dimanche 16 septembre 2007

Les chemins du plaisir 68

La démocratie est promise à sa perte, à la récupération par le totalitarisme, si elle ne s'attèle pas d'urgence à sa tâche primordiale : définir un nouveau concept qui remplace celui de liberté (et son avatar contemporain), trop vague et trop poreuse. Le totalitarisme est à son aise pour réinvestir ses anciens bastions au nom de la liberté. Les Lumières croyaient avoir achevé le travail en définissant la liberté par rapport à ses limites. De fait, la liberté encadrée, la violence se trouvait encadrée à son tour. Las! Le totalitarisme madré, jamais à court de ruses, s'est empressé de produire la parade. C'est au nom de la libération que le totalitarisme s'est engouffré dans la brèche. L'accomplissement de la liberté supposait en effet la libération par rapport au totalitarisme. C'est justement en interrogeant les limites de la liberté et de la libération que le totalitarisme lance son oeuvre de sape. Toujours au nom de la liberté, bien entendu. C'est le coup de génie du totalitarisme que d'avoir associé son action à la liberté. Car la liberté est considérée comme l'antonyme évident du totalitarisme. Comment accepter que le totalitarisme se tapisse dans les fondements de la liberté? Pourtant, la liberté n'est l'antonyme du totalitarisme qu'à condition qu'elle soit aussi un effort rigoureux de limitation. Car le propre du totalitarisme efficace n'est pas de se réclamer de la privation, de l'interdit, c'est-à-dire de son image reconnue et négative. Le totalitarisme efficace se veut libre, libéral, libertaire, libérateur. Puisqu'on l'accusait d'instaurer des limites coercitives et inutiles, le totalitarisme a opéré sa mue impressionnante, habile et efficace : désormais, il ne militera plus pour l'interdiction; tout au contraire, il prônera de manière cohérente et efficace la libération de tous les interdits, la libération absolue. Mais la libération absolue n'est pas la liberté! La liberté de faire ce que l'on veut, slogan bien connu, n'est pas la rengaine de la liberté! La liberté démocratique se trouve coincée : si elle s'aligne, elle acquiesce au totalitarisme; si elle s'oppose au mouvement de libération, elle passe pour répressive, rétrograde, réactionnaire, frileuse, bref totalitaire. Les rôles sont changés! Ce n'est plus la démocratie qui lutte pour la libération; c'est le totalitarisme qui exige l'abolition des limites! La liberté avec limites : vraie définition de la mesure démocratique et de l'exigence de liberté. La liberté sans limite : vraie définition de la démagogie, de l'utopie et du totalitarisme (trois synonymes). Comme la mesure n'est jamais qu'affaire d'esprit, et non de lettre, l'urgence consiste bien à trouver une postérité cohérente à la notion de liberté. Cette parade permettra de déjouer le cheval de Troie du totalitarisme. Provisoirement.

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