dimanche 30 septembre 2007

Les chemins du plaisir 134

Le charme de la séduction ne laisse pas de détonner, au point qu'on s'étonne toujours du succès invétéré de jeux de séduction pourtant longuement éprouvés. Souvent on s'en gausse; parfois, on s'en indigne. Comment esprits crédules peuvent ne pas s'apercevoir que ces agapes reposent sur le paraître mensonger et le faux grossier? Evidemment, on invoquera que le désir n'est pas la raison ou que le coeur a ses raisons que la raison ignore. Sauf que la raison n'est jamais qu'une faculté d'analyse, non d'action. Si le désir obéissait à des règles incohérentes, voilà belle lurette que l'homme aurait disparu de la surface de son globe endolori. S'il est encore là, et bien là, c'est que sa boussole intérieure le meut vers des ordres plus consistants que les sables justement dénommés mouvants. Le sable mouvant correspond justement pour l'homme à cette incapacité de se reposer sur un quelconque principe tangible et certain. Rien n'est plus mouvant que le réel et, en même temps, l'homme a d'autant plus besoin de reprendre pied qu'il a l'impression que le sol se dérobe. La séduction joue le rôle du fondement introuvable dans ce dérobement permanent qu'est l'identité ontologique, l'identité de toute chose, en fait. C'est pourquoi je trouve que l'association de la séduction au mensonge et à l'apparence frelatée est hâtive. Car si le jeu de la séduction fonctionne depuis que les hommes sont les hommes, et que les vivants sont les vivants (je n'ose un tonitruant : depuis que les dinosaures existent), c'est que La Palisse n'est pas le seul homme à avoir éprouvé du vertige face au démon de la tautologie (formule, je le précise avec véhémence et solennité, que je viens de forger de toutes pièces et qui ne saurait tenir en rien de la pensée de Clément Rosset). Justement, le vertige nous signale que séduire, c'est apporter un fondement dans la relation inter-individuelle, un fondement en ce que l'équilibre, même précaire, préfigure au don de l'altérité en tant que générateur des formes indéfinies de la reproduction ontologique. La séduction indique que le fondement ne se situe pas dans la singularité, mais dans la transmission. La séduction - non le séducteur. Car ce dernier est plus au service de ses passions et chimères, qu'il croit servir au profit de son individualité, dans le moment où il s'en éloigne le plus. A son corps défendant. Telle pourrait être la devise éclairée d'un séducteur qui se leurre. De tout séducteur. Quant à la séduction, malgré les mensonges et souffrances qu'elle encourage pourtant, elle a le mérite insigne de témoigner que l'échange suppose certes une phase d'objectivation, mais que celle-ci n'est ni complète, ni définitive (postulat arbitraire et brutal de l'esthétique pornographique). Au contraire, l'ordonnation suppose un excès de réel qui n'est pas de l'ordre de l'être, mais qui appartient en propre à cette partie du réel qui justement explique que la tentation de la réification (comme processus ontologique d'ordre totalisant et totalitaire) repose sur une hypothèse de représentation fausse, outrée, partiale. Surreprésentée. Si la réification permet d'expliquer plus aisément le mystère de l'incarnation, sa singularité et sa différence perpétuelle et indéfinie, toute forme n'est jamais réductible à sa manifestation sensible, sans quoi le langage serait en mesure de produire une définition en soi des innombrables parties qui composent le réel (à défaut du réel lui-même). On n'en est pas là, et s'il est vrai que toute recherche métaphysique mène à l'Ordre métaphysique et/ou à l'objet hyperphysique, c'est que le supplément de réel n'est pas un supplément d'être. Néant, quand tu nous tiens, suivez mon regard... Je succombe, je rends les armes, bref : je suis séduit!

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