme ontologique qui sonne comme un aveu de la défaite de la pensée (le nihilisme incarne la défaite de la pensée), tant il est vrai que le minimalisme se confond (malheureusement) avec la réduction ontologique et que l'on ne comprend trop que la formidable violence, inscrite dans le projet réductionniste, soit louée par le projet au coeur duquel elle se trouve l'instigatrice - le minimalisme.
Le Comte est bon.

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