mardi 18 septembre 2007

Les chemins du plaisir 78

Sans doute le désir a-t-il besoin pour élire sa fin de la réduire à l'état d'objet. J'emploie ici le terme de fin pour ne pas user du terme objet, trop connoté. Sans doute cette fin est-elle autant la proie du prédateur qu'est tout animal désireux d'assouvir sa fin et sa soif que lors de la conquête amoureuse. On remarquera que la faim comme l'amour donnent lieu le plus souvent à des parades et des débauches de violence, qui n'indiquent que trop le mécanisme de la réduction ontologique présent au coeur de toute objectivation. Sans doute cette réduction produit-elle des résultats plus qu'heureux, puisque c'est grâce à ce mécanisme que le désir est opérant et efficace, qu'il assure la subsistance des vivants comme leur reproduction efficace. De ce point de vue, l'homme n'a pas à se plaindre. Il domine d'une tête le règne animal. Cette suprématie va de pair avec la complexité accrue de ce désir, mais il est probable que le moteur fondamental du désir soit le même à tous les niveaux du vivant. Cette objectivité pourrait laisser à penser que les prétentions de la violence au désir (mais aussi du désir à la violence) sont fondées, et je ne prendrai comme récent et infime exemple que la mode de la pornographie (vingt ans sur vingt mille, bon courage!). Malheureusement, l'opération de réduction à laquelle s'astreint le désir pour élire sa fin ne concerne jamais que l'opération d'élection. Il est certain que la faim pousse le léopard à chasser sa proie, mais : une fois la faim passée, le léopard continue à désirer. C'est le signe que la désir n'est pas réductible au mécanisme de sa réduction, ni que le désir coïncide avec le moment de l'élection (ou du choix). En amour, les choses sont plus compliquées, car si la phase d'élection (je n'ai pas dit : érection) coïncide avec l'excitation, la réduction qu'elle implique (par conséquent : la violence) ne légitime nullement la pornographie, non toutes les tentatives pour définir la sexualité (et le désir) comme le moment de la réduction par la violence. Si tel était le cas, le désir ne serait pas viable en matière d'amour et de reproduction, puisqu'il mélangerait la différence et l'anéantissement. Si l'excitation du désir suppose la réduction, cette réduction ne concerne jamais que le mécanisme de l'excitation. Il serait pour le coup fort réducteur de réduire le désir à cette seule opération, sans considérer que le temps de la réduction, temps de l'élection, temps de l'excitation, n'est qu'une des étapes du désir, non dans son processus global, mais dans son processus amoureux. Autrement dit : le moment de la réduction exprime le besoin pour la finitude d'élire l'absolu dans sa finitude pour poursuivre la marche en avant du devenir. La réduction, au moment où elle opère sa terrible violence, reconnaît déjà qu'elle réduit le réel en sa forme élue - que le réel en sa forme élue l'outrepasse de tous côtés...

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