dimanche 30 septembre 2007

Les chemins du plaisir 132

Le mythe de la pornographie revient bien à instituer la perfection par une proclamation arbitraire d'intention puérile et destructrice. L'institution de la pornographie aboutit de façon remarquable à instituer le règne de la Perfection pour destituer le jeu classique de la séduction. Ne nous trompons pas sur l'étymologie de séduction et sur l'ouvrage superficiel livré par Baudrillard sur le sujet. "Attirer vers, attirer à soi, exercer une traction, soulever, amener en haut, séparer, retirer, soustraire, tenter, enlever à la dérobée", toutes ces traduction de subducere ne sauraient se limiter à la représentation de la séduction comme mensonge et art de la tromperie. Cet art n'est jamais que le dévoiement (et le jeu pervers) d'un art véritable qui consiste plutôt à jouer sur l'imperfection intangible du donné pour lui donner l'apparence de la perfection humaine. Avant de se faire passer pour ce qu'il n'est pas, le séducteur est celui qui se réclame de la possibilité d'améliorer ce qui est, je veux dire : d'aménager et d'agencer le réel aux normes de fonctionnement de l'homme. La séduction est ce long et subtil processus par lequel l'être humain affirme haut et fort la possibilité de sortir du déterminisme étriqué et simpliste, par la possibilité qui lui est offerte d'influencer le donné qui le concerne (directement et indirectement). Où l'on voit que cette condamnation du déterminisme simpliste ne restaure nullement le libre-arbitre pur et simple. Il se pourrait même que ce que nous appelons de notre point de vue liberté s'intègre à des mécanismes visant l'ensemble du réel et de ce fait échappant à notre entendement. La liberté serait-elle déterminisme mal compris? En tout cas, la séduction est un jeu d'une telle subtilité que son efficacité opératoire échappe heureusement aux analyses conscientes et préalables qui ont pu, ou pourraient, en être données. Par contre, ce n'est certainement pas un hasard si la séduction est aussi absente des débats pornographiques. Il est des absences criantes, tellement criantes qu'elles ont valeur d'aveux. Si la pornographie biffe ainsi d'un trait de caméra les méandres souvent incompréhensibles de la séduction, c'est qu'elle ne pressent que trop que son coup de force contre le réel, son coup d'état contre l'ordre véritable, revient à instaurer arbitrairement la Perfection mythifiée en lieu et place de la séduction. L'effort véritable, la complexité des sentiments et des comportements sont ainsi remplacés par le totalitarisme de l'Hyperréel, où la représentation permet d'instaurer le réel tel que l'homme le désire et tel que, précisément, il ne saurait être. La pornographie mérite d'être taxée d'esthétique du ressentiment en ce qu'elle révèle le principal grief que l'homme dans son inconséquence adresse au réel : d'avoir créé un monde imparfait par rapport à ses attentes. Ce en quoi on pourrait objecter que la séduction est la plus belle des réponses apportées à ce dépit largement exagéré. Ce en quoi, aussi, le mot de Héraclite mérite la place qui lui revient : "Il n'en vaudrait pas mieux pour les hommes qu'arrivât ce qu'ils souhaitent."

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